I feel like a part of my soul
has loved you since
the beginningof everything.
Maybe we're from the same star.
Je n’aime pas dire que j’ai eu une vie difficile. Ce serait, à mon goût, comme un geste quelque peu ingrat. J’ai une famille, j’ai une maison, j’ai des amis, j’ai de quoi satisfaire mes besoins. J’aurai désiré dire que j’ai vécu une vie merveilleuse, facile, et que j’en remercie Dieu, mais j’ai toujours trouvé que quelque chose manquait. Quelque chose qui compléterait ce tableau pour qu’il soit « parfait ». Et puis, je me rappelle des nuits entières passées à pleurer dans mon lit, parce que ça n’allait pas bien. Et puis, existe-t-il un « parfait » ? Tout cela me porte à confusion.
Fille unique d’un père schizophrène et d’une mère qui tente d’échapper au désespoir, j’ai eu droit à une enfance des plus innocentes. Je jouais sans me soucier de rien, je cherchais des réponses sans jamais en trouver, je ne manquais pas d’amour. Je n’étais hantée, je me rappelle, que par une seule idée : Le divorce. Papa et maman se disputait bien souvent, maman pleurait presque toutes les nuits, papa se renfermait tout seul dans la chambre des invités. On me disait qu’il ne se sentait pas très bien, qu’il était malade et qu’il valait mieux ne pas le déranger, car il était un peu sur ses nerfs du moment que l’inspiration lui échappait constamment ces derniers temps… Mes parents étaient tous les deux écrivains. Leurs revenus pouvaient leur assurer tout ce dont ils avaient besoin et bien plus encore. Ce n’est que lorsque je suis arrivée au monde que l’état de santé mentale de mon père a commencé à sérieusement se détériorer. Il ne pouvait donc plus écrire et ma mère fut la seule responsable de notre petite famille, et elle se débrouillait assez bien : Elle usait de ses problèmes et de ses blessures comme source d’inspiration… Je l’avais toujours admirée pour son intelligence, son imagination, sa créativité et son savoir-faire. D’ailleurs, je fus depuis toujours énormément proche d’elle. Quant à mon père, je suis incapable de me souvenir de la dernière fois qu’on s’est vus et parlés : Il demeure enfermé dans sa chambre, ne parle à personne et fait preuve de violence de temps en temps. J’avais beau le cacher, son cas me provoquait une profonde tristesse, puisqu’on ne partage aucun souvenir tous les deux : Il ne m’a jamais souhaité un joyeux anniversaire, on n’est jamais sortis, il n’a pas assisté à la cérémonie de remise des diplômes. C’était un peu comme s’il était mort, sans vraiment l’être, et c’était ce qui m’attristait le plus.
J’ai eu des amis, ils étaient peu mais ils étaient tout ce dont j’avais besoin. J’étais l’enfant qui rêvait d’être une vraie rebelle en tant qu’adolescente mais qui grandit pour être la fille la plus réservée et timide du groupe, et qui pense toujours à ce que dirait sa mère avant de faire quoique ce soit. J’étais cette fille qui, en dépit du fait qu’elle estime ne se soucier de rien et qu’elle s’en contre fichait carrément de tout, s’accrochait fermement à cette toute petite lueur d’espoir et, vous voyez, c’était cela la raison de ses pleurs et étouffements la nuit, c’était la raison derrière son soudain désir de s’éclipser pendant un moment, souhaitant, pour seule compagnie, sa propre personne. Ces envies inexplicables poussaient un grand nombre de personnes à quitter ma vie, incapables de saisir mes changements d’humeurs.
Seulement, il y avait cette personne, cette unique et singulière personne qui était restée à mes côtés peu importe les circonstances. Je me demande bien souvent ce qui m’aurait arrivé s’il n’était pas présent dans ma vie ; mais à quoi bon y songer ? Heureusement qu’il l’était, car de toutes les connaissances et amis que j’avais, il était le seul à vraiment me comprendre, ou du moins, faisait un effort pour cela, et Dieu seul sait combien je l’appréciais pour ce geste. Je le connaissais depuis qu’on était enfants. Je n’arrive pas très bien à me rappeler exactement de nos âges … cinq ans ? Peut-être même six ou sept ? Bref, on avait dès lors noué de forts liens entre nous, et aucun de nous deux ne pouvait se passer de l’autre. Je l’aimais sincèrement, Sacha. Je l’aimais depuis toujours, et ça venait comme ça quoi. On me parlait de lui, je disais sans prendre la peine de penser : « Oh oui, Sacha. Je l’aime énormément. » et je n’avais jamais pris le temps d’analyser ou de savoir ce que je voulais exactement dire par « je l’aime énormément. »
Un jour, alors qu’on était tous les deux assis sur un banc dans un parc où nous nous rendions régulièrement, j’avais pris le temps de comprendre ce que j’insinuais par mes dires. Il commençait à faire sombre, et il me parlait, en gesticulant machinalement avec ses mains ; comme il a l’habitude de faire. Je n’arrive pas à me rappeler de ce qu’il me disait au juste, tellement j’étais perdue dans ses yeux, son regard insoucieux et naturel. Puis une envie soudaine me prit de l’embrasser, et je pensais à ce que je disais sur lui. « Je l’aime énormément. » Mon cœur commença soudainement à battre et je ne sais dans quel état je m’étais si brusquement mise, mais c’était à ce moment que j’ai réalisé que je l’aimais, Sacha, avec tout mon cœur. J’ai appris plus tard que c’était réciproque et on s’est mis en couple. Ces quelques années de lycée – à ses côtés- étaient sans aucun doute les plus belles de ma vie. Mais le destin jugea bon de nous séparer; et Sacha fut obligé de me quitter car il déménageait pour aller à Cambridge. Considérant le fait qu’on allait peut-être ne plus jamais se revoir, je lui offris mon corps pour la dernière nuit qu’on passait ensemble. C’est ainsi qu’il fut ma première fois, et que je fus la sienne. Le cœur plein de chagrin, il partit. Bien qu’on tâchait de garder contact à travers les réseaux sociaux, la distance prit effet et on ne se parlait plus.
Je connus, bien évidemment, d’autres garçons, mais rien n’était sérieux et je ne pus tomber amoureuse une seconde fois. Le souvenir de Sacha surgissait dans mon esprit de temps à autre, et trouvait cela bien dommage qu’on ait arrêté de se parler.
Cependant, je commençai alors à étudier en fac de biologie lorsque j’en déduis que ce n’était pas vraiment ce que je voulais faire. Je changeai alors d’orientation et m’inscrivit à Harvard pour suivre des études de psychologie. Il faut dire que le cas de mon père avait laissé sa marque. Ma première année fut quelque peu mouvementée, dû aux agressions et aux viols qu'ont connu une bonne partie des étudiants. J'arrivai néanmoins à me faire une multitude de connaissances et m'intégrai sans aucun problème.