FINN M-GLÜCKSBOURG ► lucky blue smith

Y'a un truc qui cloche chez toi Finn. Tu sais pas trop quoi mais t'as pas dû naître dans le bon sens. Tu ressembles pas à ta sœur, encore moins à tes parents, t'es pas vraiment ce à quoi ils s'attendaient. T'es pas né avec l'hormone de la fierté, le chromosome du petit prince parfait, le gène de l'aristocrate bien dressé, t'as presque rien d'un fils de la royauté. T'as toujours détesté qu'on te dicte quoi dire, quoi faire, quoi porter. T'as jamais aimé qu'on surveille tes moindres faits et gestes. Ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui et ceux de demain. T'as pas envie que ta vie soit déjà toute tracée, qu'on te coltine la Duchesse du Royaume de Mon-Cul et qu'on prévoit déjà les prénoms de tes futurs successeurs. Ouais, toi t'as toujours rêvé de parler la bouche pleine, de te tenir pas droit, d'enfiler une chemise froissée avec un jean troué et puis surtout, de dire merde à tout.

Mais ta vie s'est vite résumée à des petits comprimés roses à ingérer matin midi et soir. Ils ont eu du mal à te cerner dans cette famille, t'es pas un maniaque du contrôle, t'es beaucoup trop imprévisible. T'es un égocentrique instable à tendance parano, un éternel impulsif souvent colérique. Hypersensible aux extrêmes, t'es toujours dans la démesure, t'as jamais réussi à t'imposer des limites. Tout est intensifié, t'as le sentiment de renaître et de mourir à la seconde d'après. Tu peines à te gérer, mais t'arrives quand même à t'intégrer à la société. Voilà maintenant trois ans que t'es étudiant à Harvard, trois ans que tu bûches sans trop de difficulté scolaire. T'as même de la facilité mais ça tu préfères pas le faire remarquer, t'as pas envie qu'on te colle l'étiquette du prince, et encore moins celui du nerdy. Tu fais le minimum et tu t'en sors plutôt bien, parce que c'est le seul truc que t'as pu contrôler dans ta vie. Tes études, c'est ce qui te plait vraiment. Puis avec les comprimés et les séances de psy tu trouves même peu à peu une stabilité. Enfin, t’avais trouvé. « Ton père est mort » C'est quand t'arrives à empiler les dernières pierres à l'édifice que tout s'effondre d'un coup sans prévenir. Ton père est mort. Ces mots résonnent encore dans ta tête. T’as encore du mal à comprendre ce que ça implique vraiment, mais tu sens que le monde se dérobe peu à peu sous tes pieds. La douleur s'empare de ta poitrine, et putain c’que ça fait mal. T’as même pas les mots pour la définir, t’as pas non plus le courage de répondre quoi que ce soit ni la force d'y faire face.  T’as plus rien, tu te sens vide comme jamais.

C'est dehors que tu passeras la soirée, dans l’une de ces fêtes où s’entremêlent rires et alcool. Tu sens ce liquide qui brûle ta gorge puis qui coule dans tes veines, ça te fait du bien. C’est ce soir-là que tu l’as croisé, elle avait ce sourire à faire pâlir la nuit noire, cette petite flamme qui brûle et brille dans son regard. C’était Liz. « Dis, qu'est-ce que t'aimerais Finn ? » Qu'est- ce que t'aimerais ? T'aimerais ne pas savoir quelle heure il est, quel jour on est ni à quel endroit tu te trouves, t'aimerais qu'on n'ait plus jamais à t'dire quelle chemise tu dois porter ni comment tu dois te comporter, tu veux qu’on te laisse faire c'que tu veux de ta vie, tu veux être libre. Oui c’est ça Liz, libre. « Partir. »  « Où ça ? »  «  Là où personne nous retrouvera. » Nous ? Bien sûr. Un sourire s'empare de tes lèvres, t’as toujours été un peu rêveur comme ça. Pourtant tu la connais pas vraiment, mais ce soir t’avais envie de fuir loin d’ici, l’emmener danser sous les palmiers, dessiner des étoiles sur la poussière des murs, t’évader avec elle, le vent qui fouette vos visages. Loin du campus, loin des cours, loin de tout. Elle te fixe, tu vois bien qu'elle comprend pas c'que tu veux dire, alors tu te lèves et tu lui attrapes la main. C'est le spring break dans trois jours, mais toi t'as envie d'improviser le tien, et tu lui proposes qu'un allé simple, pas de retour. « Suis moi » Allez vas-y Liz, viens et savoure.


