LILY-ROSE B. MACALISTER ► cora keegan

J'entends les bombes dans ma tête, autour de moi la terre est brûlée, massacrée, saccagée et je crains mon prochain pas, il peut m'être fatale, je le sais. Arme serrée contre ma poitrine, je tente tant bien que ma de me souvenir ce que chantait mon frère, qui faisait jouer ses doigts sur la guitare, et me souriait à chaque regard. Qu'est-ce que ça me fait souffrir, mais dans un sens je sais que c'est grâce à ça que je suis toujours en vie. « MACALISTER ATTENTION ! » hurle une voix derrière moi. Cela peut être n'importe qui et je ne peux pas savoir, je me contente de sauter sur le côté gauche, de tomber à plat ventre et de respirer un grand coup alors qu'une bombe explose à quelques centimètres de mes pieds. Putain, mes côtes. Putain. Il n'y a que ce mot à dire. Je me relève doucement, n'essuyant pas la terre sur mon uniforme, je n'ai plus peur de me salir. Quelqu'un attrape mon bras, et me hurle des paroles que je ne cherche même pas à comprendre. Je sais parfaitement que je peux être irresponsable, mais je ne tiens plus à ma vie, enfin plus vraiment. Je marche un long moment avec mon équipe pour rejoindre le camp, rapidement je me change, me mets sous la couverture de mon lit d'appoint. Et, il ne tarde pas à me rejoindre, toujours aussi taquin, toujours aussi câlin. Ses beaux cheveux bruns toujours en bataille, ses magnifiques yeux bleus qui me font fondre, et cette bouche que je veux manger à chaque instant. Lui, Baptiste. « NOOOOON ! »

Mon frère déboule dans ma chambre, ce n'était qu'un rêve, encore un de ces foutus rêves qui me crèvent de l'intérieur, me broient les entrailles et me donnent juste envie de vomir. Je n'ai pas besoin de lui dire que c'est la mort de Baptiste, encore et toujours qui me mets dans cet état, il le comprend, il le comprendra toujours. Ma jambe me fait toujours autant souffrir, mais je ne me plains pas, se sont des blessures de guerre et elles font parties de moi. Je ne me plains pas non plus de mes nombreuses cicatrices. En revanche j'adore mon tatouage, situé sur mon poignet, représentant les initiales de Baptiste : BL, écrit de manière calligraphique. Et puis je me rendors, une fois de plus, une nuit agitée de cauchemars, même les bras et les paroles de mon frère ne peuvent rien, certaines blessures ne s'effacent pas.


Et puis c'est le dur retour à la réalité. Je ne vais plus mettre les pieds à l'armée, c'est certain. Ce qui est certain aussi, c'est que je compte prendre ma vie en main. Je vais voir une psychologue qui m'aide à surmonter le choc. Au début, je l'envoyais sur les roses et nos séances se résumaient à des hochements de tête de ma part ou encore des grognements. Maintenant ça va beaucoup mieux, au bout de trois ans tout de même. Bref, me voilà dans les rues de Cambridge, car j'ai décidé de reprendre mes études, comme une grande fille. Rien à voir avec ce que j'ai fait dans le passé, ça non ! J'ai décidé de devenir médecin, je pense que je n'ai visiblement pas vu assez de sang durant ma carrière à l'armée, faut croire. Je dirais que je mène une vie paisible, assez prétentieuse sur les bords, toujours aussi proche de mon frère et mes parents et toujours des sacs de shopping à la main. Certaines personnes noient le chagrin dans l'alcool moi je le noie dans les vêtements, chacun sa propre thérapie, et disons que de mon côté je le vis bien. Je vais mal, souvent même, mais je ne le montre pas. Sois belle, et tais toi, c'est ce que je sais faire de mieux. « Bonjour mon Amour ! » dis-je alors à l'oreille de mon frère. Il me fait un grand sourire, me prends dans ses bras et me fait pleins de petits baisers sur les joues. « Coucou ma Squi' ! » Squi', mon surnom, diminutif de Squirrel.. Tout le monde m'appelle comme ça, depuis toujours. Je lui fais un sourire et m'installe face à lui déposant mes dix sacs de shopping à mes pieds. Il m'a déjà commandé un smoothie exotique, ainsi qu'un fondant au chocolat, il me connait bien, même plus que bien. Ce n'est pas pour rien que c'est mon frère jumeau. Je sais juste qu'avec lui, je vais passer le meilleur moment de la journée, c'est mon bonheur à l'état pur.