JAMIE SANTHONE ► george shelley

Lâcher prise. C’était facile à dire mais pas à faire, quand on sait que je n’ai jamais été bon pour prendre l’air quand on me m’était vraiment en colère. Et là, oui là, j’en avais vraiment trop à dire pour regarder ma famille dans les yeux. Ces gens qui n’en ont strictement rien à faire de qui je suis et de ce que je veux. Je regardais mon assiette avec un air de dégoût. J’avais le don d’agacer mes parents. Alors quand je voyais ma mère me tendre un bol de soupe, je l’envoyais valser sur son tapis tissé à la main. Elle hurlait mon prénom, commençant à pleurer et à insulter mon père de laisser passer tous mes actes. Je menais une rébellion et mes parents n’avaient pas encore compris que quoi qu’il dirait je passerais outre. Il n’était à mes yeux que mes donneurs génétiques. La vérité dans tout ça, c’est que je ne l’ai connais pas non plus tant que ça. Ils sont toujours en voyage d’affaire ici et là, j’en avais marre de passer ma vie avec cette stupide nounou. Elle ne pouvait même pas me rendre le service de mettre fin à mes jours. Elle arrêtait tout ce que je voulais, elle m’interdisait de gâcher mon potentiel. Savez-vous pourquoi mes parents sont là ? Simplement parce que j’ai pris trop de cachets et que Sandra la nourrice les a appelé en pleure. Stupide hôpital. Les médecins auraient pu comprendre que c’était un geste réfléchis et pas désespéré. Je levais les yeux vers ma mère, toujours aussi méchamment que comment je regardais cette assiette blanche, presque vide. « Ferme-là. » Je me poussais de près de la table, me levant avant de commencer à marcher vers la terrasse. Ma mère n’en pouvait plus de moi. Je m’installais sur un transat, allongeant mes jambes, prenant une cigarette et la laissant venir se coller à mes lèvres. Je l’allumais avec mon briquet, soufflant une première fois dessus. Ça me donnait l’impression d’être en vie, mais aussi que je pouvais mourir demain. J’ouvrais la lettre qui se trouvait dans ma poche. Je ne savais pas qu’en faire. Si jamais j’étais accepté dans cette école, c’était la chance de m’éloigner d’ici, mais aussi la perte de cette figure maternelle et protectrice qu’était cette vieille femme qui me nourrissait depuis toujours. L’argent ne fait pas le bonheur, et ça je l’ai appris à ses côtés. Elle avait essayée de m’instruire sur le bien et le mal, mais apparemment elle n’avait pas si bien réussie. « Monsieur Jamie, que faites-vous ? » Je tournais ma tête, et je voyais Sandra, elle déposait une main sur ma joue, sur moi, essuyant des larmes. Avais-je vraiment pleuré ? Merde. Je repoussais son geste d’attention. Je ne voulais pas me faire plaindre. Elle ramassait la lettre et l’ouvrait pour la lire. Elle était de nature à prendre les devants sur moi, je détestais son indiscrétion. Je me relevais, m’asseyant face à elle. Les mains closes, les coudes sur mes cuisses, la tête lancée vers le sol. « Allez, dis-moi que je ne suis pas pris. » Elle me prenait dans ses bras, me montrant la lettre qui était totalement positive. Je restais bête face à ça. Elle caressait mes cheveux, les embrassant en remerciant le seigneur. Qu’est-ce que je détestais l’espagnol, ça me faisait mal aux oreilles d’entendre ça. Mais là, je regardais cette acceptation encore et encore, me levant en la laissant à genoux. Prenant le bout de papier avant de rentrer à l’intérieur, j’entendais mon père me traiter de bon à rien et ma mère me définissait comme le sosie de mon père. Je me posais au bout de la table, envoyant le papier à ma mère, un sourire sarcastique sur les lèvres. Ses injures se stoppaient et elle y croyait encore moins que moi. J’étais libre. Libre de cette merde dans laquelle il me faisait vivre. « Soyez content, je pars d’ici, vous n’aurez pas à me revoir. » Je souriais de mon plus beau sourire avant de me diriger vers les escaliers. Il était temps de faire mes bagages.

Ça fait maintenant trois ans que j’ai quitté mes parents et cette vie infernale. Le Royaume-Uni ne me manque pas du tout, je suis bien mieux ici. J’ai arrêté mes conneries, bien que de temps en temps ça me manque de ne pas me rebeller. De ne pas mettre ma vie en danger. Je me suis calmé, pour le meilleur c’est sûr. Mes parents ont divorcés, cinq mois après mon départ, et comme la séparation de leurs biens, Sandra a été renvoyée. J’ai refusé trois billets d’avion pour rentrer chez moi, avec pour seule explication qu’ils ont gâché ma vie et qu’ils ont expulsés la seule personne que je considérais comme un membre de ma famille. Ils essaient de se racheter depuis, mais rien y fait, je ne veux pas de leur argent, je gagne le mien comme représentant d’œuvre d’art et c’est largement suffisant. Bon d’accord, la carte de crédit qui traîne dans mon portefeuille est reliée au compte bancaire de mes parents, mais j’ai bien le droit de profiter. Puis ils m’auraient coupé les vivres s’il le voulait, pas de chance ils ne le feront jamais, je suis leur poids désespérant comme leur seul enfant. Quoi que, ma mère c’est trouvé un autre crétin depuis peu, alors j’espère qu’il pourra la supporter, et surtout qu’il n’a pas d’enfant. J’ai même reçu une carte pour son mariage… Où je ne mettrais pas un pied, même pas une rognure d’ongle de mes orteils. Je suis bien ici, à Harvard. Je suis même incroyablement heureux de pouvoir vivre ma vie comme elle aurait dû l’être depuis le commencement, c’est-à-dire, merveilleuse. Je ne sais pas si je vais revoir Sandra un jour, mais j’espère qu’elle va bien et que sa famille l’aime autant qu’elle m’a aimé dans le passé. Je n’ai jamais été très gentil avec cette femme, mais je me rends tout de même compte qu’elle a toujours été là pour moi, dans ma vie comme dans mes galères.