BRYNHILDE LEENA FALK ► Bridget Malcolm

Let's put some music, shall we? J'ai froid. Je frissonne. Les yeux fermés. Et doucement, comme une apparition divine, je sens des doigts contre la peau de mon dos, là ou le décolleté de ma robe se ferme, et ça me frappe soudain. J'ai chaud. Je transpire. J'ai les yeux ouverts. La noirceur qui m'entoure me laisse dans le flou et l'obscurité. Je n'entends rien que le souffle qui accompagne les doigts, et, si me retourner pourrait être simple, je suis paralysée. Rien n'est aussi simple que de ne pas savoir, d'être insouciant. Savoir, c'est avoir des possibilités, des choix. Il n'y a plus de questions, que des réponses; automatiquement, quoi que l'on fasse, on scelle un destin, et, c'est effrayant. "Leena." Ce n'est qu'un souffle, et je ne sais que trop bien à qui il appartient, et là, maintenant, le destin est scellé. Je me retourne, laissant flotter derrière moi un nuage de cheveux blonds, et mes yeux bleus prennent des allures candides, mes lèvres s'entre-ouvrent d'anticipation. C'est pas qu'une question de feeling ou de sentiments, c'est une question d'attraction des éléments, c'est chimique. C'est électrique. Personne ne l'explique. Même pas moi. Surtout pas moi. C'est une réaction encore inconnue des scientifiques, qui s'explique soit-disant par des idéaux, des hormones, Dieu seul le sait, et encore... Je ne crois pas au destin, parce que, si réellement le destin existait, cela voudrait dire que tout est déjà tracé, et j'ai envie de croire que non. Je ne crois pas au karma non plus, parce que, je ne pense pas avoir été si mauvaise pour mériter ne serait-ce qu'un tiers de ce qui a pu m'arriver, loin de là. Je ne crois pas à la vite antérieure non plus, parce que, c'est ridicule, et surtout, si j'avais déjà eu une vie, pourquoi on me renverrait sur Terre pour vivre celle qui m'anime aujourd'hui, et depuis 23 ans déjà? Pourquoi? C'est toujours la question primaire, et qui souvent, ouvre pleins de réponses. Alors, pour résumer, la vie c'est effrayant, à cause des réponses qu'on apporte à cette question et qui dessine la ligne que l'on suit. Pour le moment, ma main suit la ligne de sa joue à son cou, juste là ou sa clavicule se dessine, et dans un soupir d'aise et de soulagement, je me rapproche de lui suffisamment pour devoir lever les yeux pour le voir. Mise en contact des deux éléments, réaction, étincelles. La musique autour reprend, et je me rend compte que, soudain, c'est comme si tout c'était arrêté. Mon coeur explose sur les basses de la musique, et comme un orgasme, les lumières inonde ma vision de différentes couleurs. Rien ne s'était arrêté, il n'y avait eu qu'un instant, et pourtant, c'est comme si il s'était passé des heures. Comme si, dans un trip voyeur, j'avais pu sortir de mon propre corps pour voir l'action et la vivre à la troisième personne au lieu de la première. Une expérience de dissociation de l'esprit et du corps, qui, soit-disant, n'était supposée exister que lorsque l'on était sur le point de mourir et de basculer vers ce nouveau monde inconnu. Et peut-être que j'y étais. Peut-être que j'étais morte. Et c'est quand sa main à lui s'était posée complètement contre mon cou, son pouce contre les battements de mon coeur qui font vibrer ma jugulaire que je sais qu'il va répondre aux questions qui se posent. C'est pas qu'il le sait, c'est juste qu'il est comme ça, et qu'on peut pas rester indéfiniment à se regarder dans les yeux sans qu'une sentence tombe. Et putain, même si ça fait mal, ses yeux en valent bien la peine. "On s'en va." La peine est tombée, et c'est le pli entre ses deux yeux qui me font comprendre que, depuis le début, c'était là, creusé entre ses sourcils, un reflet du tumulte qui régnait dans sa tête, des flammes dans ses yeux. Et avant que sa main ne puisse atteindre mon bras nu, les deux miennes ont déjà trouvé son torse pour le repousser. Je sais très bien ce qu'il pense, je sais très bien le plan qu'il a imaginé. C'est un peu incroyable d'ailleurs, que je ne sais pas qui l'ai mis sur mon chemin ce soir, alors que justement, je sortais pour me fondre dans la masse, pour laisser les autres me modeler un peu comme ils le désiraient. Un peu comme une poupée à qui on pouvait inventer une vie, un caractère. Les autres, aussi dangereux soient-ils, pouvaient avoir ce pouvoir sur moi. Ils ne savaient pas, ils ne connaissaient pas les étapes de l'histoire qui me rendaient aujourd'hui aussi singulière et solitaire, aussi douée et pourtant démunie. Mais lui, lui, il savait putain. Il sait. Et il ne le sait que trop bien, et c'est pour ça sans aucun doute que sa bouche s'est lissée en une ligne dure et fermée, et que son corps tremble. C'est pour ça aussi, que certainement, il veut me tirer de là. Un peu comme on tirerait un mouton de la bouche du loup, une âme pure de l'Enfer.  Et c'est quand de nouveau il attaque avec ses mains contre mon cou que mon coeur se met à battre avec une frénésie incroyable, et je sais que, le seul moyen pour moi de ne pas complètement succomber au bien ou au mal qu'il représente que je dois contre-attaquer et le pousser dans le chemin inverse. "Viens, on danse." Et je sais que je l'ai mis en échec et mat, au bord du précipice, soit il tombe le Roi, soit il danse avec la Reine. L'un dans l'autre, la réponse aura des incidences, des répercussions. Quoiqu'il arrive, il y aura un pas de plus, dans le bien, dans le mal. Tout dépend du point de vue. Tout dépend de ce que l'on veut s'avouer. A soi. Aux autres. Et pour le moment, la seule chose que je suis capable d'avouer, c'est qu'il est la réponse de mes questions.