Nepherty S. Augusto * Lindsay Hansen

« Nepherty,
lorsque tu te réveilleras, je ne serai plus là. Je retourne aux États-Unis dès ce soir, je suis désolé de te larguer comme ça. C'est con de me part. Les huit mois passés à tes côtés ont été plus qu'extraordinaires. C'est un peu grâce à toi si je ne fais quasi plus de cauchemars depuis.. Enfin, tu sais. Présentement, tu es à mes côtés en train de rêvasser j'imagine, j'ai remarqué depuis peu, que lorsque tu dors, tu souris. Ne m'en veux pas, ce n'est pas de ma faute si tu es la première à dormir en plein discussion. Jusqu'ici, tu as été l'une de mes plus belles rencontres. Tu en sais plus sur ma personne que moi-même, comme moi j'en sais plus sur la tienne que toi-même. Je sais par exemple, que tu n'aimes pas manger des patates sans mettre de sel, que tu commences ton dessert en premier et que tu finis avec le repas principal. Lors des jours de pluies, tu enfiles tes bottes d'eau et ton imperméable, tu choisis de sauter dans la plus grosse flaque d'eau. Lors des jours d'orages, tu t'assois devant la fenêtre et tu baptises chaque éclair d'un nom ridicule. Tu n'aimes pas quand je te vole de la nourriture dans ton plat, pour y goûter. Parfois, tu te fâches parce que, je sais pas, la minute d'avant c'est la fin du monde et la minute d'après, tu me demandes un pot de crème glacée. Il nous arrive de faire un deal sur le choix d'un film et qui d'entre nous va cuisiner. Toute façon, je sais que c'est moi qui ai le meilleur talent en cuisine, bien que je ne critique pas ta façon de faire des crêpes par exemple le matin...  Tu as cette façon bien à toi de me regarder quand tu sembles un peu perdue, avec tes yeux bleu qui montrent plusieurs sentiments. Nostalgique que ces moments se finissent? La peur de voir la routine disparaître? C'est vrai que nous avons construit une sorte de routine, une routine différente à chaque jour. C'est rendu logique de dormir collés, autant que c'est logique de ne pas se coller du tout. C'est tout à fait normal de prendre une douche alors que l'autre est sur la toilette, à jouer à des jeux sur l’iPhone. Comme c'est tout à fait normal de verrouiller la porte quand  nous n'avons pas envie de se faire déranger. C'est tout à fait normal de te présenter à mon père, autant quand  je te laisse quelques heures toute seule. D'ailleurs, tu n'as pas besoin de t'inquiéter au sujet de mon père, il t'aime bien, il me l'a dit. Il trouve que tu as une bonne influence sur moi, je suis du même avis. Avec toi, il y a rien de compliqué. Je peux pas dire si nous formons un couple, si je me rappelle bien, tu m'as dit lors de notre troisième mois que tu ne souhaitais pas t'engager, car dans le passé, beaucoup t'ont fait douter sur la confiance. Je comprends. Pour ma part, je t'avais clairement dit que je ne voulais pas avoir une histoire avec une fille, que je savais, ne durerait que quelques mois. Je t'avais prévenu il y a longtemps de ça, que je finirai par devoir tout quitter pour revenir à ma vie d'avant. J'ai été honnête avec toi depuis le début, mon intention était que tu ne t'attaches pas trop vite à moi. Tu as encore le temps de tout quitter et de partir avec moi à Boston. T'inscrire à Harvard, tu es une fille intelligente, tu as le potentiel pour y aller. Je suis sûr que tu trouverais ça génial. Nous pourrions continuer notre routine d'une nouvelle façon, à un autre endroit. J'espère que tu réfléchiras à mon offre et que je te verrais cette année à Harvard, s'il te plait, prend le temps d'y penser.    
Ton tendre Simba, 07/15 »

