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03 Octobre 2015, 01H46
Felix n'avait jamais vraiment apprécié la nuit. Oh, la voûte du ciel, bien sûr, ça le transcendait toujours un peu (il est admis qu'on ne peut faire des études d'astrophysique si l'on n'aime pas un minimum les étoiles), mais rentrer chez lui la nuit, c'était autre chose.
La route était dangereuse. On était pas à l'abri de jeunes gens ivres déboulant d'un bar, ou même d'un chat suicidaire s'élançant sans vergogne sous les roues d'une voiture lancée à pleine vitesse. La rue était dangereuse. On pouvait tomber sur de petites gens peu fréquentables et autres hurluberlus plus ou moins nuisibles à la société. Les gens étaient dangereux (pas besoin d'expliquer, conférez-vous aux informations locales).
Et le soir, Felix n'était pas rassuré.
Alors, lorsqu'il vérifia pour la cinquième fois si sa voiture était bien fermée et qu'il entendit un bruit étrange à proximité, il se raidit et se figea un instant - quoi faire ? - qui appeler ? - quel risque ? - qui, que, où, dont, quoi ? Puis il fronça les sourcils en constatant que le bruit était en réalité celui qu'un aérosol. Tiens donc. Pas banal.
Sans un bruit, avec toutes les précautions du monde et une bombe lacrymogène en main, il se rapprocha lentement de la source de ce doux vacarme pour discerner, dans la lumière jaunâtre des réverbères, un individu manifestement de sexe féminin compte tenu de la taille fort peu masculine s'employer à tagger le mur de son immeuble.
Foutus jeunes incapables de respecter quoi que ce soit !
Si c'était encore pour se retrouver avec des inscriptions obscènes ou ridicules qui ne manqueraient pas de faire chier le monde, mieux valait encore économiser leur fric que de l'investir dans des bombes de peinture (encore que cette option était encore préférable à la drogue, foutus jeunes accrocs à tout).
Seulement, Felix Blumstein était un scientifique. Pas un justicier. Oh non, certainement pas (un justicier qui a peur de son ombre, ça ne fait pas des miracles).
Oui, mais le méfait s'accomplissait sous ses yeux apeurés ! La non-action est un choix, et Felix le justicier dans l'âme et non dans les faits ne pouvait se permettre de choisir l'option du vandalisme.
Allez, courage Felix, c'est qu'une fille. Et t'as une bombe lacrymo, t'es pas sans défense.
Non. Après, le courage. Pour le moment, même s'il rentrait seulement de chez lui, il fallait appeler Clement. Lui saurait quoi faire, ouais, lui c'était un justicier, un vrai, pas un héro en carton comme son débile de petit frère. Il allait lui indiquer la marche à suivre, ou l'envoyer bouler parce qu'il voulait dormir et n'avait jamais tenu le moindre propos à l'encontre du graffiti, mais en tout cas, Felix l'appelait soit lui, soit les flics. Ou quiconque Clement lui dirait d'appeler, après tout, ça ne l'aurait même pas surpris qu'il lui demande d'appeler un pote à lui qui devait habiter à deux minutes de chez Felix (ben ouais, il connaissait déjà toute la région, ce con).
Alors, pour une fois dans sa vie, Felix dégaina son téléphone au terme d'une lutte acharnée avec sa mallette (le pauvre cellulaire datant de l'an quarante avait cette tendance à passer sa vie au fond d'un sac écrasé par un million de cours bien plus complexes que son processeur). Et... Plus de batterie.
Oh, Felix aurait bien eu envie de le fracasser par terre, c'était pas possible bon Dieu de merde, pour une fois qu'il en avait besoin, monsieur faisait grève, mais il ne le jeta pas au sol parce que de toute façon, il n'aurait pas eu la moindre égratignure, parce que Felix n'était quand même pas si violent ni si inconsidéré et enfin parce qu'il ne tenait pas à se faire repérer par l'autre énergumène de saloperie de jeunes gens foutre nom d'un chien.
