Deux mois ça passe vite (Leandra)

Mission distribution de tracts ventant les mérites de notre confrérie. Voilà le programme de l’après midi. Apparemment Ev’ et Tristan, deux de mes bizuts, n’étaient pas dispo. Mais un sms de Jasper, notre président encore pour quelques jours en attendant la fin des élections, m’indiqua que j’avais une nouvelle bizut, qu’elle m’aiderait dans ma tâche. C’était bien la mission de –l’intégration-, donner aux étudiants récemment arrivés dans la frat l’occasion de prouver leur intérêt et leur attachement à ce groupe qu’il souhaitait rejoindre… Bref, apparemment la demoiselle était normalement la bizut de Wil, mais son départ pour Londres avait obligé Jasper à répartir autrement les petits poussins qu’elle avait en charge. Ca ne me dérangeait pas, j’étais quelqu’un de sociable, et de vraiment attaché à la dunster. Si je pouvais transmettre cela aux nouveaux arrivants au cours des deux mois d'inté, c’était un plaisir… Pas d’indication par contre sur l’identité de cette personne dans le message de mon ancien coloc, je poussai la porte de la DH, marchai jusqu’à la photocopieuse où j’étais apparemment attendu mais me figeai dans l’entrée de l’étroit local : la photocopieuse, des tracts et… Leandra. L’endroit était le bon, ce ne pouvait pas être une erreur. Cela signifiait donc que la brune était la fameuse nouvelle dont j’allais devoir me charger de l’intégration. Je me raclai la gorge, tentant quand même avec une once d’espoir : « Tu n’es pas là pour la distribution de flyers ? »

 Que peut-t-on refuser à Jasper ? Ce type qui s'inquiète encore de sa confrérie malgré le fait qu'il n'en soit plus le président, mais qui tiens à garder un œil dedans, à gérer quelques trucs. Ça a été une petite partie de sa vie, donc c'était totalement compréhensible. Quand il m'avait envoyer un message pour me dire d'attendre mon nouveau parrain de chez les Dunsters à côté de l’imprimante pour distribuer des flyers, bien que dans un premier temps a rongeait un peu mon après-midi, au final j'ai accepté. Comment dire non à Jasper ? Surtout de là où il était. Me voici donc, à lire quelques flyers, passant le reste du temps sur un jeu débile sur mon téléphone. Derrière moi, une voix se fait entendre, "Tu n’es pas là pour la distribution de flyers ?" ferme l'application tout en le rangeant dans sa poche, élevant la voix toute ravie, "si si ! C'est moi qui.." lève les yeux. Priape. Bug, fait une pause. Puis comprends pourquoi. Jamais Jasper n'avait été au courant et croisons les doigts, jamais il ne le saura. Offre à son ancien ami un sourire, "Priape, c'est.. fou de se retrouver ici.." quelle belle idée Jasper, merci. "par contre tu m'excusera, pour les flyers j'pense que j'peux me passer de toi, j'te laisse retourner à tes occupations et puis j'vais faire les miennes." merci, au revoir. J'ai pas envie de te voir, pas envie de faire quoi que ce soit avec toi, même pas distribuer des petits papiers, pas envie de te regarder, t'adresser la parole, et encore moins envie que tu sois mon bizuteur.

Et merde, c’était bien ce dont ça avait l'air… La brune n’était pas juste là pour photocopier quelques papelards mais bel et bien pour la distribution. Son expression changea lorsque ses prunelles se posèrent sur moi. Leandra était vraiment ma nouvelle bizut. J’accusais le coup, avec une mine tout aussi enjouée que la sienne. Fou n’aurait probablement pas été le mot que j’aurais choisi. Gênant ? Embarrassant ? Embêtant ? Mais soit, disons que c’était fou alors, si c’était le premier mot qui lui venait devant cette situation... Elle tenta de me faire partir, m’assurant que pour la corvée des flyers, elle pouvait très bien s’en charger seule. Je secouai la tête et objectai : « C’est un bizutage, c’est censé se faire avec ton bizuteur… » C’est à dire moi. Je fis un pas de plus dans le local, attrapant l’un des tas de tracts. « Et tu sais aussi que l’inté dans une confrérie, ça dure deux mois… » Mes doigts s’activèrent, m’amusant à plier nerveusement le flyers du dessus, mon regard évitant soigneusement le sien. Très courageux Priape. « Donc, on ne va pas y couper Leandra… On ne va pas pouvoir s’éviter ce genre –d’activités- pro dunster. Et Jasper trouverait ça bizarre qu’on te change encore une fois de bizuteur… » La première fois, l’étudiante qui quittait le pays et allait poursuivre ses études ailleurs, ça ne paraissait pas suspect… Mais si on demandait un changement alors que je me chargeais toujours de l’inté d’Everest et Tristan, c’était louche.  

