Harvey Sidney McCutter ft. Sierra Kusterbeck

Cher Journal,

Trente ans, un nouveau cap de passé dans ma vie. C'est l'heure du bilan, l'heure de contempler les erreurs et les blessures du passé. Plus de joies que de peines, plus de peurs que de mal, pas vraiment de tragédies, juste des histoires de coeurs brisés, des histoires d'adolescente, des histoires dont on rit passé vingt ans. Contempler son enfance avec un regard plein de lueurs, une petite larme au fond du coeur. Cette insouciance, cette légèreté. Je me rappelle de cette petite maison, dans un quartier tranquille. Je jouais toujours sur la pelouse devant la maison, le soleil baignait toujours sur Santa Monica, à la veille du printemps. J'avais ma bicyclette bleue, puisque mes parents pensaient avoir un garçon, d'où mon prénom assez masculin. J'avais aussi ma petite balançoire pour trois, j'avais souvent des copains à la maison. Déjà enfant, j'aimais le dessin et la peinture, je semblais douée, pour une gosse de cinq ans. J'ai été dans les premiers de la classe jusqu'au collège, puis j'ai eu des hauts et des bas, comme tous les étudiants à un moment donné de leurs vies. J'ai eu mon diplôme de fin d'année avec une mention bien, j'étais contente, bien que ce jour là, mon coeur n'était pas vraiment à la fête.

Elle a été la première, mon premier amour, ma première histoire, ma première fois. J'avais quinze ans lorsque je l'ai connue. On se tournait autour, on se faisait des câlins, on était souvent au téléphone le soir, alors qu'on se voyait toute la journée, cela durant six mois. On se manquait mutuellement dès lors qu'on se quittait, à la sortie du lycée le soir, après les cours. Un soir, elle m'a dit je t'aime avant de raccrocher son téléphone, mon coeur s'était emballé. Le lendemain, on était ensemble, vraiment. Les vacances d'été arrivaient, on était toujours ensemble, chez elle, chez moi, sur la plage. Quelque était l'endroit, on était ensemble, heureuses, amoureuses. Le jour de la remise des diplômes, elle était aux bras d'une autre fille, blonde et plantureuse, une pouffe à gros nichons, en somme. C'est à partir de là que j'ai sombré dans l'alcool. L'oublier, oublier la gueule de bois qui m'attendait, oublier que j'allais mal, oublier que j'avais envie de la torturer.

Quelques années plus tard, je sortais avec mon dernier diplôme, me permettant de devenir professeur d'arts. Après plusieurs candidatures, la meilleure fac m'a acceptée. Je débarquais alors sur le Campus d'Harvard, où beaucoup de jeunes étaient étonnés de voir une prof telle que moi. En même temps, t'as déjà vu une prof d'arts qui soit pas en décalage avec les normes imposées de la mode ?