Jasper ‡ J'me rince l'oeil, d'une larme d'orgueil

Le deuxième jour à Poudlard était désormais terminé. Zoïa venait d'achever le troisième livre de la Saga, et elle commençait à s'y faire. Dirons-nous même à s'y plaire. A son plus grand désarroi, elle n'assume toujours pas. Lui vient l'envie de trouver la Salle-sur-demande, rien que pour le plaisir de se vanter. Pour être la première. Celle qui gagne. Toujours. La Rousse attend donc que tout ce petit monde dorme pour enfiler un jean pour compléter son débardeur. Elle enfile également un gilet qui traîne et regrette de ne pas avoir de cape. Mais pas de Rusard à craindre en fait. Toutefois, elle se prend carrément au jeu, s'effraye des ombres, marche sur les pointes, et tend le cou à l'affût. Elle déambule comme ça quelques minutes, quelques heures ? Elle ne sait pas vraiment. Se perd dans un couloir, Tâche de feu sur le sombre, tourne la tête alors qu'elle croit entendre un bruit tout en continuant d'avancer à tâtons. Cruelle erreur. Elle percute de plein fouet ce qu'elle pense être un mur, mais non c'est juste un torse musclé (a). Son visage se tourne vers le Propriétaire et ses sourcils se haussent lorsqu'elle comprend qu'elle a affaire à Jasper. « Président. Mes hommages. » se moque sa voix douce alors qu'elle mime une révérence. « T'es perdu ? Tu veux que je te raccompagne aux cuisines petit Blaireau. » Oui, elle commence à maîtriser le sujet... Pour l'ironie, c'est acquis depuis longtemps.

On ne va pas dire qu'il a anticipé la scène, et plaçé son corps juste là, en sacrifice aux mains baladeuses de Zoïa, mais presque. Disons juste, avouons, dans un élan d’honnêteté, que Jasper l'a vu s'approcher, et n'a pas bougé. Encaissant le contact avec un sourire idiot dont il a le secret. Ce sourire disparaissant dès qu'elle lève ses billes sur lui. Simuler devant l'incendiaire. Pas sûr qu'on soit vraiment immunisé contre ses flammes. Petit blaireau ne craint pas les blessures du serpent, mais aimerait éviter ses dents tant que possible. Peut-être suffisamment de temps pour apprendre à devenir charmeur. Il connaît déjà quelques notes. Sait aiguiser son intérêt, en provoquant les failles qu'il voit à portée. L'Inaccessible le paraît moins, depuis que monsieur se trouve un intérêt pour ces recoins sombres où la belle semble se plaire. « Président. Mes hommages. » Allez, moque-toi, savoure. Provoque d'une révérence ridicule. Bien que ça flatte l'idiot, il réclamerait presque « plus bas », mais se méfie des coups de griffes. « T'es perdu ? Tu veux que je te raccompagne aux cuisines petit Blaireau. » Accroche ses doigts contre le mur, s'appuie sur son bras tendu, tête qui s'incline légèrement en l'observant grâce aux brefs passages de lumière lunaires. « Faut se méfier des blaireaux. C'est bien plus attachants qu'une bête au sang froid. » J'le suis bien plus que toi, Zoïa, c'est ma force. Leur perte, aussi. « On t'as pas parlé du couvre-feu ? Je suis pas sûr que ça soit très raisonnable de le violer. » Ouais, il sait bien choisir ses mots.

Un sentiment d'étrangeté l'envahit alors qu'il pose les yeux sur elle. Enfin de cette façon. Depuis quand intéresse-t-elle les hommes parfaits ? La perfection s'allie à la perfection et c'est plutôt l'inverse que représente la Demoiselle. La rudesse, le tourment, les rebords sinueux et les pensées chaotiques. Pas l'affable et lumineuse sociabilité d'une présidence. Tu es le Roi et je suis la Révolution, tacite, sournoise et insidieuse mais capable de lever les armes les plus passives. Ses prunelles s'étonnent presque mais regagnent vite la lueur d'Orgueil et de défi qui lui est confortable. « Crois-tu que quiconque puisse s'attacher au serpent sans y perdre l'élan vital ? » Ses lèvres amorcent un rictus tandis qu'elle l'observe faire un avec le mur, lui barrant en quelque sorte silencieusement le passage. Elle s'approche dangereusement mais se refuse à tout contact. Le Parfait la dépasse à peine mais suffisamment pour qu'elle relève un brin la tête. Histoire de gagner de la hauteur. « Je n'aime pas être couverte non. » Ses sourcils se haussent, à étouffer le feu, on risque de se brûler. « Mais pour faire respecter les règles, il faut commencer par les appliquer soi-même n'est ce pas ? » N'est-ce pas Jasper ? Alors que fais-tu là aux heures sombres à disserter avec une Solitaire ? N'est-ce pas la lumière ton domaine d'appartenance plutôt que les bas-fonds ?  

