R. Owen S.-Whelan ► Alexander Ludwig

Balayant le désert de ses yeux bleus, l’homme maintenait son arme contre lui. Derrière les collines, un groupe ennemi se dissimulait. L’attaque n’allait pas tarder à reprendre, car oui, c’était ça la guerre. A la télé, des actes héroïques cachaient honteusement l’atroce vérité. Perdu dans l’observation, l’esprit formaté du soldat, ignorait ardemment ses émotions.

Revenir à la base était à la fois un moment d’intense soulagement et d’appréhension. Allait-il arrivé sain et sauf ? Seraient-ils pris dans une embuscade ? C’était déjà arrivé qu’un des MRAP –bien que blindé- roule sur des EEI (engin explosif improvisé). Développé pour résister à ce type d’attaque, cela ne faisait qu’un ou deux blessés tout au plus, mais les blessures pouvaient avoir un degré de gravité élevé. Pendant le retour, le silence peut se faire pesant ou à l’inverse, l’habitacle peut-être envahit par de franches camaraderies. Une fois le portail de la base franchit, les esprits s’apaisent. Le cœur se fait plus léger et les remerciements à Dieu se font nombreux.

Sautant du véhicule, le soldat blond rend rapport à son chef, avant de rejoindre son habitation. Une grande pièce où séjournent plusieurs lits de camps. Passé plusieurs mois ici, les murs sont tapissés de photo, de poster de magazine X ou d’automobile. L’ambiance ce veut conviviale et chaleureuse. « Le soldat Ryan est rentré les gars ! » annonce un homme brun, après une tape amicale dans le dos. Ryan c’est le premier prénom d’Owen. Aussi, ses frères d’armes n’ont pas manqués de faire le rapprochement avec le célèbre film. Une plaisanterie qui n’a de cesse de décrocher un sourire au jeune homme. Ici, tout le monde se donne un surnom. « La chasse était bonne ? » Près de son lit, Ryan se débarrasse rapidement de sa frag qui pèse près de quinze kilos. « Pas mal, on en a tiré tout un groupe à l’est. Des vrais charognards ses gars-là ! » Son visage maculé de poussière est illuminé par la blancheur de ses dents. Ses pupilles bleutés au regard troublé sont teinté d’un léger gris. Finissant par enlever son équipement, Ryan se dirige vers les douches. C’était le moment de faire le point sur sa journée.

L’eau tiède effaçait les dernières traces de poussières, les faisant couler dans le siphon. Les mains sur le visage, il se frotte méticuleusement comme pour effacer les horreurs de son esprit. Combien de charognard avait-il tué aujourd’hui ? Peut-être une dizaine. Qui pouvait réellement savoir. L’armée lui avait appris à ne pas les compter en tant que vie. Ce n’était que d’ignoble ordure qui représentait une menace pour tous les pays. Néanmoins, il y avait certaines vies utilisées qu’on ne pouvait nier. Comme les enfants par exemple. Fort heureusement, il n’en avait tué aucun, mais il s’était déjà retrouvé en face de ces enfants mines. Sur le terrain, il devenait une machine, mais le soir en rentrant, il tentait de redevenir celui qu’il avait été jadis. Sans succès. Ses nombreuses missions l’avaient changée. Alors, comment pouvait-on reprendre une vie normale après tout ça ?


En ce début de matinée, le ciel était parsemé de nuage grisonnant. Cette ombre était annonciatrice d’orage. Sur les marches d’un des bâtiments d’entrainements commandos, l’homme tenait entre ses mains sa casquette. Ses cheveux blonds avaient poussées à une vitesse alarmante. Dans un bruissement lointain, l’orage se fit entendre. Aplatissant tout sur son passage, la pluie fit une entrée tonitruante. Les traits du visage taillé avec dureté, le soldat rejetait la tête en arrière. Profitant de sa première pluie américaine.

La guerre vous confrontait à des horreurs indéfinissables. Mutilant l’esprit des hommes avec force. Torturé, ils n’oubliaient jamais ce qu’ils avaient vu. Le soldat Ryan comme tout le monde aimait à l’appeler, n’était plus. Le dernier mois de sa mission, il y avait eu une embuscade. Le groupe avait tout donné pour s’en sortir. D’autre au péril de leur vie. C’est de cette manière qu’il perdait plusieurs camarades. Une perte douloureuse qui engendrait plusieurs troubles. En rentrant au pays, la cellule psychologique mise en place le déclarait inapte. Il devait prendre du repos, avant de prétendre à nouveau à son poste. Peut-être était-ce là sa destinée, mais Ryan vécu cela comme une trahison. Il voulait repartir se battre, mais c’est en observant la base étrangement vide, qu’il prenait conscience du chemin parcouru. Il était encore temps pour lui d’agir autrement, avant de repartir. Ben, un de ses collègues mort durant l’embuscade, lui avait parlé de reprendre ses études. Il disait que c’était là une chance de se sortir de cette merde.

De cette manière, Ryan fit son inscription à Harvard. Ce qui ravie sa mère. C’était là une façon de reprendre une vie normale en attendant de repartir, car oui, il n’abandonnerait pas de sitôt ses convictions. A présent, Ryan était quelque part perdu dans le désert Afghan. A sa place, émergeait un Owen qui tentait de se reconstruire par tous les moyens.