T'es sous l'effet de l'alcool, tu sais pas encore que tu t’apprêtes à foncer droit dans le mur, mais même si tu le savais tu t'imagines même pas freiner une seule seconde, non toi t’accélères. Tu veux aller partout et nul part à la fois, tu cours à ta perte, mais t’as le sourire aux lèvres. Ta famille, tes amis, tes années à Harvard, t'abandonnes tout. Ton passé n’est qu’un amas de choses confuses à oublier, t’es en train de renaître. Comme si jusqu’ici ta vie se résumait à une apnée profonde, tu t'es retenu de respirer sous l’eau et soudainement tu regagnes la surface. T’as envie d’avaler une bouffée d’air frais, t’as envie de crier et de saisir ta seconde chance. Tu la saisis avec Liz, et t’as jamais été aussi heureux que maintenant. T’es bien avec elle sur la route, sous les paysages qui défilent et vos rires qui s’enchaînent. T’aperçois ces gens qui se pressent, qui ne prennent pas le temps de vivre, les uns qui s'épanouissent les autres qui s'déchirent. Tu cours sur la voie rapide, tu vois les bandes blanches qui filent et ça te fait vibrer. T’as même presque plus besoin de tes comprimés, Liz t’apaise à elle seule.

Mais la vie se démerdera toujours pour que tu redescendes de ton petit nuage un jour ou l'autre. Ces poussées de dopamine sont toujours éphémères, fini les sensations d’allégresse et les moments d'exaltation, faut retourner à la réalité ma grande. « J'en ai marre Finn, j'me casse. » Le soir où t'as rencontré Liz, tu l'adorais. Après tu l'aimais bien, mais plus ça allait plus les étincelles du début s'évaporaient. Tu sais pas trop si ça vient de vous deux, peut-être que c'est seulement l'euphorie de l'aventure qui disparait. Parce qu'elle est chiante Liz, très chiante, mais qu'est-ce qu'elle est attachante.  « Quoi ? J'croyais qu.. »  « Ca ressemble à rien tout ça ! Tu sais même pas où tu vas, c'que tu veux, j'ai pas envie de jouer les clochardes toute ma vie avec toi Finn, j'veux un avenir moi.. » Pétasse, répétait ta conscience. T'as envie de lui cracher au visage. C'était toujours les montagnes russes dans tes relations, mais tu savais pas que c'était possible d'éprouver subitement autant de haine envers une personne. T'as l'impression d'avoir tout perdu en vingt secondes, tu ressembles à un p'tit garçon qui découvre d'un seul coup que la vie est épouvantable. « Dégage Liz. Juste .. dégage. » Tes mots lui ordonnent de décamper, mais tes yeux la supplient de rester. Reste Liz, putain reste. Qu'est-ce que tu vas faire tout seul ? Mais c'est déjà trop tard, elle est partie. Elle t'a lâchement abandonné, t'es seul dans votre monde maintenant. Et t'as du mal à accepter cette solitude, alors toi aussi tu te résignes enfin à rentrer à Harvard, après trois semaines d'absence. T'as pas tellement envie de te confronter à ta soeur et ses dix milles reproches mais t'y vas quand même, parce que t'as besoin d'elle comme elle a besoin de toi même si t'es qu'un con Finn, ça reste ta grande sœur.