JAYCE T. HIDALSON ► Stefan Tisseyre.

Je naquis le vingt-sept février mille neuf cent quatre-vingt, un soir d’orage, dans la capitale de mon pays natal, l’Islande. Ma mère Helen était une simple serveuse dans un bar plutôt réputé de Reykjavik, tandis que mon père Hidal, avait une place plutôt importante dans l’administration islandaise. J’aimais mon pays, ma fierté vis-à-vis de celui-ci ne flanchait pas. Mon enfance se déroula dans un paysage plutôt idyllique, les montagnes, les sources d’eau chaudes, étaient mes endroits préférés afin de me détendre.  L’hiver nocturne n’était pas un problème pour moi lorsque j’étais plus jeune, j’étais quelqu’un de très ouvert, très sociable et qui aimait sortir avec ses amis en forêt. J’aimais ça la vie à plusieurs, partager des choses qui ne se reproduisaient pas deux fois. J’avais des facilités au niveau de ma scolarité, et mes professeurs n’avaient pas attendu pour en parler avec mes parents. Fiers de moi, ils n’hésitèrent pas une seule seconde à redoubler d’efforts financiers pour pouvoir épargner et m’offrir un avenir radieux.  Je n’étais pas le même qu’aujourd’hui. J’étais un petit bout d’homme en devenir, agréable, qui ne cherchait pas les problèmes à chaque croisement de rue. Et tout dérapa, le jour de cette trahison.

Il devait être aux alentours de quinze heures, il s’agissait de l’été de mes douze ans, une sortie entre amis. Nous nous rendions aux sources, afin de profiter de la douceur de l’eau alors que le soleil aux faibles rayons atteignait nos peaux encore pâles. Ce n’était pas la première fois que je prenais du temps avec mes amis, et pourtant, je m’étais senti rejeté ce jour-là.  Ils ne parlaient qu’entre eux, je ne pouvais pas participer aux conversations.  Peut-être préparaient-ils quelque chose ? Une surprise ? Je dus arrêter de me faire du souci pour si peu, je devais profiter de cette journée qui m’était offerte. Les festivités commencèrent, nous nous mirent tous en maillot de bain avant de plonger dans l’eau chaude. Tout semblait se dérouler sans problème, mes amis s’amusaient, ils riaient, ils étaient heureux. Des petits regards jetés à mon égard parfois, ne me permirent pas de comprendre ce qui se tramait derrière mon dos.  Alors que je nageais calmement dans l’eau, une main puissante vint plonger mon visage sous l’eau, ne me permettant pas de remonter à la surface. Je ne pris pas une seconde de plus pour paniquer, mes membres se mouvaient dans le liquide sans que je ne puisse faire quoi que ce soit. Je me forçai à fermer la bouche pour ne pas m’étouffer, tandis que la pression qu’un de mes « amis » exerçait sur mon crâne ne s’essoufflait pas. J’étais là, à manquer d’air, alors que les autres jeunes me regardaient en riant. Pourquoi avait-ils fait cela ? En réalité, je ne sus jamais pourquoi ils m’avaient humilié de la sorte. Ils me lâchèrent après une très longue minute sous l’eau à suffoquer, avant que je ne puisse reprendre mon souffle. Mon sang n’avait fait qu’un tour dans mon corps, et j’étais sorti de l’eau en pleurs, sous l’influence d’une colère monstre. J’étais absolument anéanti. Ils avaient déserté les sources, me laissant sans vêtement, dans une rage incontrôlable.

Je n’étais plus le même depuis cet incident, que ce soit avec ma famille, comme avec mes amis. Je portais maintenant un masque. J’étais devenu froid et hautain, je n’aimais pas que l’on m’approche. Tout le monde me connaissait dorénavant comme cela, celui qu’on ne pouvait pas dompter ni contrôler.  C’était absolument impossible. Depuis ce jour, je ne me laissais plus faire, je voulais simplement arriver à mes buts, en solitaire. Je voulais réussir ma vie et écraser tous ceux qui se mettraient en travers de mon chemin. Je n’hésitais pas à manipuler qui que ce soit, ma vie se résumait à réussir mes études et faire ce que j’avais toujours voulu faire. J’utilisais tous les moyens pour cela, le charme, les sourires, la maladresse, tout était justifié pour moi.  Je faisais semblant face à mes parents, je ne voulais pas qu’ils comprennent que je les menais en bateau. La seule chose qui m‘intéressait était d’intégrer la plus prestigieuse des universités des Etats-Unis. Harvard. C’était mon seul but dans la vie. Dès la minute où je mis les pieds sur le sol américain, je sus que ma vie n’allait plus être la même. Mes parents n’eurent plus de nouvelles de ma part, j’étais maintenant libre et solitaire, pour construire la vie que j’attendais. Rien ni personne ne pourra m’en empêcher.