« it's time. » anna et loukas.

Mes lunettes de soleil sur le nez, allongée sur le ventre, je me redresse quelques secondes afin de tourner mon visage vers celui qui est à mes côtés. Je ne suis pas du genre à aimer lézarder au soleil, mais l’idée de sortir de chez Clay m’avait plutôt plu, sur le coup, nos dernières discussions ayant été à chaque fois un peu plus tendues. Et ces choses-là, ça me tape vite sur le système, alors fuir semblait être une bonne solution, et passer la fin d’après-midi avec Loukas aussi. Plusieurs fois je soupire afin de le réanimer un peu et que ses paupières se tournent vers moi. Ce qu’elles finissent par faire, parce que je me devine agaçante sur le coup, n’est-ce pas ? Je mordille ma lèvre inférieure, fais semblant de réfléchir un instant, avant de lui dire avec une franchise tranchante qui me caractérise depuis toujours, et qui, avouons-le, ne changera pas. « Je m’ennuie. » On ne peut plus clair. Je suis comme ça.
Ma main s’approche de mes lunettes afin de les relever et de planter pour de bon mes iris foncés dans les siens bleutés, de sourire à moitié, et d’argumenter un peu plus ma première pensée. « La prochaine fois que tu me proposes de trainer avec toi. » Ce n’est pas vrai, mais je suis plutôt fière de moi quand je me permets de lui préciser. « Tu peux être sûr que je dirai non. » Ou alors peut-être que je suis trop vieille pour faire ça, que je devrai me concentrer sur ma reprise en main d’Omnicom. Et je me tourne finalement sur le dos, afin de bronzer de l’autre côté, tout en continuant de soupirer aux moments qui me semblent justifier. En fait, je réalise que je vais surement le faire pour l’embêter, jusqu’à ce qu’il se décide à parler.

It's time.

Farniente, bordel qu’est-ce que ça faisait du bien de ne rien foutre. En ce moment mes moments de tranquillité se faisaient de plus en plus rares, normal je n’étais plus seul. J’avais laissé une nouvelle fois Hailee entre de bonnes mains, j’avais dû promettre un diner convenablement préparé en échange et voilà que je me retrouvais en compagnie de la brune qui ne cessait de souffler. Les yeux clos, un sourire taquin sur les lèvres, je l’entendais trépigner discrètement encore et encore jusqu’à ce qu’elle se décide à parler, bon. « Tu sais que j’ai rien demandé moi, tu crois que c’est facile de me coltiner ta personne alors que j’ai rarement des moments tranquilles en ce moment ? » Je soulevais à mon tour mes lunettes pour la regarder dans les yeux, qu’est-ce qu’elle pouvait à la fin ? Pour une fois qu’il y avait un peu de soleil, elle était en train me gâcher mon moment de détente absolu, et en plus de ça elle essayait de jouer les méchants. « Au fait, comment va ton appartement, toujours aussi chaud ? » Je faisais une légère moue innocente puis je remettais mes lunettes en place. Ouais j’avais eu vent de son aventure avec Clay, ce faux cousin éloigné à qui j’aurais bien foutu mon poing dans la gueule.

It's time.

« Tu sais que j’ai rien demandé moi, tu crois que c’est facile de me coltiner ta personne alors que j’ai rarement des moments tranquilles en ce moment ? » Le piquant de sa phrase galvanise mon envie de l’embêter un peu plus. Si je ne le connaissais un minimum évidemment que je ne le laisserai pas me parler de cette façon-là. Bien que … Même si je le connais, je peux assurer que ce n’est pas longtemps que je pourrai le supporter. Parait que je suis une vipère indomptée. C’est d’ailleurs à cause de cette caractéristique de ma personne que je me permets de lui rétorquer. « Oh pardon, monsieur est overbooké. » Je soupire, soutiens un peu son regard avant de clore les paupières et de profiter de ce soleil qui petit à petit me tape sur le système.

« Au fait, comment va ton appartement, toujours aussi chaud ? » J’arque un sourcil en tournant mon minois vers lui une nouvelle fois. J’ai tout d’abord une hésitation quant aux raisons de sa phrase. Je me demande, de quoi il parle, et d’ailleurs lorsque j’envisage toutes les possibilités de réponses je réalise bien vite qu’il n’y en a pas tant que ça, persuadée intimement que sur notre corps à corps il n’a rien révélé à qui que ce soit, mon colocataire, n'est-ce pas ? Et puis, je suis sûre que Loukas, veut juste me taquiner sur le fait que je n'ai plus rien - ou pas grand chose à moi - depuis quelques mois, depuis qu'il a tout brûler, Clay. Du coup, je choisi de garder les choses pour moi au sujet de cette soirée, même si je suis loin de la regretter. « Il se porte plutôt bien, les travaux sont bientôt terminés. » Et je ne saurai pas dire ce que je ressens à cette idée. Mais c’est indéniable, je vais bientôt retrouver mon indépendance. « Pour ce qui est de ce qui a cramé, tu sais bien que je vais pouvoir tout racheter. » Ou que j’enverrai quelqu’un à ma place le faire, puisque j’ai le pouvoir de mon père, de son enfer.

