WAVERING ♦ Saphir

♫

Le souffle court, Ian s'approche de l'eau. Il retire son tee-shirt ainsi que son bermuda, les laissant derrière lui tandis que ses pieds se hasardent doucement dans la nappe limpide que forme le lac. Des abysses de lumière reflétés par celui-ci viennent jouer contre sa peau opalescente. Le soleil, haut dans un ciel sans nuages, laisse ses rayons transpercer les profondeurs, créant ainsi des milliers de petits cristaux à l'intérieur ainsi que sur toute la surface de l'eau. C'est un joli spectacle qui s'offre à lui, bien que de courte durée car ébloui par mille lueurs, il ne peut s'empêcher de fermer les yeux. Il laisse alors ses autres sens en éveil, afin de profiter pleinement de l'instant présent. Il entend les oiseaux, le bruit des feuillages des arbres secoués par le vent. Il entend le chant des insectes, et les mots doux échangés par des amants. Il entend une musique, au loin, ainsi que les rires d'enfants qui s'amusent, de l'autre côté. Il sent une légère brise caresser sa peau brûlée par le soleil, un sourire vient déformer ses lèvres. Et tandis qu'il s'enfonce un peu plus dans l'eau, un manteau de fraîcheur enveloppe son corps, lui arrachant un frisson. Instinctivement, ses muscles se contractent et il s'étend de tout son long. Ses bras et ses jambes s'accordent en un rythme régulier, qui lui permet, en quelques secondes seulement, de se retrouver au milieu du lac. Loin des gens, loin de tout.

Après avoir nagé jusqu'à l'épuisement, il revient vers le bord afin de refaire son apparition sur la terre ferme. Ses pieds touchent le sol, et il finit par sortir de l'eau. Il enfile son bermuda qu'il avait laissé sur le côté, puis rassemblant ses affaires, il s'assied sur un rocher. Des gouttes d'eau perlent sur son torse nu, tandis que d'autres, provenant de ses cheveux mouillés glissent le long de ses joues. Ses yeux se ferment à nouveau, tandis qu'il s'abandonne à de lointaines pensées, exhalant un profond soupir. Aujourd'hui, il n'attend personne. Et il n'a rien prévu. Aujourd'hui, il peut enfin respirer.

Je ne suis vraiment pas au meilleur de ma forme ce matin. J'ai été "malade" toute la nuit ou presque. Quand je dis malade, je ne parle pas d'une maladie qui sollicite les bons soins d'un médecin, non. Quand je dis malade c'est par rapport aux événements récents. Les questions que je me pose, l'attitude de Matthéo qui me fait horriblement souffrir et puis ce fichu camp d'été, pendant lequel je pensais me faire des amis. La réalité est toute autre : je suis bel et bien seul et personne ne se préoccupe de moi. Je ne m'apitoies pas sur mon sort, c'est juste que j'envisage sérieusement de rentrer chez moi parce que je n'ai vraiment rien à faire ici. Je soupire pour la énième fois et me décide enfin sur ma tenue du jour, optant pour un jean déchiré par mes soins à certains endroits puis un bête tee-shirt près du corps. J'enfile mes baskets et l'extirpe de ma grotte de tissus. Il est encore tôt et j'ai besoin de marcher. Je n'oublie pas mon Canon, les prises de vue au soleil levant, sont rares et comme nous ne sommes pas loin de la plage, autant en profiter. Je vérifie que j'ai bien fermé ma tente et file.

L'avantage d'être un lève tôt, c'est le calme qui règne. La faune sauvage est plus encline à se laisser photographier quand il n'y a personne de bruyant. J'ai ainsi pu prendre quelques jolis clichés avant d'arriver à la plage. J'ai retiré mes chaussures et remonté mon pantalon pour ne pas trop l'ensabler. Et me voilà en train de marcher, les yeux perdus sur l'horizon. Ouais, je crois que je vais rentrer chez moi demain ou peut être même, dans la nuit quand tout le monde sera soit occupé, soit en train de dormir. Après tout, je suis majeur et jusqu'à preuve du contraire, je fais ce dont j'ai envie.

Les heures ont passé et je suis resté assis, là dans le sable. En relevant la tête, je l'ai reconnu. Son corps sublime aux muscles saillants et son doux visage que je me souviens, avoir contemplé souvent. J'hésite puis me décide enfin. J'époussette mes vêtements et m'approche de lui. "Ian...?" Si c'est lui, il m'évite aussi et je veux savoir pourquoi.

« Ian ... ? » tente une voix familière et délicate, à seulement quelques mètres de lui. Surpris par cette intonation imprévue, il tente sans grand succès d'esquiver un sursaut. Lorsqu'il se retourne pour mettre fin à ses interrogations, son visage semble s'adoucir un instant avant de reprendre un air contrarié. Saphir ? Il ne s'attendait pas à le voir ici. Et pourtant il est là, lui faisant désormais face, seulement quelques centimètres les séparant, puisque instinctivement, Ian s'en était lui aussi approché. Convenant alors d'une distance raisonnable, il lui adresse un sourire infiniment tendre, tandis que son regard trahit une certaine affection. Certaine affection dont il préfère garder les distances.
« Saphir ! » échappe-t-il, passant une main d'un geste nerveux dans ses cheveux, tandis qu'il finit par reculer d'un pas. « Je ne t'avais pas vu. Ça fait longtemps que tu es là ? » enchaîne-t-il, en l'épiant d'un œil curieux. Ça fait plaisir de te voir, aurait-il aimé ajouter malgré lui.

D'un air presque gêné, il croise les bras sur son torse encore humide, son regard faisant des aller-retour ici et là. Il toussote, fait danser ses doigts sur l'avant de ses bras. Il se mordille les lèvres, trépigne, et se reprend enfin. Dès lors, il se contente de faire glisser ses sombres prunelles le long des envoutantes courbes de son interlocuteur.

« Tu devrais lâcher tout ça et aller te baigner. L'eau est bonne. » dit-il en balayant d'un coup d'oeil la surface de l'eau, avant de reposer son attention sur le jeune homme qui lui fait face. Son timbre se veut désormais plus calme, posé, amical. C'est ainsi qu'il veut paraître. Amical. Pas comme celui qui ne cesse de fuir.

(Invité)