Need help ? (Daisy)

Profitant du beau temps et d’une journée de repos entre deux gardes à l’hôpital, j’avais choisi de prendre un peu l’air et d’aller me balader un peu dans le centre de Cambridge. J’étais toujours étonné de découvrir les rues calmes, alors qu’elles grouillaient d’animations et d’activités durant l’année. L’été la ville prenait des allures complètement différentes, les étudiants étant partis en vacances, dans leur famille… C’était aussi agréable ce côté paisible et tranquille. Après quelques pas dans la rue, mon regard fut attiré par une scène assez drôle : une jeune femme était en train d’essayer de se garer. Je ne ferais aucune commentaire sur la couleur de ses cheveux, la fait qu’elle soit blonde n’avait surement rien à voir avec le fait qu’elle avait tant de mal à manoeuvrer. Je n’étais pas du genre à colporter des clichés sur les blondes, au contraire. Elle avait actionné son clignotant et était en train de se battre avec son volant, avançant, reculant, braquant, pour essayer de faire entrer sa voiture dans l’emplacement de stationnement libre. Je ne pus retenir un petit rire amusé en l’observant galérer ainsi, je restais quelques secondes les yeux braqués dans sa direction, histoire de voir si elle s’en sortait, avant de me résoudre à aller l’aider, en bon gentleman. Je me plaçai sur le bord du trottoir et commençai à la guider de mes mains, lui indiquant quand elle pouvait encore reculer et quand elle ne le pouvait plus.

Daisy était plus habituée au froid canadien qu'à la chaleur américaine. A croire que ses neurones fondaient plus vite qu'une glace en plein soleil, cela faisait déjà maintenant une bonne dizaine de minutes qu'elle tentait un créneau entre deux gros 4x4. Elle possédait un petit cabriolet fort agréable au demeurant et normalement facilement garable, offert par son défunt mari pour ses 19 ans et bien qu'elle ne parvenait pas à s'en séparer pour des raisons évidentes, il fallait avouer que le modèle tombait en désuétude. Quoiqu'il en soit pour le moment, l'heure n'était pas à l'achat d'une nouvelle voiture mais au créneau ! Le soleil tapait sur les sièges en cuir beige ce qui n'arrangeait pas la chose et Daisy commençait à transpirer. Les cheveux attachés en queue de cheval brouillon au sommet de sa tête, des grosses créoles aux oreilles et des ray bans relevé sur son front à l'arrache, l'expression faciale ne laissait aucun doute sur la difficulté de la situation. Jurant dans sa barbe (inexistante d'ailleurs, il est toujours utile de le préciser), Daisy se doutait bien qu'elle devait pas avoir l'air maligne de l'extérieure. C'est là qu'elle remarqua un jeune homme dans son rétroviseur. Daisy arqua un sourcil se demandant si il était le propriétaire de la voiture de derrière avant de se rendre compte que c'était simplement une âme charitable. Daisy arrêta de manoeuvrer le temps de lui faire un franc sourire, un sourire qui disait merci de tout coeur, merci de m'aider, merci d'être beau comme un dieu et d'ensoleiller ma journée.
De meilleure composition, la blonde essaya encore et ne supportant plus, elle arrêta le contact et sortit de sa voiture. "Je sais que c'est sans doute trop vous demander mais s'il vous plait, si vous pouviez me la garer tout simplement... Je meurs de soif je veux juste un café frappé et une part de lemon pie c'est tout je le jure." dit-elle en lui tendant les clefs, elle arborait une mine de chat potté qui pouvait faire croire qu'elle était en train de lui demander 10 000 dollars en coupure de 5... Mais non. Elle voulait juste qu'on gare cette satanée bagnole.

J’étais le propriétaire d’un vieux break sous équipé, sans radar de recul et pire : sans direction assistée rendez-vous compte, alors forcément je fus pris d’un élan de compassion à l’égard de cette charmante blonde en détresse. Lorsque je m’approchais du bord du trottoir, jouant de mes mains pour essayer de la guider dans sa manœuvre, je récoltais un beau sourire de remerciement. Mais je ne devais pas être doué en signes, ou bien ces 4x4 étaient trop volumineux… Baissant les bras, laissant son cabriolet de travers entre les deux tout terrains, la jeune femme coupa le moteur et sortit de son véhicule, l’air passablement lassée. J’eus un petit rire en la voyant quitter sa voiture en cours de créneau et ne put retenir un petit commentaire amusé : « Je sais pas si c’est réglementaire de se garer comme ça… » Ok, c’était l’été, Cambridge était plutôt calme, mais si les forces de l’ordre passaient dans le coin, ils risquaient de la verbaliser. Mais la demoiselle arrivant prêt de moi me surprit en me tendant ses clés : elle n’abandonnait pas, elle passait le relai. « Je leur ai dit aux proprios du Luna Caffe qu’il fallait qu’ils m’embauchent comme voiturier, mais ils m’écoutent pas. » plaisantai-je avant de m’emparer de ses clés. « Ok, j’accepte la mission mademoiselle, je ne voudrais pas être responsable d’un malaise pour déshydratation. » répondis-je alors qu’elle me confiait –mourir de soif-. Je me dirigeai vers la place conducteur, j’ouvris la portière et m’installai derrière le volant, réalisant que la blondinette devait me faire drôlement confiance pour me laisser ainsi prendre les commandes de sa voiture. Jolie petite bagnole d’ailleurs. J’aurais très bien pu démarrer en trompe et la lui piquer, mais il fallait croire que l’idée ne lui avait pas effleuré l’esprit : je devais avoir une bonne tête, une gueule de gars honnête. Me tournant vers elle, je lui demandai : « Tu me guides par contre, je voudrais pas me faire étriper si je raye ta carrosserie. » J’avais la pression malgré tout. Je tournai le contact, démarrai l’engin et c’était parti pour un pilotage de précision, tournant le volant pour orienter les roues dans un sens en reculant, suivant les signes que me faisait la jeune femme, puis actionnant la marche avant pour rajuster un peu l’orientation des roues. Après plusieurs minutes, ma mission était accomplie. Je sortis fièrement du cabriolet avec un grand sourire, soufflant sur mes doigts pour jouer un instant le rôle du type qui se la pétait et je m’approchai ensuite de l’inconnue quand un bruit de moteur vrombit près de nous et me fit tourner la tête : le conducteur du 4x4 juste devant venait de démarrer et était en train de quitter son emplacement. « C’est pas vrai quel connard ! » Il avait vu qu’on galérait et il avait attendu qu’on se gare pour venir bouger sa caisse, histoire de ne surtout pas nous faciliter la tache.