Distribuer des tracts, c'est pas franchement quelque chose pour laquelle j'ai besoin d'aide. J'veux dire, y a rien de plus facile, rien de plus simple que de faire ça, j'avais vraiment pas besoin de lui. « C’est un bizutage, c’est censé se faire avec ton bizuteur… » Je souris agacée, ouais, et quel bizuteur. On va être l'équipe de l'année, c'est ça ? Il entre, et je ne bouge presque pas, me reculant quand même d'un pas. « Et tu sais aussi que l’inté dans une confrérie, ça dure deux mois… » Deux mois c'est déjà trop. ça n'a même pas été la durée de notre faux couple, puisque ça n'a jamais rien été d'autre que de m'utiliser, n'est-ce pas? Je souris nerveusement en le voyant plier son flyers, ne me regarde pas, surtout. Je te connais que trop bien, et t'a presque toujours tes mêmes tocs. « Donc, on ne va pas y couper Leandra… On ne va pas pouvoir s’éviter ce genre –d’activités- pro dunster. Et Jasper trouverait ça bizarre qu’on te change encore une fois de bizuteur… » rigole, secoue la tête, "Parce que ce serait plus bizarre d'me changer de bizuteur que de m'faire bizuter par toi ?" qu'est ce que j'ai fais au bon dieu ? "J'tiendrais pas deux mois, même avec toute la volonté du monde j'ai vraiment pas envie d'te voir." j'arrive même plus à te regarder. J'attrape mon téléphone dans ma poche et le déverrouille, prête à envoyer un message, "Je vais demander à Jasper d'changer, t'a qu'à lui dire que t'es trop occupé ou que t'a déjà trop de bizut' et pas assez de temps." lui envoie un sourire presque satisfait, "tu sais l'faire ça, mentir aux autres, non ? surtout quand c'est tes amis. J'ai confiance en tes capacités, tu vas nous trouver quelque chose." prends ça. Comme une vieille rancœur.

Son rire s’éleva, expression de son désaveu à l’écoute de mes paroles. Je relevai la tête et soupirai : « Arrête c’est pas ce que… » Mais elle ajoutait déjà qu’elle ne tiendrait pas deux mois, qu’elle n’avait pas envie de me voir. « Et pourtant t’es là, à la dunster… » Elle était pas sans savoir que je faisais parti des membres, si elle s’y était inscrite c’était en connaissance de cause, elle savait très bien qu’elle allait forcément m’y croiser. Elle sortit son portable proposant de demander le changement sur le champ à Jasper, me servant alors des excuses bidons à lui sortir, je l’écoutais en secouant la tête. Ma main se tendit finalement pour aller se poser sur l’appareil et stopper la jeune femme dans son geste. Je saisis le téléphone : « Stop Leandra, arrête. Tu sais bien que si je savais mentir justement, on n’en serait pas là… » C’était parce que j’avais dit la vérité, que je n’avais pas été capable de cacher les activités de son frère, qu’elle m’en voulait autant aujourd’hui. J’avais  fini par abandonner le pliage nerveux des prospectus, délaissant le papier pour oser affronter son regard et je lui lançai alors : « On pourrait peut être saisir cette occasion pour surmonter cette histoire non ? » Parce qu’avant tout ça, avant la honte et la culpabilité de mon côté, la rancœur et la haine du sien, y’avait eu notre amitié, y’avait eu ce début de je-ne-sais-quoi que j’avais gâché, mais il y avait bel et bien eu quelque chose entre nous, et ça ne pouvait pas ne rien vouloir dire. Peut être que l’avoir parmi mes bizuts c’était l’opportunité de s’expliquer, de repartir à zéro…

« Arrête c’est pas ce que… » Evidemment, dans sa bouche tout sonnait différent. Ce n'était pas vrai, ce n'était pas ce que je croyais. Non, il ne m'a pas utilisé, non, il n'a pas placé ma famille dans une position horrible pendant des mois. Il avait pas fait ça, lui. Du moins, pas de son point de vue. « Et pourtant t’es là, à la dunster… » Souris, réponds rapidement, "Je choisi pas ma confrérie pour ses membres." Je savais que j'allais le croiser, je savais bien qu'à un moment où à un autre on allait se voir, mais de là à ce qu'il soit mon bizuteur ? J'avais combien de chance que ce soit possible ? Il pose sa main sur mon téléphone, le prends. « Stop Leandra, arrête. Tu sais bien que si je savais mentir justement, on n’en serait pas là… » Le regarde, lance un rire nerveux en secouant la tête. C'est pas comme si t'avais menti en me faisant croire qu'on était plus. C'est pas comme s'il s'était rien passé, non ? J'y avais cru, pendant un instant. J'ai été débile d'y croire, mais j'étais pas seule à y croire, il fallait bien quelqu'un pour me montrer une possibilité, j'ai pas imaginé notre histoire toute seule. « On pourrait peut être saisir cette occasion pour surmonter cette histoire non ? » Refus catégorique les premières secondes, et prends le temps d'y penser. Puis souris, secoue la tête, "t'a touché la seule chose que je pourrais jamais pardonné Priape. Sincèrement je m'en moque que tu m'aies fais croire des choses, que tu m'aies utilisée, mais que tu touches à ma famille qui allait déjà pas au mieux c'est juste.. le coup le plus bas que quelqu'un puisse faire." me toucher moi, tu as le droit, mais toucher ma famille était la pire chose à faire.

