J'étais assis à même le sol, les yeux rivés sur les étoiles. Mon esprit s'était évadé, mes mains grattaient les cordes de la guitare au rythme d'un battement de cœur. C'était un soir précédé d'une victoire. Mes joues étaient rougies par l'air frais, je chantais, laissant s'échapper le bruit d'une douce mélodie. Des larmes s'écoulaient le long de mes joues, les émotions se bousculaient, certaines s'en allaient tandis que d'autres semblaient persister. Mon cœur à présent fracassé semblait lui aussi vouloir s'arrêter. Tiesto était mon meilleur ami, celui pour qui j'ai tout donné, celui pour qui j'aurais accepté de tout sacrifier. C'était quelqu'un de bien, il n'était pas du genre à constamment cracher son venin, bien dans sa tête et dans ses baskets, il possédait une passion pour l'athlétisme qui me semblait encore inexplicable auparavant. C'était comme si toute sa vie en dépendait, comme si il en vivait. J'étais quelque peu jaloux à vrai dire, je n'avais rien de tout ça dans ma vie, je n'avais pas de but, d'ambition. Il m'avait enseigné sa passion, il m'avait permit de m'identifier moi-même, de trouver ce qui me plaisais vraiment. J'aimais relever des défis, parfois trop complexes pour moi. C'était ce qui chaque jour me poussait à me réveiller, à respirer. Chaque défi que je parvenais à réussir me rendait fier mais aussi plus fort, plus mature. La vie est une longue histoire, digne de celles que l'ont peut lire sur des bouts de papiers, parfois déchirés et abimés par le temps. Les défis quant à eux sont des chapitres, des étapes que l'on s'efforce de réaliser pour pouvoir avancer et évoluer. Il est bien connu que certaines histoires sont plus longues que d'autres mais je n'aurais jamais pensé qu'il s'agissait de son dernier chapitre, aussi courte soit son histoire en nombre de page, son contenu possédait bien plus qu'une œuvre d'un écrivain digne de ce nom.
Tiesto, c'était cette rencontre que j'avais fait lorsque je n'avais que sept ans. Jeune et insouciant, des rêves plein la tête. Je m'imaginais devenir un artiste quand lui même s'imaginait déjà sportif et connu pour ses performances. Il s'entraînait sans relâche et je le suivais, ce n'était qu'un jeu parmi tant d'autres. Courir n'avait rien d'extra-ordinaire à mes yeux, surtout à cet âge. Il me parlait sans cesse de son objectif, il était déterminé. De toutes évidences c'était sa voie, il avait commencé si tôt les entraînements qu'il s'agissait d'une évidence, il deviendrait un sportif doué, qualifié pour ses capacités. Moi je me contentais d'être spectateur, de suivre son avancement, d'arriver où m'emporte le vent. Tiesto et moi, c'était ça. On se suivait n'importe où, pour n'importe quoi. On était liés, des meilleurs amis pour la vie comme disent les petits. Ce sont des paroles sans valeurs pour de nombreuses personnes, pourtant pour d'autres, c'est bien plus qu'une vérité souhaitée, c'est une réalité.
La fin de l'histoire c'est déroulée lors de cette soirée quelque peu arrosée. Tiesto voulait y aller pour décompresser, la fameuse compétition qu'il voulait par dessus tout remporter avait lieu dans deux jours, ni plus ni moins. Il était bien trop angoissé, il développait des tics inhabituels, il en venait même à se ronger les ongles. Ce n'était pas normal pour lui qui était d'un naturel posé et serein. J'avais décidé d'y participer moi aussi, pas pour tenter ma chance, non, c'était simplement pour l'accompagner, pour l'encourager, pour le pousser à réussir. Je n'avais pas même l'intention ni l'ambition de remporter cette course. Il était tard, mes paupières étaient plus lourdes que des altères, je ne tenais plus vraiment sur mes deux jambes à vrai dire. Tout était flou, non distinguable. Tiesto prenaiit le volant tandis que je rejoignais la place du passager. Je n'étais vraiment plus en état de conduire pour ma part, lui semblait en être encore capable. Je regardais mes pieds, tentant tant bien que mal de combattre l'horrible nausée qui me hantait. Je n'avais pas eu le temps de réagir ni même de comprendre ce qu'il se passait que la voiture venait d'en percuter une autre. J'ouvrais doucement les yeux malgré la douleur tenace que je ressentais dans chaque partie de mon corps. Tiesto était là, à côté de moi, la tête enfoncée dans le volant. Du sang coulait le long de son visage, je réalisais peu à peu l'ampleur de l'accident. Des frissons me parcouraient, je sortais apeuré du véhicule. Le vent rendait mes blessures plus réelles, plus profondes, je me crispais. Désespéré, j'appelais à l'aide, je hurlais, je criais à en perdre la voix. De longues minutes se sont écoulées avant que les secours arrivent, de longues minutes durant les quelles j'ai pleuré, durant les quelles j'ai voulu aider Tiesto sans trop savoir quoi faire. L'homme de l'autre voiture semblait presque intact, il était en état de choc, ce qui n'avait rien de surprenant après un tel accident. La scène avait été violente, si violente que Tiesto était à présent entre la vie et la mort, enfermé dans un avenir incertain. Il respirait, difficilement mais il respirait. Le temps était compté, les secondes devenaient alors une monnaie précieuse que Tiesto dépensait sans même se soucier de ce qu'il pouvait lui rester. L'ambulance nous amenait à l’hôpital, c'était sans doute la première fois que je me réjouissais d'y aller. Mon cœur se serrait, je regardais Tiesto et perdais espoir, il perdait beaucoup trop de sang, les secours eux-mêmes ne savaient pas si il tiendrait le long du trajet. J'appuyais ma main contre sa joue tout en lui disant de ne pas me quitter, je savais pertinemment qu'il m'entendait, bien qu'il ne me répondait pas.