It's time.

« Parfaitement, madame. » Je réajustais mes lunettes de soleil sur mon nez, comme si de rien était. Avait-elle essayé de me lancer un pique ? Peut-être bien mais sa tentative était parfaitement tombée à l’eau. Qu’importe, Annalynne était comme un buisson de roses, si on arrivait à éviter une épine, une autre prendrait le relai et au final on allait tout de même se faire piquer. Le problème ? J’étais le paysagiste qui dégommait les buissons de roses, enfin les rosiers quoi. J’aimais bien cette fille, sans trop l’avouer et c’était pareil de son côté. Pourquoi ? Parce qu’on se ressemblait, rien de plus. Je l’interrogeais alors sur son appartement, j’avais eu vent du feu qui s’était propagé à l’intérieur de celui-ci et par la faute de Clay en plus, celui-là n’en manquait pas une, mais bref je m’en foutais, moins je le voyais, mieux je me portais. « Bien, j’ai hâte de voir ça. » Un sourire se dessinait sur mes lèvres, je savais qu’en matière de goûts et couleurs, enfin en matière de décoration, Anna ne se débrouillait pas trop mal et un appartement entièrement refait à neuf, ça allait sûrement en impressionner plus d’un. Je lâchais un petit rire à propos de ce qu’elle venait de dire, j’étais conscient qu’elle était douée pour la décoration et ce genre de truc, mais pour aller acheter ce qu’il lui fallait, ça c’était une autre histoire. « Oh je n’en doute pas, un larbin ou deux, ça doit bien se trouver vite fait, avec l’argent de papa en prime, jackpot. » Sur ce point aussi on se ressemblait. Merci papa, Merci l’argent, Merci les larbins.

It's time.

Et moi je lève les yeux au ciel quand il me chante que « parfaitement, madame. » il est overbooké, j’en soupire même de lassitude pour lui montrer que ça ne me fait ni chaud ni froid, après tout, bien qu’il le soit, il se trouve bel et bien ici aujourd’hui, avec moi, alors je le prends comme une petite victoire personnelle, rien ne peux m’empêcher de galvaniser mon égo bien trop démesuré. On en vient alors à parler de mon appartement, qui est presque terminé et dont cette constatation me réjouit et me donne la nausée à la fois, d’ailleurs j’en fronce les sourcils, presque malgré moi. « Bien, j’ai hâte de voir ça. » Et là un petit sourire se dessine sur mes lèvres tandis que je lui sers une mine outrée, à la limite du choc incontrôlé. « Quoi ? » Je m’amuse, rien que ça. « Le grand Loukas compte m’honorer de sa présence chez moi ? » Un rire un tant soit railleur s’échappe de mes lèvres, la vérité c’est que malgré tout mon argent et mon incroyable sociabilité – voyez l’ironie – je ne suis pas du genre à laisser entrer beaucoup de monde dans mon intimité. Après tout la dernière fois que je l’ai fait, mon appart a cramé, leçon retenue.

« Oh je n’en doute pas, un larbin ou deux, ça doit bien se trouver vite fait, avec l’argent de papa en prime, jackpot. » Et là je grimace un peu, grince même des dents, quand je lance finalement au vent. « Il serait même capable de l’engager lui-même. » Parce que mon caractère vient bien de quelque part, même adoptée, faut dire que c’est à sa manière qu’il m’a façonné, bien qu’il m’ait pris plus d’une fois l’envie de me rebeller. « On change pas un maniaque du contrôle. » Clairement pas, au contraire, on doit même se marier pour assouvir ses quatre volontés. « Bon assez parlé de moi, ce n’est pas que ça me dérange, hein, mais allez, je te laisse la vedette pendant quelques minutes, je vais même faire semblant de m’intéresser, et après on va se baigner. » Un sourire angélique s’offre à son regard, quand j’attends qu’il me raconte, de sa vie, les nouveautés. Après tout, mon père et mon appartement, ce n’est pas des plus passionnant.