PARIS
Elle arpente les couloirs du lycée, la tête haute, une jambe devant l'autre. Ses talons claquent et sur son passage, plusieurs hommes se retournent. Quelques regards agressives de femmes s'échappent. Elle, elle a le sourire parce qu'elle s'est qu'en un claquement de doigt, elle peut anéantir la majorité des personnes de ce lycée. C'est la première fois qu'elle côtoie un univers publique habituellement, papa dépense une petite fortune pour que sa fille chérie est le meilleur. Elle enchaîne établissement privé sur établissement privé pourtant cette fois-ci, elle a voulu changer, devenir quelqu'un de normal en soit. Deux jeunes femmes la rejoignent, deux blondasses sans cervelle. Stéréotype parfait des débuts de films pour adolescents. Elle aurait pu trouver ça cliché, demander une marche arrière mais, elle aime se sentir entourée,elle aime qu'on la respecte, elle aime tout contrôler. Elle observe la manucure et s'arrête finalement au milieu du couloir. Les autres étudiants doivent la contourner pour pouvoir continuer leur route et si certains se mettent à soupirer, on la regarde toujours et c'est ce qu'elle aime. Petite garce, princesse de ses parents à l'égo surdimensionné, on lui donnerait bien des claques pour la faire descendre de son pied d'estale. Tu vois pas que tu fais chier tout le monde ? Un sourire narquois se colle sur son visage alors qu'elle pivote vers cet abruti qui a osé lui adresser la parole. Ses amies le fixent du regard, bras croisés et sourcils froncés. Tu vois pas que c'est le but ? Elle aurait pu se montrer méchante Blandine pourtant, elle arrive pas, pas avec lui. Il se met à rire, rire d'un rire faux, hypocrite, énervé. Le ton de sa voix est sec, distant. Pétasse ! Il finit par la contourner à son tour, la bousculant légèrement sur son passage tandis qu'un sourire illumine le visage de la demoiselle. Je t'emmerde Carter ! Elle se retourne pour l'observer s'éloigner, sac sur l'épaule, index en l'air. C'est l'amour fou entre eux, ça crève les yeux.
ROME
Je la reprendrai cette putain d'entreprise ! Bien loin d'un discours de petite fille modèle, elle croise les bras contre sa poitrine, s'enfonce dans son fauteuil et n'accorde ne serait-ce qu'un seul regard à l'attention de son frère chéri. Lui, il feuillette son magazine de voitures, peut-être juste une couverture alors qu'il est en train de se rincer l'oeil avec un porno. Elle le connait son frangin, tout le monde sait comment il est derrière ses allures de mec parfait. Il inspire profondément tout en refermant son bouquin d'un geste brusque. Putain mais je demande pas mieux Blondie alors me fais pas chier ok ?! Ca a le mérite d'être clair. Après tout, elle ne peut pas lui en vouloir si son père est un connard de première. Elle pensait juste qu'il lui ferait confiance pour une fois dans sa vie, qu'il arrêterait de la voir comme la gamine qu'elle n'a jamais été au plus profond de son être. Après tout, ils ont du se démerder. Entre une mère qui parcours le pays à la recherche d'une identité et un père qui s'enferme à double tour pour faire ces saloperies de papiers entre deux réunions. Elle n'a jamais compris le principe, l'intérêt qu'il portait à son travail alors qu'il y avait un petit trésor sous ses yeux. Pourquoi il me fait pas confiance à ton avis ? Bah ouais, elle lui a prouvé pourtant, qu'elle était grande, qu'elle avait l'âge ou du moins, la motivation pour reprendre le flambeau tandis que son frère voulait un tout autre avenir. Il se mord la lèvre, énervé ou alors, il réfléchit. C'est sans doute un peu des deux. Parce que t'es une meuf! Toi, t'es faite pour être mère au foyer ou encore top modèle. Tu connais p'pa, il est vieux jeu parfois. Blandine, elle serre les dents pour ne pas s'énerver parce qu'il n'y est pour rien. Elle laisse tomber sa tête en arrière, contre le mur qui la sépare de son cher papa et finalement, elle se lève d'un bond et se tire. Il sait où me trouver s'il a besoin, je vais pas attendre ici comme l'un de clients à deux balles !