Alors que mes yeux sont encore a demi fermé, je lis ta lettre. Ma main caresse le papier, comme si ce geste pouvait te faire revenir. J’ai dû mal à comprendre, je dois la lire deux-trois fois, mais très vite je sors de mon sommeil. Tu me l’avais dit, tu m’avais dit que tu allais partir mais je n’aurais jamais cru que tu allais le faire de cette manière, peut-être est-ce pour éviter une souffrance mutuelle ? Je pense que je ne pourrais jamais te remercier pour ces moments passés à tes côtés, tu es devenu mon meilleur-ami, mon amour. Pa de sexe, juste de la complicité. Vois-tu, c’est comme si j’avais créé une dépendance, une dépendance de toi, de ta peau, de tes yeux, de ta voix, de ton rire, de ton sourire. Un jour, je me suis surprise à te regarder, d’admirer, de mémorise toutes les parties de ton visage, ton corps ; et à partir de ce jour, j’ai compris que j’étais foutue. La vie est cruelle, tu es partit, je ne t’ai pas suivi. Un vide énorme dans ma vie, dans mon cœur, la nuit, je passais ma main sur le matelas, te cherchant pour me blottir contre toi. Je te connais par cœur, tu me connais par cœur, un seul regard, un sourire, une relation fusionnelle, complémentaire et indispensable.

Je suis née à Salvador, au Brésil. J’ai fait mes premiers pas à Oslo, en Norvège, J’ai fait ma première rentrée scolaire à Montréal au Canada, j’ai eu mon premier petit copain à Barcelone en Espagne, j’ai rencontré Simba à Lisbonne au Portugal. Grande voyageuse, j’ai été baladée de pays en pays dès mon plus jeune âge. Mon père étant géologue, il était souvent appelé un peu partout, nous devions y déposer les valises. C’était dur pour moi, surtout avec mes premiers amis, de tout plaquer pour tout recommencer autre part. Mais finalement, j’ai pris le pli.

J’ai été prédestinée à avoir une passion pour l’art, en passant du dessin à la peinture. Mes parents aimaient visiter les différents musés dans les villes où nous habitions et j’ai toujours été fascinée par ce que je voyais. J’ai commencé à dessiner depuis toute petite, mon père m’a toujours dit que j’avais beaucoup de talent, essayant de trouver dans chaque ville une école d’art pour m’y inscrire. Mes dessins, mes peintures, reflètent l’état d’esprit dans lequel je me trouve. Je me sens dans ma bulle, comme si rien d’autre ne pouvait m’atteindre.

Je débarque à Harvard, je suis nouvelle, je ne connais personne à par lui, à par celui qui hante mes rêves, ma vie. Je viens pour lui, j'aurais dû le suivre dès le départ mais je n'en avais pas le courage, pas le courage de plaquer tout ce que j'avais construis au Portugal. Mais plus les jours passaient, plus je me disais que j'avais fait le pire erreur de ma vie.

«  Simba,
Je ne fais que compter les heures, les minutes, les secondes passer sans toi. Je ressens un vide énorme, tu n’es plus là à mes côtés. Quand tu es partit, je me suis dit que j’allais continuer ma vie comme avant, avant que je te rencontre. Et pourtant, il n’en est rien. Je souffre de plus en plus de ton absence, de ta voix, de ton rire. Je pense que j’ai dû réfléchir, car je dois tout plaquer, toute ma vie, tout ce que j’ai construit ici et pourtant, maintenant, je ne me vois pas faire autrement, je ne me vois pas sans toi. J’ai l’impression de te connaître depuis toujours, où que je passe, j’ai l’impression que ton parfum flotte dans tes airs en me rappelant une fois de plus que tu n’es plus là. Je ne sais pas si je fais bien de prendre cette décision, après tout, peut-être que tu m’as oubliées, que tu m’as rayé et que tu fais ta vie, que je ne suis qu’une fille de passage, un amour de vacances. Tu es resté gravé en moi, je pense que tu as dû prendre possession de mon corps. Quand je me lève le matin, j’ai toujours dans l’espoir de te voir débarquer dans ma chambre ou encore de te réveiller en dessous des couettes, le drap sur toi, te faisant passer pour un fantôme. Mais tu n’es pas là. J’ai l’impression que ma vie a perdu de sa saveur, j’ai l’impression que tout est devenu routine, j’ai l’impression de ne plus avoir goût à rien. En fait, j’ai l’impression que ma vie est devenue banale et je sais, je sais que tu me manques, terriblement. Je ressens ce manque, comme un bébé qui a perdu son doudou, comme une jumelle sans son frère, comme un cœur qui manque d’oxygène. Ce qui ne devait pas être sérieux, bizarrement, l’est devenu. Je vais venir, très vite, en espérant que je sois toujours gravée en toi.
Nepherty, 9/15 »