C'était à lui de jouer, apparemment. N'oublie pas, Felix, la non-action est un choix, si tu réagis pas tu seras aussi coupable ! Felix à la morale irréprochable ne pouvait pas se le permettre, oh non, il ne se serait jamais pardonné d'avoir indirectement dessiné des parties génitales masculines sur son propre immeuble (représentation probable car populaire chez la jeunesse). Impossible.
Seulement, quand il ouvrait la bouche, Felix Blumstein avait cette indécrottable habitude de perdre toute once de crédibilité. Et puis, Felix Blumstein avait déjà peur de s'adresser aux élèves de sa promo. Alors à un vandale ?
La non-action est un choix, Felix.
Poussé par ses idéaux, Felix trouva le courage de s'éclaircir la voix.
Aucune réaction.
Felix s'éclaircit la voix un peu plus fort.
M'oblige pas à parler. Enfin. A essayer.
Aucune réaction.
Ultime tentative.
Toujours rien.
Et si elle avait un flingue ? On en savait rien, avec les jeunes, surtout les jeunes vandales, prêts à tout pour tagger des vulgarités agressives pour les rétines. Foutus américains avec leur port d'arme, honteux, Felix songea un instant à envoyer une missive bien enflammée à l'ONU, merde, faites quelque chose, les gars, la paix, tout ça, c'est votre truc normalement.
Les idéaux, Felix, oublie pas tes idéaux.
Et, pour signaler sa présence, il ne trouva rien de mieux à faire dans la panique qui s'emparait de lui que de balancer un caillou contre la façade, à quelques dizaines de centimètres près de la jeune terroriste (parce que si Felix n'était pas un justicier, il n'était pas non plus un lanceur des plus fameux).
Dès lors que l'énergumène se retourna, Felix se liquéfia. Mais il tenta de rester placide, et lui fit signe oust, que diable, mauvaise graine, c'est chez moi ici, en mimant d'appeler les autorités compétentes.
Mais il ne dit pas un mot, d'une part parce qu'il était trop tétanisé pour ça, et d'autre part parce qu'il ne souhaitait pas donner une raison supplémentaire à cette jeune fille furibonde d'attaquer ce pauvre Felix. On ne savait jamais, avec ces fichus américains.
Felix n'avait jamais vraiment apprécié la nuit. Oh, la voûte du ciel, bien sûr, ça le transcendait toujours un peu (il est admis qu'on ne peut faire des études d'astrophysique si l'on n'aime pas un minimum les étoiles), mais rentrer chez lui la nuit, c'était autre chose.
La route était dangereuse. On était pas à l'abri de jeunes gens ivres déboulant d'un bar, ou même d'un chat suicidaire s'élançant sans vergogne sous les roues d'une voiture lancée à pleine vitesse. La rue était dangereuse. On pouvait tomber sur de petites gens peu fréquentables et autres hurluberlus plus ou moins nuisibles à la société. Les gens étaient dangereux (pas besoin d'expliquer, conférez-vous aux informations locales).
Et le soir, Felix n'était pas rassuré.
Alors, lorsqu'il vérifia pour la cinquième fois si sa voiture était bien fermée et qu'il entendit un bruit étrange à proximité, il se raidit et se figea un instant - quoi faire ? - qui appeler ? - quel risque ? - qui, que, où, dont, quoi ? Puis il fronça les sourcils en constatant que le bruit était en réalité celui qu'un aérosol. Tiens donc. Pas banal.
Sans un bruit, avec toutes les précautions du monde et une bombe lacrymogène en main, il se rapprocha lentement de la source de ce doux vacarme pour discerner, dans la lumière jaunâtre des réverbères, un individu manifestement de sexe féminin compte tenu de la taille fort peu masculine s'employer à tagger le mur de son immeuble.
Foutus jeunes incapables de respecter quoi que ce soit !
Si c'était encore pour se retrouver avec des inscriptions obscènes ou ridicules qui ne manqueraient pas de faire chier le monde, mieux valait encore économiser leur fric que de l'investir dans des bombes de peinture (encore que cette option était encore préférable à la drogue, foutus jeunes accrocs à tout).
Seulement, Felix Blumstein était un scientifique. Pas un justicier. Oh non, certainement pas (un justicier qui a peur de son ombre, ça ne fait pas des miracles).