ROME
Planquée en dessus d'une bagnole en train de réparer quelques imperfections, voilà ce qu'elle fait Blandine quand elle a envie d'échapper au monde extérieur, quand elle a besoin de se défouler. Finalement, elle l'entend s'éclaircir la voix et sursaute légèrement se cognant maladroitement. Merde ! Apparemment, ça le fait rire Dylan et il la tire par les jambes pour la dégager de là-dessous et pouvoir plonger ses yeux dans son regard noisette. C'est pas très élégant pour une princesse. Elle sourit de toutes ses dents et finit par le repousser pour se lever et attraper une serviette pour s'ennuyer les mains. J'suis pas une princesse Carter. Pourtant, elle lui prouvait le contraire tous les jours au lycée. Un vrai petit démon qui se transforme en ange dès qu'elle le croise ici. Autant dire qu'elle a deux identités miss Winkelmann et si ça ne plait pas à tout le monde, il semblerait que Dylan Carter ne soit pas de cet avis puisqu'il lui adresse encore et toujours la parole. Faut dire qu'elle serait un peu déboussolée si ce n'était plus le cas. Mine de rien, elle sait qu'elle a besoin de lui, qu'il n'est pas comme les autres à vouloir de son argent. Si elle reste aussi froide et distante Blandine, c'est qu'il y a une raison. Quand elle était gosse, elle se laissait souvent faire par les autres. On traînait avec elle pour son nom, pour son argent mais naïve comme elle était, elle pensait simplement que tout le monde l'adorait parce que c'était une petite fille gentille, souriante et généreuse. Elle se foutait le doigt dans l'oeil la miss alors, en grandissant, elle s'est forgée un sacré caractère et une personnalité qu'on déteste la plupart du temps. Une carapace quasi indestructible.
MILAN
Une fois de plus, ils se sont engueulés. Oh pas qu'un petit peu mais, ils ont l'habitude. Il pense qu'il la trompe alors qu'elle a beau avoir une réputation qui laisse à désirer, c'est pas vraiment son genre à Blandine. Elle ne l'aime pas Andrea mais, c'est un bon parti et puis, ça lui permet de gagner la confiance de son père. Il voit qu'elle est grande, mature et qu'elle peut faire des concessions pour le bien de l'entreprise comme sortir avec un connard de première qui la traite comme une moins que rien. Tu sais quoi ? On en reparle quand tu seras calmé parce que là, à part m'insulter de tous les noms, la conversation n'est pas très utile. Il lui attrape le bras fermement et elle serre les dents, consciente qu'elle devrait lui en mettre une ou l'envoyer chier mais au lieu de ça, elle attend et il finit par la lâcher en jurant une nouvelle fois. Il tourne les talons et s'éloigne. Elle le regarde faire et lorsqu'il est assez loin, Blandine met un grand coup de pied dans le caisson pour extérioriser. Pourquoi tu sors avec ce type ? T'es qu'un objet pour lui, tu mérites mieux tu penses pas ?! Elle a envie de lui dire Blandine. Elle a envie de lui dire à Dylan qu'il a raison, que c'est le seul qui l'a toujours comprise et qui s'intéresse réellement à elle, que même si parfois, elle se comporte comme une pétasse avec lui et bien, elle l'aime mais au lieu de ça, elle le fusille du regard. C'est ma vie privée, ça te regarde pas bordel ! Je suis désolée Dylan. Je suis vraiment désolée si mon père t'a muté ici pour garder un oeil sur moi ou je ne sais pas quoi mais ça, c'est ma vie ! Ouais c'est forcément ça. La vérité, c'est que papa voulait juste protéger l'image de la boîte alors, comme sa petite fille chérie commençait à faire des conneries, il l'a envoyé à Milan et aujourd'hui, elle est bonne pour faire les allées retours entre cette ville et Rome comme maman a décidé de vendre la propriété de Paris. Pourtant, tout était plus simple là-bas. J'te suivrais jusqu'au bout du monde princesse ! Elle finit par esquiver un sourire tandis que les larmes lui montaient aux yeux et finalement, sans hésiter une seule seconde, elle finit par se blottir dans ses bras, profitant juste de cet instant qui parait si bizarre et à la fois, le seul moment normal et sensé qu'elle ait eu à vivre depuis des mois.
MILAN
Thomas, ton pote il commence sérieusement à me chauffer là ! Tu peux pas lui dire que je me tape personne au lieu d'attendre les bras croisés ?! Encore une dispute. Une dispute comme d'habitude, toujours les mêmes reproches et si ça ne tenait qu'à elle, elle l'aurait déjà largué depuis longtemps. Indépendante comme elle est, elle se demande comment elle fait pour tenir jour après jour à ses côtés. Oui, il est beau, il est super bien foutu Andrea mais après ? C'est un connard qui pense qu'à sa petite personne et ça, tout le monde le sait, c'est dit partout dans les médias et dans les couloirs de l'université. Oh ça va Blondie, prenez-vous une chambre d'hôtel et réglez vos petits problèmes de couple sous la couette comme vous en avez l'habitude. C'était sans doute la phrase de trop et le fait qu'Andy se mette à sourire bêtement en approuvant cette idée la fit tout bonnement péter les plombs et elle se décida enfin à tout avouer. J'ai été acceptée à Harvard. Je pars dans une semaine alors, t'as une semaine pour me prouver que tu tiens réellement à moi sinon, je me tire. Elle a balancé l'enveloppe contenant sa lettre d'admission sur la table tandis que son frère la dévisagea de haut en bas. Faut dire que Thomas, il avait toujours suivi sa petite soeur partout, gardant un oeil sur elle et elle lui avait toujours parlé de tous ses plans à l'avance alors, ce fut un choc. Quand à Andrea, il semblait hésité mais quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, Blandine avait déjà pris sa décision. Elle comptait partir, que ça plaise ou non.
