ZELIE J. SIXTINE ► Freya Mavor

L'odeur des pain d'épices embaumait les rues de New-York alors que quelques familles s'essayaient à la confection des première pâtisseries de Noël, ajustant la recette si nécessaire. Les arbres clignotaient, affichant mille couleurs entre leurs branches dénudées et couvertes de neige. C'est dans cette ambiance précédant la fête tant attendue des enfants que la petite Zelie est venue au monde, offrant le plus beau cadeau dont peuvent rêver des parents désireux de fonder à leur tour une famille. Et John et Isydore Sixtine étaient le genre de parents qui rêvaient d'une famille, agréable non pas par le nombre d'enfant mais par son unicité, c'est pour cette raison qu'ils décidèrent que Zelie resterait leur seule et unique enfant.

Elle fut choyée, dorlotée, aimée, gâtée, traitée comme la plus précieuse des choses. Elle grandit dans un foyer d'apparence stable et n'eut jamais à souffrir d'événements marquants, de mauvais traitements ou autre. Sa mère s'occupait de la distraire le week-end par le biais d'activités mère-fille comme l'équitation, les balades au parc, les visites de musées, le visionnage de films au cinéma. Son père, quant à lui, s'occupait de son éducation scolaire, l'aidant à faire ses devoirs, faisant disparaître les petites difficultés qu'elle rencontrait parfois. C'est en partie grâce à lui qu'aujourd'hui son niveau scolaire est aussi élevé. Vue ainsi, la famille Sixtine avait tout de la petite famille américaine parfaite. Ce qu'Isydore et Zelie ne savaient pas et n'ont jamais su, c'est que si John était un père exemplaire pour la jeune fille, il était loin de l'être pour un autre enfant.

Zelie avait environ 14 ans quand c'est arrivé. Il était tard et la famille était réunie dans le salon devant le deuxième épisode de Shrek. Chacun riait de bon cœur quand quelqu'un sonna. C'est Zelie qui cria le mot « Preum's ! » la première, lui donnant la priorité pour aller accueillir l'inconnu qui attendait derrière la porte. Encore pleine d'énergie malgré l'heure tardive, elle sautilla vers la porte d'entrée avant de s'accrocher fermement à la poignée pour ouvrir. Derrière la porte se tenait un garçon de son âge qu'elle ne reconnut pas. Il n'était pas un camarade de classe c'était certain. A l'école, elle connaissait tout le monde et tout le monde la connaissait. Comme à la maison, elle était le centre des attentions.

Il était pâle et avait un petit air perdu. Elle s'apprêtait à lui dire qu'il s'était probablement trompé d'endroit quand il demanda à voir John. Intriguée, elle appela son père, sans même voir que le visage du garçon se décomposa lorsqu'elle prononça le mot « papa ». Il parvint jusqu'à la porte d'entrée et troublée Zelie décida de rester dans le but de comprendre la raison de cette visite. Cependant, son vœu ne fut pas exaucé. Après un instant de silence pendant lequel les deux hommes se jaugèrent du regard, son père la congédia en la priant de retourner auprès de sa mère. Légèrement déçue de ne pouvoir satisfaire sa curiosité naturelle, elle obéit cependant et n'eut pas de mal à se replonger dans le film, oubliant bien vite cette étrange histoire.

La vérité était que ce garçon était bien plus qu'un inconnu puisqu'ils avaient un point commun non négligeable, leur père. Et l'existence du garçon était la preuve vivante d'une infidélité paternelle puisque les deux enfants n'avaient que quelques mois d'écart et Zelie était la plus âgée. Évidemment, tout ça, son père ce garda bien de le dire à qui que ce soit et l'histoire s'étouffa de nouveau. Si bien que plusieurs années plus tard, lorsque les deux jeunes gens se recroisèrent à l'université, ni l'un ni l'autre n'eurent le sentiment de s'être déjà vus.

C'est grâce à son assiduité, son sérieux, son ambition et son autonomie qui Zelie fut acceptée à Harvard pour le plus grand bonheur et la plus grande fierté de ses parents. Theodore et Zelie, sans savoir qu'ils avaient bien plus en commun que le choix de leur université, devinrent bien vite amis jusqu'à même ressentir l'un pour l'autre des sentiments plus qu'amicaux. Cependant, sans qu'elle ne comprenne pourquoi, Theodore s'éloigna d'elle, semant le doute dans l'esprit de la demoiselle qui cherche encore à comprendre d'où vient le problème.