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Les cours ont repris, il est tellement difficile de se remettre au travail après trois longues années à n’avoir rien fait d’autre que voyager, s’apitoyer sur son sort, réfléchir et tourner des pages. J’en ai tourné un certain nombre, j’ai fait la paix avec mes vieux démons, il m’a fallu atteindre le fin fond du bocal pour pouvoir commencer à grappiller les étages. Lentement, avec une infinie lenteur pour un résultat durable. Trois années, il m’a fallu trois ans pour parvenir à mes fins, pour retrouver la Lara que j’ai toujours été, ça n’a pas toujours été simple, j’ai énormément souffert mais jamais je n’ai pensé à m’ôter la vie. Avec le recul, je trouve vraiment peu d’excuses pour justifier cette décision que j’ai prise, celle qui m’a arraché les deux êtres qui comptaient sur moi, les deux petits bouts à qui je m’apprêtais à donner la vie. J’ai tout gâché en une poignée de secondes, en un mauvais coup de volant. Revenir sur le campus, ça n’a pas été une décision facile pour moi, je pensais ne jamais remettre les pieds ici, ne jamais affronter mon passé et pourtant… Où aurais-je pu me rendre ? Je suis toute seule, mes parents m’ont tourné le dos, j’ai dépensé les derniers dollars que j’avais en poche dans mes frais d’inscription et la location d’un appartement pour trois mois… Trois mois, de quoi me permettre de rebondir et de faire rentrer de l’argent au plus vite ? Rien n’est certain, je recommence de zéro. Qui dit recommencer, dit de nouveau faire preuve d’un esprit de compétitivité, c’est ce qu’il me faudra pour convaincre les professeurs les plus exigeants que j’ai toujours le niveau attendu en quatrième année de danse. Pour m’aider, j’ai fait appel à six jeunes femmes, des anciennes connaissances de classe, elles ont accepté de me donner un coup de main. Raison de notre venue aujourd’hui. Nous nous entrainons sur une chorégraphie rythmée, sensuelle, mouvementée. J’enchaine les pas, concentrée, dans mon personnage. Le vent ne me fait même pas faillir, pas un seul instant. Le ballon de football en revanche… Je le prends en pleine poire, je ne l’ai pas vu venir celui-là tiens ! Je me redresse, plaque ma main sur mon nez immédiatement, c’est à cet endroit que j’éprouve une douleur et relève la tête, prête à incendier le connard qui a osé… Tout compte fait je peux prendre la fuite ? Il est déjà trop proche pour ne pas m’avoir reconnu, trop proche pour que je puisse simplement reculer et partir en courant… Je peux toujours essayer ! Mon cœur s’envole, mes ailes se brisent en même temps que ma confiance. J’ai l’impression d’être à nouveau une enfant que l’on s’apprête à disputer après une bêtise. Pourvu qu’il soit devenu aveugle, pourvu qu’il ne m’ait pas reconnue… Pourvu qu’il n’essaie pas de me faire avaler ce maudit ballon en guise de revanche.
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