CAMBRIDGE
Elle est partie pour Cambridge Blandine. Pour les études. Pour prouver à son père qu'elle était capable de faire quelque chose de sa vie. Si elle arrive à obtenir son diplôme, peut-être que son père lui laissera enfin reprendre le flambeau. Après tout, c'est ce qu'elle désire et Thomas, il s'en fout pas mal c'est pas ce qu'il veut dire. Papa ne peut pas le forcer à faire ce qu'il n'a pas envie et maman lui a dit de ne pas baisser les bras parce qu'il était têtu et qu'avec du temps, il changerait forcément d'avis. C'est ce qu'il a fait avec elle. Il ne voulait pas d'enfants au final, elle a réussi à tomber deux fois enceinte. Il voulait qu'elle arrête de travailler mais aujourd'hui, elle était au quatre coins du monde et ça n'avait pas l'air de l'inquiéter monsieur Winkelmann. Blandine, elle l'adorait sa mère et ce, même si elles se croisaient plus qu'autre chose depuis qu'elle était en âge de se débrouiller or, elle savait aussi que c'était une vraie salope infidèle. Mais elle restait sa maman chérie bien qu'elle se promettait de ne jamais finir pareil. Il arriva à ses côtés tandis qu'elle refermait brutalement la porte de son casier tout en se sortant de ses pensées. Alors c'est vrai ce qu'on dit ? T'as gravi un échelon, au lieu d'être un simple apprenti, le boss t'a nommé garde du corps personnel de sa petite fille adorée ? Moi qui croyais que tu vivais pour le métier finalement, tu vaux pas mieux que les autres. Elle était sèche dans ses paroles et replaçant son sac sur son avant bras, elle partit en direction de sa sortie suivie de près par Dylan. Tu sais c'est quoi le pire dans l'histoire ? C'est que ton père compte me virer si je ne suis pas à la hauteur. Alors crois pas qu'on a tous le choix dans la vie. T'es pas le centre du monde Winkelmann. Il semblerait qu'elle est touchée un point qui fasse mal ou qu'elle l'ait vexé parce qu'il a fini par tracer sans se préoccuper de sa petite personne. Faut croire que son père aussi était un enfoiré de première catégorie. Pourquoi la vie n'était-elle pas aussi simple que lorsque l'on était de simples enfants, heureux de rire des petites choses de la vie. Faut croire qu'en grandissant, les choses deviennent de pire en pire.
CAMBRIDGE
Thomas, il a fini par la rejoindre parce qu'il en avait marre de l'Italie. On ne peut pas dire qu'il obtenait de superbes notes mais évidemment, papa était derrière pour balancer du fric sans quoi, jamais il n'aurait eu sa chance à Harvard. Il était tranquillement en train de fumer son joint sur le lit de sa soeur qui avait décidé de s'allonger en face de lui, réfléchissant sur sa vie actuelle. Pourquoi t'es pas un grand frère comme les autres ? Je veux dire mes potes à moi, leurs frères, ils sont toujours en train de les défendre auprès de tout le monde, ils les empêchent de sortir avec des connards... moi, je me suis tapée la moitié de tes potes, Andy me traitait comme une merde et t'as jamais rien dit. Quelque part, ça la faisait chier Blandine parce qu'elle ne se sentait vraiment pas soutenue. Que se soit dans ses relations comme vis-à-vis de sa famille, jamais Thomas n'avait dit quoique ce soit. Il se redressa légèrement pour lui faire face et écrasa finalement son joint pour porter toute son attention sur sa soeur. Je te fais confiance c'est tout. T'es grande Blondie et plus forte que toutes les personnes que j'ai rencontré dans ma vie. T'as pas besoin de moi pour prendre des décisions ou faire tes propres choix et quand ça sera réellement le cas, crois-moi, je serais présent. Elle ne sait pas si c'est la réponse qu'elle voulait entendre mais malgré tout, elle lui sourit légèrement avant d'attraper un de ses livres de cours pour réviser pour les examens qui approchaient à grand pas.