NAOMI ☼ you only see what your eyes want to see

L’Arizona. Pour des vacances, il aurait préféré retrouver son île natale. Mais il s’était dit que c’était toujours mieux de s’intégrer auprès de ses nouveaux camarades et collègues en faisant partie du voyage. En effet, le jeune homme doctorant, s’apprêtait à même donner des cours pour les années inférieures en médecine comme la plupart des jeunes dans son cas. S’il s’était bien préparé et qu’il ne doutait pas de ses compétences, son jeune âge le rendait réticent à l’expérience. Il avait peur qu’on ne le prenne pas trop au sérieux. Pourtant, Cameron était quelqu’un d’appliqué et se faire respecter passerait par sa rigueur. Quoique si les étudiants ne souhaitaient pas écouter, ils pouvaient déguerpir de l’amphithéâtre. Mais il n’en n’était pas encore là. Il avait besoin de s’aérer, et le camping en Arizona était une bonne idée, bien que connaissant très peu de monde, il était seul dans son chalet et il s’ennuyait de pied ferme à tourner et virer dans la maisonnée sans but. Il avait regardé le programme du Summer Camp et à cette période, les journées étaient libres. Beaucoup d’étudiants devaient être de sortie, et il se dit qu’une petite journée à la piscine pouvait être une bonne idée. Aussi, il dénicha son maillot short fétiche dans sa valise même pas défaite, et il revêtit des tongs et une casquette, prenant également sa serviette sur l’épaule, prêt à partir. Il ferma la porte, puis revint à l’intérieur, pensant aux lunettes de soleil. La crème solaire, il ne jugea pas bon de l’emporter, il n’avait pas la peau fragile, les coups de soleil ne l’effrayait pas. Il quitta son chalet pour de bon et se mit en route. Il pensait à ses parents, il fallait qu’il les appelle eux qui étaient restés au pays et qui lui manquaient. Il songeait à investir pour retaper la pièce qui lui servait de bureau pour en faire une chambre supplémentaire afin d’inviter plus de monde régulièrement chez lui. Quand il arriva à la piscine, il balaya les lieux du regard. Il y avait du monde et pas mal d’agitation dans l’eau. Cameron chercha un coin où poser sa serviette, et quand il trouva un endroit tranquille, au niveau d’un transat qui venait de se libérer, il se hâta pour y arriver le premier. En avançant, il percuta une jeune femme qu’il tint par le bras pour lui éviter de tomber, et quand son regard se posa sur cette personne, ces yeux s’écarquillèrent. « Ca alors… » souffla-t-il soudainement. « Naomi Braxton-Scott. » Elle était une des meilleures amies de son ex Naya. Il savait qu’elle ne le portait pas dans son cœur depuis la rupture dont il n’était pourtant pas à l’origine, mais il savait que Naya avait menti pour préserver son image. Ne sachant pas trop quoi dire, le jeune homme s’excusa poliment : « Excuse-moi, je t’avais pas vue. Je savais même pas que tu étais ici en fait… » Beaucoup de membres de leur cercle d’amis d’autrefois avaient volé de leurs propres ailes, et comme il était un des premiers à partir, il n’avait pas eu vent du parcours des autres. Tout ce qu’il savait, c’était que Naomi qui avait perdu sa mère très jeune d’un cancer avait toujours voulu devenir cancérologue. Peut-être était-ce encore le cas ? Peut-être était-elle en passe de réussir son rêve ? Cameron un peu nerveux de se retrouver face à elle alors que leur dernier échange avait été plutôt musclé, réajusta sa casquette sur la tête, un tic qu’il détestait, mais qu’il n’avait jamais pu corriger. La jeune femme était encore plus belle que dans ses souvenirs. Si sa copine Naya avait toujours été ravissante, Naomi jouait dans une autre catégorie. Femme fatale, elle ne s’offrait pas à tous les hommes, et il était convaincu qu’elle persistait à jouer les intouchables. Il n’était pas au courant que la belle était tombée amoureuse d’un sportif professionnel qui avait choisi sa carrière au détriment de sa relation avec elle.

