good old friends (Pippa)

La rentrée, la fac, le train-train, et avec tout ça les aller-retours entre mon appart et le campus. Je n’habitais plus à la dunster mais au final peu de choses avaient changé et c’était presque flippant de voir à quel point mes habitudes refaisaient surface. Je rangeai mes notes dans un classeur à la fin de l’un des cours de pédia et je quittai l’amphi après avoir salué poliment le professeur. Je traversai quelques couloirs, puis je sortis du bâtiment pour me diriger vers le parking, les clés de mon vieux break en main. Mais en approchant peu à peu de mon véhicule, je distinguais une silhouette féminine tenant un animal en laisse. Je plissais les yeux : le chien était en train d’uriner juste à côté de ma caisse. Accélérant le pas, je me mis à gueuler : « C’est pas vrai, ton clebs est en train de… » Mais je me tus comme un con en arrivant finalement près d’elle. Mon mutisme soudain était du à une double raison : d’une part, la demoiselle portait des lunettes noires et tenait dans l’une de ses mains une canne blanche, deux accessoires qui n’avaient rien de caprices de mode mais qui démontraient assez clairement sa cécité. Elle ne pouvait donc pas voir la connerie que son toutou était en train de faire. Deuxio : son visage ne m’était pas inconnu. Malgré ses lunettes, je reconnaissais plutôt bien les traits de Pippa Leandros, que j’avais connue au collège à Athènes et que j’avais un peu martyrisé à ma façon, dans toute ma connerie d’ado. « Mais c’est pas grave hein, je devais aller la laver de toute façon ma voiture… » me repris-je alors, soudain très gêné de m’être emporté dans un premier temps et bien content que la jeune femme ne puisse pas me voir et donc pas me reconnaître, puisque depuis le temps ma voix avait mué et bien changé. J'étais pas fier du calvaire que je lui avais fait enduré dans notre jeunesse et j'allais très certainement me garder de le lui rappeler.  

Priape & Pippa. Good old friends

J'avais exactement un heure de pause. Une heure à ne rien faire d'autres que fixer le vide et le noir qui recouvrait mes yeux. J'entendais les gens parler, les voitures aller et venir sur le parking du campus, les rires de certains ... Rien d'autre. Je savais qu'il faisait sûrement beau. La chaleur de l'été avait laissé place à une douce température que j'appréciais tout particulièrement. Ca me rappelait un peu trop mes racines. Allongée dans l'herbe, Gaia faisant je ne savais quoi près de moi, je ne pouvais pas voir le ciel bleu qui s'étendait au dessus de moi.  Il n'y avait que le vent, les senteurs diverses autour de moi et cette chaleur émanant du soleil. Auparavant, peut-être aurais-je pu déprimer de ne plus rien voir, ne plus rien avoir à admirer. C'était triste et pathétique ... A présent, je ne pouvais qu'accepter et patienter. Je devais attendre de réunir assez d'argent pour payer mon opération. Même si cela impliquait que je devais perdre la vue pour toujours. C'est en soupirant que je me relevais, sifflant Gaia pour qu'elle revienne. je retrouvais quelque peu mon équilibre puis reprenait ce qui me servait à pouvoir marcher et avancer à peu près normalement. Je savais que j'étais, à présent, sur le parking, sentant le béton sous mes pieds. Je m'arrêtais un instant puis .. un cri. Je sursautais, n'y voyant absolument rien et paniquant chaque fois qu'un bruit trop fort se  faisait entendre. Une voix d'homme et que je ne reconnus même pas. Bien que la panique ne me laissait pas me concentrer sur elle ... Il reprit alors d'une voix gênée, une voix que j'entendais chaque fois que les gens comprenaient que j'étais aveugle. Je tirais Gaia vers moi et m'exclamais Je ... Je suis désolée! Elle est pas très bien éduquée ... J'ordonnais à Gaia de s'asseoir,en vain sûrement, puis m'éclaircissait la voix, m'efforçant de ne pas bégayer comme une pauvre fille Hum ... Je peux vous la laver, si vous voulez ... Enfin, je  peux payer, même! Enfin .. Je sais pas. Désolée. C'était raté pour le bégaiement. Sentant mes joues s'échauffer, je rangeais ma canne en la rétractant -oui, c'était pratique- et la mettait dans mon sac. Ma main vint toucher le capot brûlant de la voiture pour savoir où je pouvais bien me situer, espérant juste qu'il n'en voudrait pas trop à Gaia. Beaucoup de gens ne supportaient pas les chiens et les fois où j'avais été insulté à cause de ma chienne n'étaient pas rares.

mise en page par .Stay Away

La chienne accroupie près de ma voiture sursauta autant que sa maîtresse lors de mon début de protestation énervée. Mais je me calmais bien vite en arrivant près de la jeune femme et en la reconnaissant. Pippa avait changé, elle avait grandit, elle n’était désormais plus une ado courbée sur elle même à l'air renfermé et introverti, sa silhouette s’était féminisée, elle était plus élancée… Et elle avait perdu la vue. Dans un sens, cela m’arrangeait qu’elle ne puisse pas me reconnaître, parce que je n’avais pas été un enfant de cœur avec la grecque lors de nos années passées. Je n’étais vraiment pas fier de m’être ainsi moqué de la jeune femme. Et là, j’avais surtout honte de m’être énervé pour ma bagnole, surtout qu’elle s’empressa de bégayer une excuse, de m’assurer qu’elle allait la laver, ou bien payer pour le nettoyage. « Non, non c’est rien, vraiment… Vu l’état dans laquelle elle est, je crois que ton chien a juste voulu faire une BA en me la nettoyant à coup de jet d’urines je pense… » plaisantai-je sans lâcher la demoiselle du regard, détaillant chaque détail de son visage, de sa silhouette, vraiment surpris de la retrouver là devant moi. Si j’avais su que je croiserais un des fantômes de mon passé, j’aurais préparé une lettre d’excuse. Enfin une lettre en braille… « Tu devrais peut être pas rester ici par contre… Y’a une mini cooper flambant neuve et avec une carrosserie resplendissante, je suis pas sûre que le proprio soit aussi conciliant que moi si ton toutou fait ses besoins à côté… » ajoutai-je alors en jetant un regard à la voiture garée non loin de la mienne.