JAY WARREN COOPER ► Rafael Lazzini

Une enfance détruite passée sous le joug d'un père dictateur, archaïque, détestable et violent, c'est ta vie d'adulte qui en a souffert les répercussions. Les blessures physiques que tu subissais autrefois, du haut de tes huit ans, n'étaient qu'un simple souvenir, un minime reflet des effets psychologiques qui te détruisaient en tant qu'homme, en tant que citoyen américain, depuis ton entrée dans le monde adulte. À 8 ans, tu étais déjà bien plus mature que n'importe quel autre enfant de ton âge : protecteur envers ta Lydia chérie, petite soeur de cinq ans qui ne comprenait pas encore ces larmes sèches s'écroulant sur tes joues tous les soirs avant le dodo, tu aurais tout fait pour la protéger des malheurs et de la souffrance. La fin aurait été digne d'un conte de fée, s'il n'y avait eu que votre père impulsif qui se défoulait sur toi chaque fois qu'il revenait du boulot, anéanti, lourd, saoul. Mais un être encore plus horrible, encore plus méprisant, encore plus fort que ton père s'en est pris à la seule fille qui ait jamais compté dans ton coeur de façon inconditionnelle. La seule que tu aurais aimé sans conditions toute ta vie. Cet être horrible, meurtrier et malicieux? Le cancer. Il s'en est pris à son petit corps fragile puisqu'il ne peut vaincre contre des êtres plus forts et plus résistants que lui. Le cancer, il aime gagner. Un peu comme toi. Et sur ta soeur, qui a déclaré forfait, il a vaincu. Et tu lui en veux. Terriblement. Parce qu'il t'a enlevé la seule personne qui t'ait jamais compris et accepté tel que tu es, parce que ta petite soeur, c'était toute ta vie, rien de plus, rien de moins. Toute ta vie, arrachée à toi comme on retire un pansement. Sauf que le pansement, tu le sens toujours sur ta peau, et il fait toujours aussi mal. Même près de 7 ans après.

25 ans et toujours découragé par la vie. Elle est partie. Elle s'est enfuie loin de toi, et t'es comme en état de choc. On aurait presque dit que t'avais assisté à un grave accident de voiture et que t'avais sous les yeux un corps démembré et sans vie, plein de sang. Non, c'était bien pire. Olive Bambi Shark t'avait abandonné comme un con, le cul sur le sol, pendant qu'tu croyais que tout allait bien et qu't'avais enfin réussi à lui balancer c'que tu ressentais. Parce qu'avec une fille comme elle, aussi désagréablement chiante (non, très agréablement chiante), c'était loin d'être chose facile. Tu savais qu'elle t'aurais envoyé bouler, comme à son habitude, comme à ses aises habituelles, rien que pour te montrer qu'elle avait le dessus. Mais tu l'avais jamais laissée faire, non plus, car toi aussi t'étais chiant. Oh, c'est comme ça qu'vous vous étiez rapprochés, après tout, non? Enfin, la conne, elle était partie. Tu la traites de conne, parce qu'elle te manques terriblement, que tu comprends pas ses motifs, ses intentions. Elle te manque. Tu te fais de fausses idées sur les raisons de son départ, tu te convaincs que ce n'est pas trop pire, alors que la situation est horrible et qu'elle ne veut rien savoir de toi et de ton amour. Elle te manque. T'as entrepris des recherches depuis la jour d'après son départ. Ou plutôt, trois jours après sa fuite. Oui, t'croyais qu'elle avait simplement disparu un, puis deux jours, comme n'importe quelle personne l'aurait fait pour prendre de l'air et sortir un peu des merdes de sa vie. Mais là, une semaine, et puis deux, et puis une troisième. Puis un mois, même un peu plus qu'un mois, c'tait trop, et c'est toujours aussi dévasté chaque jour qu't'avais réussi à la retrouver... à Boston. Wut? De la famille là-bas, p'têtre? T'en savais rien. Tu savais pas ces trucs de sa vie. T'la cernais même pas encore complètement et pourtant, t'étais fou d'elle. Merde, fallait que tu la retrouves, t'avais envie d'la serrer contre toi pour te dire que ce n'était qu'un horrible cauchemar et qu'elle n'était pas partie. Ou que si elle était partie, ce n'était pas pour te fuir, toi et tes horribles sentiments. Olive Bambi Shark, je te déteste. Aime-moi. J'en ai marre de toi, mais j't'aime. Harvard, me voici. Je suis con, ouais.

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25 ans, cocu, divorcé, mal-aimé, détruit.
25 ans, et effrayé par l'humanité. Cette prise d'otage t'aura fait sombrer quelques temps dans un gouffre d'obscurité et de peur, mais tu t'en es sorti.
25 ans, tu mets les efforts pour te sortir de cette roue sans fin qui te tiens prisonnière dans son malheur. Ce n'est pas vrai que tu vas t'enfoncer encore plus loin dans une lugubre et triste vie. N'y a-t-il pas le soleil tous les jours, après tout?
25 ans, et la nouvelle d'une soeur biologique autre que Lydia te met sur le cul. Mais si tu peux retrouver enfin un peu ce bonheur d'avoir une famille, alors tu ne laisseras pas cette chance te passer sous le nez.
25 ans, et vaincu. Tu tentes de t'enlever la vie, en vain. Et toi qui croyait que la mort était si puissante. Elle t'arrache les gens qui ne la demandent pas, et rejette ceux qui la supplie. Qu'est-ce que cette justice?

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26 ans, et c'est un nouveau départ. 2 mois et demi passés au Pérou, en voyage humanitaire. Le sentiment d'être utile au bonheur des autres est une révélation, un bonheur, une exclamation qui ne cesse jamais d'apporter la plénitude et la satisfaction, le bien-être. Le Pérou t'aura été bénéfique sur plusieurs choses. D'aider des enfants sans ressources t'aura fait découvrir ton amour pour eux. De nature impulsif comme ton père biologique, la peur de lui ressembler advenant le cas que tu serais le père d'un gosse te fichait la trouille aux fesses. Maintenant, tu rêverais presque de fonder une famille. De découvrir la splendeur du pays qu'est le Pérou t'aura donné le goût de voyager bien plus et de sortir de ton quotidien plus souvent. Qu'y-a-t-il de mal à vouloir découvrir le monde dans toute sa beauté? Le temps seul passé loin de toute ta routine aura apaisé tes peines, tes misères, ton stress, ta douleur, tes envies suicidaires, ton coeur brisé, tes sentiments et tes jalousies. Tu sors de la cité des incas avec l'appareil photo plein et le coeur rempli de bonnes intentions et de résolutions telle l'envie de prendre un nouveau départ. Après deux mois de silence et d'absence, il est temps pour toi de revenir au bercail et de retrouver ce et ceux que tu as laissé derrière toi sans bien plus de manières. En tant qu'homme grandi, il est temps pour Jay Warren Cooper de faire un nouveau pas vers l'avant, pour rattraper tous les pays vers l'arrière que tu as pu faire. Il n'est jamais trop tard pour cueillir le bonheur quand il frappe à la porte, et pour être sincère... tu l'entends s'impatienter derrière la porte de ta vie.