Cette mascarade était-elle vraiment nécessaire ? C’était la question qui revenait sans cesse à l’esprit de Naomi. Tout le temps. Depuis quelques mois, sa vie avait pris un énième tournant inattendu. La jeune femme essayait de se faire à l’idée qu’elle n’était pas vouée à un parcours  de vie ordinaire, la douleur restait la même. Cela faisait environ deux mois et demi que celui qu’elle considérait comme l’amour de sa vie s’était barré pour le bien de sa carrière. La jeune femme savait que ce jour devait arriver mais jamais elle n’avait soupçonné que le jour où il partirait signerait la fin de leur histoire. Pendant ses heures noirs, Naomi s’insultait elle-même d’avoir été assez naïve au point de croire que’un mec de 20 ans pourrait vraiment tout sacrifier pour elle. Un mélange de haine, de déception et d’amour désespéré exultait d’elle à chaque fois qu’elle entendait son nom ou qu’elle tombait sur une photo de lui dans son fil d’actualité Facebook. Par fierté, elle ne l’avait supprimé d’aucun réseaux sociaux de telle sorte à pouvoir elle aussi afficher son bonheur sans lui. Elle savait comment lui faire mal et même si c’était vain à présent, elle avait jubilé quand Jacey lui avait dit qu’Ashton avait envie de casser la gueule à un mec qui likait souvent ses photos. Bref, quoiqu’il en soit, cette seconde rupture n’avait même pas mis Naomi dans tout ses états comme la première fois. Elle était malheureuse, certes, mais le laissait beaucoup moins paraître que la première fois et les gens se disaient tous que leur rupture était d’un commun accord. Personne ne se doutait qu’en réalité Nao n’avait rien vu venir et qu’Ashton lui avait infligé un silence radio progressif mais qui voulait tout dire. Parfois le silence était bien plus éloquent que les mots.

Sans perdre de temps, Naomi avait donc décidé de rebondir et avec le soutien de ses amis elle décida de s’inscrire au Summer Camp, elle n’avait pas pu y aller l’année dernière et comptait bien se rattraper cette année. Cela faisait déjà un mois que Naomi profitait du summer break et c’était définitivement l’été de tous les vices. Alcool, drogue, c’était presque si elle n’était pas à deux doigts de se tourner vers les Mathers. Elle se sentait complètement lâchée par les Cabots et même si elle y trouvait ses comptes, elle n’était plus naïve sur les intentions de celles qui se prétendaient ses soeurs : toutes en avait marre de la voir geindre sur son sort. Aujourd’hui en tout cas, elle avait envie d’être seule et de profiter d’un petit moment de détente au bord du jaccuzzi. Elle s’y rendit donc, il y avait peu de personne mais alors qu’elle progressait vers le bain à remous, un maladroit la bouscula. « Tu peux pas faire attention ! » s’écria t-elle alors qu’il la retenait vers le bras. Naomi tourna la tête pour invectiver le malheureux mais lorsqu’elle reconnut ce visage sa bouche resta légèrement entrouverte mais aucun son ne sorti. « Cameron ?! » Il n’y avait rien de plus bizarre que de voir quelqu’un qu’on a laissé quelque part se retrouver où l’on est. Même si elle détestait Cameron ça lui faisait du bien de voir un visage connu dans cette atmosphère étrange. La stupéfaction laissa place à la méfiance. « Tout le monde sait que je suis rentrée à Harvard tu dois être le dernier à pas le savoir. » répondit-elle sèchement. Elle détestait Cameron depuis le jour où elle avait appris qu’il avait trompé Naya comme une malpropre  après qu’elle ait refusé de coucher avec lui et l’avait quitté le lendemain. Solidarité féminine oblige, Naomi le voyait comme le pire des animaux, et ce qu’elle avait vécu avec Ashton ces derniers temps ne l’aidait pas. « Je quitte l’île pour ne plus jamais voir personne et fallait que ça soit toi qui me tombe littéralement dessus. »