Oui, mais le méfait s'accomplissait sous ses yeux apeurés ! La non-action est un choix, et Felix le justicier dans l'âme et non dans les faits ne pouvait se permettre de choisir l'option du vandalisme.
Allez, courage Felix, c'est qu'une fille. Et t'as une bombe lacrymo, t'es pas sans défense.
Non. Après, le courage. Pour le moment, même s'il rentrait seulement de chez lui, il fallait appeler Clement. Lui saurait quoi faire, ouais, lui c'était un justicier, un vrai, pas un héro en carton comme son débile de petit frère. Il allait lui indiquer la marche à suivre, ou l'envoyer bouler parce qu'il voulait dormir et n'avait jamais tenu le moindre propos à l'encontre du graffiti, mais en tout cas, Felix l'appelait soit lui, soit les flics. Ou quiconque Clement lui dirait d'appeler, après tout, ça ne l'aurait même pas surpris qu'il lui demande d'appeler un pote à lui qui devait habiter à deux minutes de chez Felix (ben ouais, il connaissait déjà toute la région, ce con).
Alors, pour une fois dans sa vie, Felix dégaina son téléphone au terme d'une lutte acharnée avec sa mallette (le pauvre cellulaire datant de l'an quarante avait cette tendance à passer sa vie au fond d'un sac écrasé par un million de cours bien plus complexes que son processeur). Et... Plus de batterie.
Oh, Felix aurait bien eu envie de le fracasser par terre, c'était pas possible bon Dieu de merde, pour une fois qu'il en avait besoin, monsieur faisait grève, mais il ne le jeta pas au sol parce que de toute façon, il n'aurait pas eu la moindre égratignure, parce que Felix n'était quand même pas si violent ni si inconsidéré et enfin parce qu'il ne tenait pas à se faire repérer par l'autre énergumène de saloperie de jeunes gens foutre nom d'un chien.
C'était à lui de jouer, apparemment. N'oublie pas, Felix, la non-action est un choix, si tu réagis pas tu seras aussi coupable ! Felix à la morale irréprochable ne pouvait pas se le permettre, oh non, il ne se serait jamais pardonné d'avoir indirectement dessiné des parties génitales masculines sur son propre immeuble (représentation probable car populaire chez la jeunesse). Impossible.
Seulement, quand il ouvrait la bouche, Felix Blumstein avait cette indécrottable habitude de perdre toute once de crédibilité. Et puis, Felix Blumstein avait déjà peur de s'adresser aux élèves de sa promo. Alors à un vandale ?
La non-action est un choix, Felix.
Poussé par ses idéaux, Felix trouva le courage de s'éclaircir la voix.
Aucune réaction.
Felix s'éclaircit la voix un peu plus fort.
M'oblige pas à parler. Enfin. A essayer.
Aucune réaction.
Ultime tentative.
Toujours rien.
Et si elle avait un flingue ? On en savait rien, avec les jeunes, surtout les jeunes vandales, prêts à tout pour tagger des vulgarités agressives pour les rétines. Foutus américains avec leur port d'arme, honteux, Felix songea un instant à envoyer une missive bien enflammée à l'ONU, merde, faites quelque chose, les gars, la paix, tout ça, c'est votre truc normalement.
Les idéaux, Felix, oublie pas tes idéaux.
Et, pour signaler sa présence, il ne trouva rien de mieux à faire dans la panique qui s'emparait de lui que de balancer un caillou contre la façade, à quelques dizaines de centimètres près de la jeune terroriste (parce que si Felix n'était pas un justicier, il n'était pas non plus un lanceur des plus fameux).
Dès lors que l'énergumène se retourna, Felix se liquéfia. Mais il tenta de rester placide, et lui fit signe oust, que diable, mauvaise graine, c'est chez moi ici, en mimant d'appeler les autorités compétentes.
Mais il ne dit pas un mot, d'une part parce qu'il était trop tétanisé pour ça, et d'autre part parce qu'il ne souhaitait pas donner une raison supplémentaire à cette jeune fille furibonde d'attaquer ce pauvre Felix. On ne savait jamais, avec ces fichus américains.
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