J'étais resté dans la salle d'attente, une femme en blouse blanche venait alors me chercher et m'indiquait qu'il avait rejoint sa chambre. Je m'y dirigeais sans perdre plus de temps. Il était toujours dans ce même état, comme mort. Il respirait certes mais semblait paralysé et muet. Je m'installais à ses côtés et prenais sa main. Je savais de toutes évidences qu'en conséquence son état de santé n'était pas stable et qu'il ne pourrait de toutes manières pas participer à la compétition dont il avait toujours rêvé, tous ses projets se dissipaient dans les flammes de la douleur. Il n'avait plus de raison de se battre et il le savait. Je renforçais l'étreinte de ma main et lâchait d'une voix sanglotante que j'allais remporter la compétition pour lui, que je lui amènerais la coupe et lui offrirait, que sans même faire la course il la méritait amplement. J'avais tenu ma promesse, j'avais remporté la course. Je ne croyais pas moi même en ma victoire, c'était totalement improbable mais j'y étais parvenu. Pour lui, j'y étais parvenu. Il en valait la peine, lorsque la douleur possédait mes jambes, je repensais à Tiesto, à son rêve, à notre enfance et je retrouvais la force nécessaire pour continuer la course. Je rejoignais la chambre, un énorme sourire aux lèvres, ne pensant pas une seconde que pendant que j'avais réalisé son rêve, il avait quant à lui décider d'abandonner. Il avait cessé de respirer, son corps n'était plus qu'une coquille vide. Sa personnalité était à présent un vaste souvenir. J'avais longuement pleuré, j'avais longuement eu de sombres idées mais j'avais surtout fini par réaliser qu'il était un exemple et qu'il n'aurait pas aimé que j'abandonne. J'avais placé la coupe dans son cercueil de façon à ce qu'il conserve ce qu'il avait amplement mérité, ce dont il avait rêvé durant cette soirée. Il m'avait fait réaliser que la vie pouvait basculer du jour au lendemain, qu'elle pouvait entraver n'importe quel projet. Je ne pouvais tout simplement pas me permettre d'abandonner tant que j'étais capable de réaliser mes projets.
Mes projets, moi, je ne savais pas même ce que c'était, je réfléchissais, tant bien que mal. Je me cherchais des objectifs à accomplir, régulièrement. Jusqu'à ce jour où, bête d'idée, j'ai pensé à cette université, celle où tout le monde rêve d'aller, d'y mettre les pieds et de l'afficher avec fierté. Harvard, je rêvais d'Harvard, c'était à la fois si loin de moi, cette université me semblait tout bonnement inaccessible mais nombreux sont ceux qui m'ont conseillés de tenter. Moi, en avoir les capacités ? Je n'y croyais pas trop, j'étais plutôt bon élève tout de même mais pas au point d'être de l'élite et pour moi, les élèves qui parvenaient à rejoindre cette université faisaient partie de l'élite, tout simplement. J'ai pensé à Tiesto, j'ai pensé à ce qu'il m'avait apprit avant de quitter ce vaste monde et j'ai réalisé que je n'avais rien à perdre alors j'ai tenté, j'ai croisé les doigts, j'ai espéré presque autant que le jour où mon cher ami avait encore une infime chance d'ouvrir à nouveau les yeux. Harvard m'avait accepté, je n'en revenais pas, le souffle coupé je courrais partout, guidé par la joie. Je passais sans doute pour un fou, mais je remerciais Tiesto, j'avais été au cimetière ce jour là pour lui annoncer que je partais pour Cambridge, seul, accompagné de ma guitare. Je laissais ma famille et de nombreux amis derrière moi mais j'ouvrais à l'avenir une porte, celle du bonheur.