Tout est une étrange coïncidence. Il y avait des milliers de possibilités, et pourtant, il s’était retrouvé face à elle, comme si le destin les forçait à se croiser une nouvelle fois, à se déchirer en haussant le ton pour se défendre face à l’incompréhension qui les animait tous les deux. Au fond, ils n’étaient pas sensiblement différents, et ils avaient vécu la même chose sans le savoir. Il ne cachait pas sa surprise de trouver la jeune femme en face de lui. D’un côté c’était plaisant car il avait l’impression de retrouver immédiatement ses marques en croisant quelqu’un de son île adorée, mais de l’autre, il tiquait parce que Naomi n’avait pas perdu de sa superbe et qu’elle restait aussi agréable qu’une porte de placard. Il ne voulait pas la blâmer, parce qu’au fond, elle n’était pas responsable de la supercherie et elle avait été tout autant bernée que lui. Il aurait aimé savoir ce que Naya avait donné comme excuse, ce qu’elle avait raconté à sa meilleure amie. Quelque chose lui disait qu’il pourrait le savoir aujourd’hui, même si elle se mettait déjà dans tous ses états. Elle raillait déjà parce qu’il ignorait qu’elle étudiait à Harvard. Et là, cela fit tilt dans son esprit. Tout d’un coup, il semblait contrarié. Il se mordit la lèvre en songeant à l’inévitable : si Naomi était à Harvard et qu’elle étudiait bel et bien la médecine, c’est qu’elle serait son élève à la rentrée. Il ne manquait plus que ça. Soucieux, il préférait avoir confirmation, et il grimaça : « Désolé, j’étais déjà parti depuis un an quand tu as pris ton envol…Tu étudies la médecine j’imagine ? » Il essayait de paraitre détaché, mais il était presque paniqué. Comment ferait-il pour être crédible, si la jeune femme qui le détestait ardemment était dans l’amphithéâtre ? Il était persuadé qu’elle lui mettrait des bâtons dans les roues, et il aurait préféré débuter tranquillement. Il fallait qu’il soit irréprochable. A la première faute, elle ne le louperait pas. Elle avait l’air d’être mécontente de le voir, voire plus. Il pouvait le comprendre, mais ça l’agaçait que tout ceci soit un quiproquo énorme qu’il avait accepté dans le but de protéger tout le monde. C’était stupide dans le fond, et il le savait. D’autant plus que d’ordinaire, il n’aurait pas laissé passer cet affront. Mais Naya, il l’avait véritablement aimée, et il ne savait pas comment réagir face à la tromperie. « Je savais pas par contre que tu ne voulais plus voir personne. Je pensais que Naya et toi c’était à la vie à la mort, vu comme tu m’as pourri la dernière fois qu’on s’est vus. » Il s’en souvenait que trop bien, et il avait encaissé, presque sans rien dire, sans réaction, comme s’il acceptait la sentence qu’elle lui infligeait, déjà cocu, donc plus à ça près. Il détourna le regard une seconde, comme pour s’assurer que la place sur le transat était libre, mais ça n’était plus le cas, et il fit une nouvelle grimace. La journée commençait bien. Le jeune homme reporta alors son attention sur Naomi. Devait-il lui donner sa version quant à l’épisode de la tromperie ? Devait-il lui annoncer qu’ils allaient se voir bien plus souvent que prévu ? Il ne savait plus bien ce qu’il devait dire ou non, ce qui le poussa à parler d’Harvard, inévitablement. « On dit d’Harvard qu’elle est l’une des meilleures formations en médecine, c’est vrai ? » Il fallait placer la barre très haute, il le savait, mais c’était un challenge qu’il affectionnait, il avait hâte de transmettre ses connaissances, mais pour l’heure, il avait un autre défi à relever : celui de contenir la jeune Braxton-Scott qui avait l’air d’être une bombe à retardement et il ne parlait pas de sa belle plastique.