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Il ne faudrait tout de même pas abuser dès le premier jour...
On ne pouvait pas vraiment dire que c’était ce à quoi il s’attendait. Lorsqu’on lui avait parlé de l’opportunité d’entrer dans un Summer Camp une fois son inscription à Harvard terminée, il s’était attendu à entrer dans une structure universitaire destinée à le préparer au programme sans doute intense qu’il se devrait de suivre au cours de l’année. La vérité était tout autre cependant et il s’en était très vite rendu compte alors même qu’il se trouvait sur la route. Derrière la crasse qui teintait la vitre du bus misérable grâce auquel il s’était rendu au lieu de vacations, il avait vu passé quelques automobiles, dont certaines abritaient des jeunes qui hurlaient à tue-tête en brandissant des cannettes de bière d’une taille peu raisonnable.
Ce qu’il avait pris pour un sanctuaire estival du savoir se révélait être en réalité un autel à la gloire de la démence estudiantine. Brisés par le stress des partiels, les étudiants qui sortaient de leur période d’examens s’adonnaient à la folie vacancière pour arriver à reconstruire un moral malmené par des nuits blanches passées sur Wikipedia. Il était presque triste de l’admettre : les jeunes gens qui peuplaient les établissements de l’Ivy League n’avaient que leurs copies pour témoigner de leur excellence, la plupart étaient semblables à leurs équivalents des Community College, à la différence près qu’ils étaient endettés jusqu’au cou ou détenteurs d’un QI notable qui leur avait offert une bourse au mérite.
Après s’être rapidement installé en un lieu où il ne connaissait personne, le jeune homme s’était dirigé vers le lieu qui lui semblait le plus familier : un bar. Car s’il y a bien une chose qui ne change que peu de ville en ville, c’est la population des débits de boisson. On savait tout de suite où se placer, comment agir et éviter de s’exposer dans ce genre d’endroits lorsqu’on en était coutumier. Loin d’être alcoolique, Joseph avait une expérience suffisante de la bière pour considérer les pubs comme des lieux de plaisance.
Après avoir pris place sur un tabouret au comptoir, à l’opposé de l’entrée – il n’appréciait pas particulièrement que les gens arrivent dans la pièce dans son dos – il avait commandé une brune dont la fraîcheur était plus probante que la saveur. Sans doute ferait-il mieux de commander une Heineken à la prochaine tournée, il avait du mal à apprécier les breuvages qui n’étaient pas tirés des barriques de l’Irish Pub qu’il fréquentait à New York City. C’était le souci lorsqu’on était accoutumé à un produit de qualité : on avait du mal à revenir à la médiocrité. Vous pouvez boire à la machine à café de votre entreprise tous les jours et ne pas vous rendre compte que c’est de la pisse de chat jusqu’à ce que vous buviez pendant deux semaines la sélection personnelle d’une amatrice telle que Melinda, son ex.
Très vite, il leva la main pour attirer l’attention du barman auquel il commanda la bière de confection allemande que le courant de ses pensées avait évoqué un peu plus tôt. Tout ceci était sans doute une erreur, et un gaspillage d’argent en plus de ça. Il aurait mieux fait de rester auprès de sa tutrice improvisée afin de profiter de sa compagnie aussi bien que de ses connaissances. Il aurait été davantage préparé pour la rentrée et aurait eu un quotidien autrement plus satisfaisant que ce qui se profilait à l’horizon en cette fin d’après-midi. Une longue gorgée tenta d’apaiser ses esprits et d’étouffer les courbatures issues du long trajet en bus.
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