take shelter (graham)

La chaleur des vacances m'emporte souvent loin des préoccupations. Loin des doutes, des peurs face à la rentrée. Qui dit Summer Camp dit libertés. J'ai envie de tout tenter, tout voir, tout vivre. Me remplir la tête de souvenir plus ou moins bons. La remplir jusqu'à ce qu'elle pèse trente tonnes. Trente tonnes de vie. Mais pour l'instant, je traîne des pieds à côté des tentes. Le soleil se lève à peine. Je suis déjà surexcitée, j'ai l'air d'un ressort à courir partout. Je vais finir par me cogner contre quelqu'un, ou même contre un arbre. Mais en attendant, je repère une tête brune familière. J'crois bien que je lui ai pas dit que j'étais là. Enfin, que j'étais inscrite à Harvard. Et au Summer Camp non plus. Surprise. Et que j'avais les cheveux bleus et verts non plus. Double surprise. J'avance vers lui. Je fais des pas si petits qu'ils ont l'air tout légers. J'ai l'impression de ne laisser aucune trace sur le sol. Une fois derrière lui, je pose mes mains sur ses yeux.
- Devine qui c'est!
Oui j'ai envie de jouer, oui j'ai envie de m'amuser. Il me reconnaîtra tout de suite, je veux juste voir sa réaction. J'ai un sourire énorme, large à s'en tuer la mâchoire. Je suis prête pour ma nouvelle aventure!

Un autre matin au Summer Camp. Je me levais assez tôt généralement, malgré le fait que je me couche tard puisqu’il y a des fêtes quasiment tous les soirs. Puisque j’étais dans une tente, les sons autour n’étaient pas très cachés. J’entendais les oiseaux mais surtout les autres jeunes qui était soit des lèves-tôt, soit des couches-tard. De toute façon, ça m’allait parfaitement, puisque le matin était le seul moment qu’on pouvait simplement profiter de l’environnement sans mourir de chaud. La température ne m’était pas habituelle. À Nashville, on ne connaissait pas ses chaleurs. Je passais donc la majorité de mes après-midis dans la piscine ou au lac. Je profitais donc du matin pour me promener. Parfois, je repérais des gens que je connaissais et trainais avec eux. En quelques semaines ici, je m’étais déjà fais plusieurs amis après tout. Ce matin, je ne vis personne et je quittai ainsi ma tente en marchant tranquillement autour. Je n’aurais jamais cru venir dans ce genre d’endroit, mais j’étais bien heureux de l’être aujourd’hui. Je pouvais simplement m’amuser. Bref, je marchais tranquillement alors que je sentis des mains se poser sur mes yeux. Je n’eus même pas le temps de me demander qui c’était qu’une voix m’interpela. Cette voix, je la reconnaitrais parmi des milliers, je l’avais tellement entendu. Toutefois, je ne comprenais pas comment ça pouvait être possible, puisqu’elle se trouvait à l’autre bout du pays. « Maddie?? » Je pris ses poignets dans mes mains pour tirer dessus et l’amener devant moi. Je vis ainsi ma petite sœur, mais surtout, une tête bleue. J’écarquillai les yeux, ne comprenant absolument pas ce qui se passait. « Tu fais quoi ici?? Et c’est quoi ça?? » Je désignai du regard ses cheveux. Qu’est-ce qu’elle avait encore fais?

Le silence s'est installé au milieu des tentes. Rien ne bouge. On dirait que quelqu'un a mis la vie sur pause. Le matin est toujours sur pause, mais l'après-midi passe en accéléré. Alors je profite déjà un peu du matin, pour ne pas perdre toute la journée. Et j'ai bien fait, je croise cette tête brune qui me manquait déjà. Faut dire qu'Harvard, ça change de Nashville. Alors le Summer Camp, n'en parlons pas. C'est l'été des nouveautés, et pour preuve, mes cheveux devenus bleus et verts. C'est la seconde surprise pour Graham, et il le remarque rapidement. Il a vraiment l'air surpris, j'ai l'impression d'avoir réussi mon arrivée.
- Moi aussi je vais bien merci!
Je rigole un peu, je commence déjà à l'embêter. Enfin, maintenant il va falloir parler de cette couleur un peu trop voyante pour lui.
- Tu me manquais trop, j'ai pas résisté, je viens à Harvard moi aussi! Heureux?
Nouveau sourire. Je lève les yeux vers le haut, montrant mes cheveux.
- Puis ça c'est la nouveauté de la semaine, ça te plait?
Je sais déjà qu'il va dire non, et je m'en amuse.