Un petit rire résonna au creux de sa gorge alors qu’elle secouait la tête, rire jaune révélateur de ce qu’elle devait penser de tout mon petit speech. Et je tentais quand même de proposer une conciliation, l’option la plus sage, puisque nous allions devoir cohabiter au sein de cette confrérie. D’abord, je crus que j’allais simplement récolter un non, puis ses lèvres s’étirèrent en un petit sourire qui me fit espérer un instant qu’il pourrait y avoir du mieux, mais non… La brune m’expliqua que j’avais touché –la seule chose- qu’elle ne pouvait pardonner, partant ensuite dans un autre discours : je m’étais moqué d’elle, je lui avais fait croire des choses, je l’avais utilisée ??? « Qu’est-ce que tu racontes ? Oui j’ai balancé ton frangin, on est d’accord je le nie pas. Fustige moi à vie pour ça si tu veux… » Ca je le reconnaissais sans soucis. Je n’en étais pas fier, mais sur le coup, quand je l’avais fait, ça m’avait semblé l’action la plus juste, la seule qui préserverait aussi la demoiselle de futurs ennuis… « Mais ne m’accuse pas de ne pas avoir été sincère avec toi... Pas ça... » Elle pensait vraiment que j’avais joué avec elle ? « Je tenais à toi Leandra. Vraiment. Pourquoi tu crois que je l’ai dénoncé ton frangin d'ailleurs ? On n’est plus au far west, j’ai pas obtenu une prime pour ça. » expliquai-je alors. Le seul intérêt que j’avais eu à le faire, c’était de l’éloigner, lui et ses mauvaises fréquentations, de la brune. Le monde de la drogue était impitoyable, je n’avais surtout pas voulu courir le risque de voir Leandra tomber là dedans.

S'il me détestait, c'était son droit de me faire du mal comme bon le semble mais mes frères étaient un revenu budgétaire pour toute la famille, même si mes parents n'étaient pas toujours pour, ça soulageait la famille quand mon frère payait les courses ou quand il aidait à payer les frais de scolarité de mes autres frères. « Qu’est-ce que tu racontes ? Oui j’ai balancé ton frangin, on est d’accord je le nie pas. Fustige moi à vie pour ça si tu veux… » C'est l'idée, ouais. « Mais ne m’accuse pas de ne pas avoir été sincère avec toi... Pas ça... » hausse les sourcils, n'y crois pas un instant. « Je tenais à toi Leandra. Vraiment. Pourquoi tu crois que je l’ai dénoncé ton frangin d'ailleurs ? On n’est plus au far west, j’ai pas obtenu une prime pour ça. » je ris nerveusement en secouant la tête, "Arrête un peu, t'a jamais tenu à moi Priape." ça n'avait pas été le cas, pas un seul instant. T'a juste réussi à augmenter ton tableau chasse d'une fille de plus avant de passer à une autre. T'a foutu ma vie en l'air en passant, mais ça, c'est pas grave, on s'en fout, c'était pas toi qui avait été dans la merde ensuite, non. Si t'avais tenu un temps soit peu à moi, t'aurais réfléchis avant de balancer mon frère, t'aurais pensé au mal que ça m'aurait fait, et ça ne fut pas le cas. "Quand est-ce que t'a été sincère exactement ?" pendant notre amitié ouais, c'était juste de l'amitié. Mais quand les choses sont devenues compliquées, quand c'est devenu plus fort, quand quelque chose d'autre s'installait, t'était réellement sincère aussi ?

Je savais très bien qu’elle m’en voulait pour son frangin, ça je pouvais même le comprendre. Je l’avais dénoncé lui, il s’était retrouvé incriminé, à devoir répondre de ses actes devant la justice, tout ça à cause de mon témoignage. Pourtant si je l’avais fait, si j’avais été donner son nom aux forces de l’ordre, c’était bien parce que je tenais vraiment à Leandra, parce que je craignais que les agissements de ce dernier ne lui nuise à elle. Elle refusait néanmoins de me croire, ne voulant pas voir que c’était dans cet unique but que j’avais délié ma langue auprès de la police. La brune reprit sur un ton agressif en me demandant exactement à quel moment j’avais été sincère. « Tout le temps… Quand on s’est rencontrés, quand on a sympathisé, lors des nombreuses soirées qu'on a passées ensemble… » commençai-je à énumérer en sachant très bien qu’il allait bien sûr falloir aborder un autre moment, le moment où tout s'était quelque peu compliqué entre nous, changeant notre relation purement amicale en quelque chose de plus ambigu… Je me contentais de rester évasif, relevant néanmoins les yeux pour plonger mon regard dans le sien, qu’elle puisse y lire la vérité, à savoir que je ne lui mentais pas, que j’étais sincère : « TOUTES nos soirées… » Sous-entendu : cela incluait également la nuit que l’on avait passée ensemble, ce début d’histoire qu’on avait commencé à construire avant que tout ne s’effondre par ma faute.