UMI YOSHIDA ► Saki Nakajima

Dans ta chambre, il y a :
◊ ta peluche préférée, celle que tes parents t'ont offert à l'aéroport le jour de ton départ. Tu sais qu'ils ont eu à la fois beaucoup de peine et beaucoup de fierté de te voir intégrer Harvard, tu étais la première à partir loin de votre île natale. Même si tu as plusieurs fois voulu tourner les talons, redescendre de cet avion et finalement chercher un travail tranquille dans ta campagne japonaise, tu es toujours assise dans ta chambre, serrant contre ton coeur ce petit ours qui est là quand le soir tu pleures. Tu lui as donné un nom Hōyō, qui signifie câlin dans ta langue. Il t'en procure beaucoup, toi qui ne te lie pas facilement avec les personnes que tu ne connais pas. Tu as bien quelques camarades, mais aucun duquel tu peux être aussi proche.

◊ ton matériel d'arts plastiques que tu as acheté à Cambridge. Tu n'as eu la place de prendre qu'un ou deux pinceaux dans ta valise mais tu as trouvé une fabuleuse boutique où te fournir en peinture, pinceau, colle et papier en tout genre. Tu as toujours été passionnée par le dessin et tu as fait évoluer ta technique jusqu'à faire sortir tes oeuvres de la surface plane du papier. Tu aimes mêler différents matériaux, différents univers. Tu t'exprimes aux travers de tes ouvrages parce que la timidité t'envahies lorsque tu te retrouves en public. Un défaut que tu tentes de corriger, mais tu n'arrives toujours pas à parler à ta colocataire.

◊ un mur de photos que tu as prises lorsque tu étais au lycée, de tes amis, de ta famille, des lieux qui te sont chers. Tu as très peu de photos de ta vie à Cambridge car tu ne t'y sens toujours pas chez toi, même après trois années. Tu n'a jamais cherché à te faire de réels amis, car ta vie reste pour toi au Japon, et tu préfères encore communiquer via Skype que d'aller boire un verre dans un bar. D'ailleurs, aucunes de tes photos, même festives, n'a comme toile de fond une soirée arrosée. Tu bois bien parfois un peu de vin, lorsque tu manges un bon repas français, mais tu préfères de loin une bonne soirée karaoké à boire de la limonade à une beuverie qui t'ennuierait.

◊ une armoire pleine de vêtements que tu as confectionnés, les vêtements que tu portes tous les jours et des cosplay, que tu as présenté lors de rassemblements avec une très grande fierté. Ta grand-mère t'a appris à coudre à l'âge de huit ans et tu n'as jamais arrêté. Tu dessines, couds et portes tes créations avec une joie non dissimulée, heureuse de ta différence. Si ton travail était apprécié dans ton pays, tes extravagantes tenues t'ont values des railleries à ton arrivée aux Etats-Unis. Tu as donc repris ta machine à coudre (une nouvelle que tu as achetée ici) pour oeuvrer sur la sobriété. Tu gardes tout de même ta petite marque de fabrique, dans le détail, des motifs japonisants.

◊ ton macbook, ton outils de travail. Il te sert tant à prendre tes cours qu'à faire tes vidéos pour Youtube. Car si tu es le stéréotype de l'étudiante studieuse et timide lorsque tu es assise dans l'amphi, tu as plutôt la langue déliée lorsque tu es face à ta webcam. Tu deviens une toute autre personne, une demoiselle sure d'elle en toute kawai-tude. Sur ta chaine, tu proposes des DIY, tu donnes aussi des conseils pour réussir ses cosplays et tu présentes les tiens. Internet te permet de faire abstraction de ta timidité. Tu communiques, cachée derrière un pseudo sur la toile, même si tu es tout de même assez connue au Japon, ton toi virtuel n'est pas timide lorsque tu es en convention. Tu fais principalement des vidéos dans ta langue maternelle, mais depuis peu, il te trotte dans la tête l'idée de transmettre tes connaissances à l'international, maintenant que tu maitrises l'anglais à la quasi perfection.