Je ne comprenais pas pourquoi ma petite se trouvait devant moi. C’est vrai que nous avions jamais été séparé très longtemps, mais ce n’était sûrement pas après quelques semaines qu’elle n’en pouvait plus de vivre sans moi et qu’elle avait décidé de me rendre visite, il y avait clairement autre chose derrière ça. J’avais envie de lui poser un million de questions, mais la demoiselle ne s’en occuperait sûrement pas. Ça semblait bien l’amuser de me provoquer. Je penchai la tête alors qu’elle me dit qu’elle allait bien. Ah oui, avec cette surprise, j’en oubliais les politesses. Puis c’était ma sœur, on n’avait pas besoin de ça, puis je la pris brusquement dans mes bras, tout de même heureux de la voir. « Tu m’as manqué, petite, tu sais! » Bien sûr on s’écrivait, mais sa tête m’avait totalement manqué. Lorsqu’elle me dit qu’elle venait à Havard elle aussi, je fronçai les sourcils. Elle racontait quoi encore? « Attend, tu es inscrite? Mais tu es bien trop jeune! » J’étais en effet en retard, mais il me semble que ma Maddie soit trop jeune pour entrer à l’université et vivre cette vie. Elle me sourit, évoquant cette «nouveauté» alors que je secouai vivement de la tête. « Bien sûr que non! On te remarque déjà assez, pas besoin de ça! » C’est vrai que ma sœur était assez excentrique et avait un style particulier. Cette couleur n’était vraiment pas nécessaire.

Il a l'air vraiment surpris de me voir ici. Je crois qu'il ne s'y attendait pas du tout. Il faut dire que, même dans les lettres qu'on s'écrivait, je ne lui avais pas parlé de ce choix d'orientation. Je voulais lui faire la surprise jusqu'au bout et ça avait apparement marché. J'étais contente d'être ici, de pouvoir profiter du Summer Camp avant de profiter d'Harvard. C'était un bon moyen de se détendre mais aussi de profiter et de se lâcher un peu. Ça devait d'ailleurs être ce qui inquiétait Graham. Enfin. Il me prend brusquement dans mes bras, je souris, ma tête au creux de sa poitrine. J'ai toujours été trop petite par rapport à lui. En me reculant, je garde mon sourire et écoute ce qu'il me dit. Moi trop jeune pour Harvard? Je crois qu'il a oublié de fêter certains de mes anniversaires.
- Tu m'avais aussi manqué! Et figures toi que j'ai 18 ans et que je suis ultra prête pour ma première année. Et puis devines ce que je vais étudier?
Je laisse un peu de silence, même si je compte donner ma réponse directement.
- La musique!! C'est pas génial? J'ai vraiment trop hâte. Enfin, l'informatique aussi, mais la musique quoi!!!
J'ai l'air un peu trop joyeuse par rapport à l'ambiance actuelle. Tout le monde dort et moi je suis déjà presque en train de sauter partout. On ne me changera pas hein. Il revient sur ma couleur de cheveux. Je rigole un peu en entendant sa réponse.
- Et bien un peu plus ou un peu moins.. Autant y aller à fond!
Je souris à nouveau, il n'approuvera pas cette réponse mais tant pis, je suis prête pour la vraie vie!

Ma petite sœur ne cesserait apparemment jamais de me surprendre. Je me sentais comme un parent qui voit faire son enfant faire n’importe quoi, et qui désire simplement la rentrer à la maison. J’étais protecteur avec elle, du fait que je m’étais beaucoup occupé d’elle durant son enfance. J’étais venu à Harvard pour m’amuser, pour retrouver mon ex, et je savais que la vie ici était pleine de tentation. À Nashville, j’avais réussi à la tenir loin de tout cela, mais j’avais peur de ne pas réussir ici à tout contrôler. C’était bien plus grand et il y avait plus de monde. Merde. Qu’est-ce que j’allais faire. Je ne voulais admettre que ma petite Maddie avait à présent 18 ans. Ça ne collait pas, non? Je secouai donc la tête. « 18 ans ou pas, tu es trop jeune pour partir comme ça! Les parents ont du paniquer! » Vu ma réaction, je n’osais imaginer la leur lorsqu’ils ont appris que leur petit bébé quittait la maison pour l’une des plus prestigieuses et grandes universités du pays. C’était incroyable. Je souris alors lorsqu’elle me dit qu’elle allait étudier en musique. Je savais sa passion pour ce domaine et dans un sens, c’était bon pour elle d’aller à Harvard, puisque leur programme était très réputé. « Oui c’est génial Maddie, je suis content pour toi! » Ça je l’étais sincèrement. J’avais toujours espéré qu’elle perce dans ce domaine. Ma sœur était talentueuse et elle méritait tout le bonheur du monde selon moi, tant qu’elle reste sage. D’ailleurs, cette nouvelle couleur de cheveux n’évoquait aucunement la sagesse. « C’est ce qu’on dit oui… mais tu te surveilleras la nuit, on ne sait jamais ce qui peut arriver. » Je lui fis un clin d’œil, comme si j’oserais aller la teindre sans son consentement. Je n’oserais jamais, mais j’adorais tout simplement l’agacer.