Allez, dites-moi ce que ça lui a apporté, de les choisir dans un magasine ? Jasper fait pas comme les autres. Il ne les aime pas bruyantes, rebelles, défiantes. Il choisit des princesses, des charmantes, des farouches. Pour que leurs egos additionnés ne dépassent pas du cadre. Que ça donne une jolie photo. Autant dire que la piquante n'avait guère sa place dans son paradis dessiné. Qu'importe, le lisse n'a pas marché pour lui, il tente le déstructuré. Une pincée de chaos, beaucoup d'incertitudes, et pour finir, le danger d'une rencontre nocturne.  « Crois-tu que quiconque puisse s'attacher au serpent sans y perdre l'élan vital ? » Tu m'ferais ça, à moi ? Sûrement. Assurément. « Tous les serpents peuvent être charmés, il suffit juste de trouver comment. » Qu'est-ce qui te fait défaillir, Zoia ? Des failles, tu dois en avoir trop peu. Quelques écorchures, à peine. Cachées précieusement. Et eux, ils sont quasi à hauteur. Lui l'habitué à surplomber la plèbe se trouve presque un égal. Lui l'habitué à faire exécuter ses pensées se trouve une réprobatrice. Et ça l'enchante, le naïf. Peut-être blasé qu'on se fasse facilement berner par son trop beau sourire. Résistez un peu, ou faites semblant. Rendez la victoire moins acquise. Faites-moi croire à la défaite.  « Je n'aime pas être couverte non. » C'est ça le problème. Qu'on veuille l'étouffer ou l'embrasser, le feu vous brûle, qu'importe la bonté de l'intention, les flammes vous embrase. « Mais pour faire respecter les règles, il faut commencer par les appliquer soi-même n'est ce pas ? » Quelle curieuse idée. Se penche, un peu. Prononce, souffle, enjôle, de son sourire digne de Flynn. « C'est moi qui les fait, ces règles. » Même ces imaginaires que je te dicte, juste pour tester ta résistance à mon insistance. « Alors... j'peux y déroger si ça me plaît. » Et les imposer, avec plus ou moins de réussite. Laissez-moi mon trône, jusqu'à la dernière seconde. « Mais tu as peut-être plus intéressant à proposer qu'un simple retour dans nos geôles ? » Juste pour prolonger le plaisir, gourmand.

Sa joue se creuse sous l'effet de la réplique maline de son Jaune de président. Les prunelles d'acier s'amusent et défient silencieusement son Adversaire improvisé. « C'est sans doute dans les cordes d'un prince charmant si il ose s'y risquer. » Mais on sait toi et moi que tu ne t'y risqueras pas Jasper. Parce que celles que tu veux endormir de ton charme ce sont les Jolies, les Lisses, les Douces et les faussement Tempétueuses. Tout juste suffisamment de relief pour se donner l'illusion d'un défi à relever. Elle le sent se rapprocher d'elle et lui murmurer suffisamment près de son oreille pour qu'elle en sente le souffle se poser sur sa peau. Les pupilles délavées de l'Incendiaire se relève de concert avec ses sourcils sur le visage du jeune Premier. « J'oubliais que j'étais face à un Puissant de ce monde. » relève-t-elle non sans sarcasme. Parce que des règles, il peut bien lui en dicter oui, mais qu'elle les applique de par son influence c'est bien autre chose. L'Adepte préfère néanmoins se reposer sur les paroles suivantes. Une autre proposition vraiment ? Monsieur Ellington aimerait-il donc jouer avec le feu ? Zoïa mordille la chair de sa lèvre tandis que son regard glisse de côté avant de se reporter de nouveau sur la Cible. « Tu n'as pas une foule d'amis à rejoindre Président ? Une compagnie bien plus fréquentable à retrouver ? » Parce qu'il est rare qu'on s'épanche sur son cas, qu'on quémande une compagnie aussi taciturne que la sienne. Surtout venant d'une âme habituée à évoluer au centre de la lumière. Un sourire s'étire sur le coin de ses lèvres et elle ajoute soudainement mutine. « J'aurais bien deux ou trois choses à proposer mais je ne suis pas certaine que ce soit bien raisonnable. » Son regard s'abaisse sur son torse puis sur l'ensemble de son corps. Il veut jouer le jeu de la provocation, il a trouvé là une Experte dans le domaine. La différence entre eux c'est qu'elle abandonne rarement en cours de route. C'est beaucoup plus simple lorsqu'on a plus rien à perdre.