SAMARA A. SAWYER ► kristen stewart

C’était une belle journée ensoleillée. Ce jour-là, dans le monde, plus de 6 789 mères donnaient naissance à des bébés. Leurs bébés. De nouvelles vies qu’elles avaient créé et qui avaient grandies plus ou moins neuf mois dans leurs ventres. Certaines étaient heureuses. Certaines pleuraient. De joie ? En même temps, est-ce humain que de pleurer de déception alors qu’on peut enfin voir le bébé qu’on portait en nous pendant neuf mois ? Ma mère faisait partie de celles qui étaient aux anges. C’est après avoir souffert pendant neuf mois et particulièrement pendant ces sept dernières heures qu’elle eut le plaisir de me prendre pour la toute première fois dans ses bras. D’admirer la petite fille à qui elle venait de donner naissance. Vous l’aurez compris : c’est bien moi. Ses sentiments étaient confus. Elle pleurait mais elle souriait. Elle balbutiait des mots incompréhensibles tout en me caressant. Après quelques jours passés à l’hôpital, on put enfin me ramener à la maison. Une très belle demeure dans une rue de San Francisco. Mes parents étaient avocat pour l’un, infirmière pour l’autre. Ils gagnaient très bien leurs vies et nous avons toujours fais partie d’une classe sociale aisée. Ma vie de petit bébé était pour ainsi dire parfaite. Une famille aimante, un toit sous lequel vivre… J’ai été initiée aux valeurs familiales dès mon plus jeune âge, c’est sûrement pourquoi je suis aujourd’hui une femme sage qui travaille dur pour gagner sa vie.

« Allez, souffles tes bougies ! » s'exclamèrent en choeur mes parents. Je m’exécutais. Je venais de passer le cap de mes seize ans. Seize années que je vivais dans ce monde avec ces parents aimants qui m’ont été donnés. Ma vie était toujours aussi parfaite. Je ne savais pas qui remercier pour avoir eu des parents si formidables. La vie était tellement facile… pour rien au monde je n’aurais échangé. Un jour, alors que je rentrais chez moi après le lycée, je vis des véhicules de police et d’ambulance garés devant la maison. Deux hommes transportaient un brancard avec un corps dessus. Je me mis à courir vers eux. « Vous êtes ? » demanda un inspecteur de police. « Mademoiselle Sawyer… » « Je suis désolé. Vos parents sont décédés. » Mon monde s’écroulait. Toute ma vie. Mon quotidien. Tout allait basculer et ça n’allait pas être rose. Sans m’en rendre compte, je me mis à pleurer. En général, je ne pleurais jamais. Surtout devant les gens. Ils me communiquèrent qu’une plaque non éteinte avait causé un incendie et que toute la maison avait pris feu. C’est à ce moment-là que je constatais les dégâts physiques qu’avait subis la maison. En effet, elle était carbonisée d’un côté, des cendres noires étaient éparpillées par terre tels des confettis. Sauf que là, c’était tout, sauf le carnaval.
Pendant deux ans, je vécus chez ma tante. La seule qui me restait d’ailleurs. Elle était adorable et très compréhensive mais elle n’avait jamais réussi à combler le manque de mes parents. Personne ne pourrait jamais d’ailleurs. J’avais reçu tout l’héritage de mes parents, sachant que j’étais fille unique, j’étais le seul nom inscrit sur leur testament. Pendant ces deux années, je fus en pleine crise. J’avais complètement  changé. Je n’étais plus la même. Je fumais, je buvais. Durant un moment, je me surprenais même à me droguer à cause de mon petit-ami de l’époque, qui était dealer. J’avais fait des choses que je ne pourrais jamais oublier et que je regretterais toujours mais l’important, c’est que ça n’a pas duré plus que deux ans.

J’atteignais mes dix-huit ans lorsque je reçus enfin la lettre qui allait changer ma vie. « J’ai été acceptée à Harvard ! » hurlais-je en sautant dans les bras de ma tante. Mon sourire était large et je ne pouvais me retenir de rire. C’était peut-être la première fois que je riais depuis la mort de… Enfin. Ma tante s’extasia à son tour et commença à me parler longuement de la fameuse université dans laquelle j’allais enfin entrer. En effet, elle était, elle-même, une ancienne Harvardienne avec mon père et ils étaient tous deux à la Dunster House. Elle m’en fit des louanges durant une bonne quarantaine de minutes, m’expliquant que c’était une tradition familiale d’entrer dans cette maison.

Cela faisait maintenant de longues années que j’étais étudiante à Harvard. La faculté était vraiment parfaite et j’avais bien évidemment réussi à entrer dans la Dunster House. J’y avais trouvé ma place et j’étais heureuse. Ma vie était saine et bien. Lors d’une soirée en boîte, je rencontrais un jeune étudiant d’Harvard. Il s’avérait qu’il était un membre de la Mather House. Il se nommait Jude. Jude Montgomery. Ce fut un véritable coup de foudre pour moi et sous l’effet de l’alcool, on coucha ensemble. Pour moi, c’était un coup d’un soir et je ne comptais pas vraiment le revoir. Cependant, j’appris avec panique quelque temps plus tard que j’étais enceinte. Évidemment, sur le moment, je ne voyais pas d’autre moyen que d’en avertir Jude. Il fût très compréhensif et responsable et assuma son rôle avec moi, malgré le fait qu’il était en couple à ce moment-là. On décida, ensemble, de l’appeler Aaron. Il m’accompagnait à tous les examens médicaux. Puis le 14 août 2012, Aaron Montgomery naquit. Ce jour-là, je compris à quel point c’était radical d’avoir un enfant. Ma vie avait changé. Désormais, j’étais maman. J’étais responsable d’un petit être-vivant et j’allais devoir mettre ma vie de côté pour lui. Mais je n’étais pas prête. C’est pourquoi, un matin, quelques jours après la naissance d’Aaron, je l’abandonnais sur le palier de la chambre de Jude, à la Mather House avec une lettre expliquant que je ne pouvais pas assumer un bébé à cet âge-là, que je voulais réussir mes études et avoir une grande carrière de médecin. Ce fût une grande décision que je n’ai jamais arrêté de regretter. J’ai disparu dans la nature pendant deux ans. Deux longues années durant lesquelles j’ai étudié à l’université privée de Columbia, à New York.
Aujourd’hui, je suis de retour à Harvard et je veux récupérer mon fils… et peut-être Jude.