J'ai vu le jour le 13 décembre 1992 dans une petite ville de Bulgarie prénommée Rousé. Une ville très belle, très chaleureuse et attachante mais une ville qui souffre d'une forte pauvreté ainsi qu'une baisse de la démographie. C'est d'ailleurs pour cette raison que je n'ai ni frères et sœurs. En effet, malgré le fait que ma mère m'aime de tout son cœur elle ne m'a jamais caché le fait que je n'étais pas désirée. Je suis arrivée au milieu d'un jeune couple ayant des projets pleins les yeux, rêvant d'immigrer aux États-Unis pour vivre ce fameux rêve américain. Dommage pour eux la petite Vera Sofia Marakova est arrivée un peu plus tôt que prévu. C'est donc avec beaucoup de difficultés que mes parents ont tenté de m'élever. Au départ nous ne manquions de rien puisque nous vivions dans un appartement modeste, mon père travaillait et ma mère restait à la maison pour me garder. J'avais cinq ans lorsque mon père se fait licencier de son petit boulot de livreur. Depuis ce jour, c'est une véritable descente aux enfers que ma famille et moi avons vécues. Le chômage n'existant pas en Bulgarie , nous avons dû nous résigner à nous nourrir grâce à l'aide d'associations, des voisins etc.. Nous avons aussi dû déménager pour un endroit plus petit. Je ne mangeais pas à ma faim, ma mère encore moins. Je devais me vêtir avec les vêtements des autres, ce qui veut dire des fringues trop grand pour moi , pas à la mode et de basse qualité. C'est donc naturellement que j'étais devenue une vraie paria à l'école c'est-à-dire qu'on me bousculait, qu'on se moquait par rapport à mon apparence. Donc en plus de devoir supporter une ambiance de merde à la maison , je devais aussi gérer les problèmes de l'école.
Un jour en rentrant de l'école , j'ai découvert ma mère en pleurs m'expliquant que papa était parti. Qu'il avait trouvé une « pute » à son boulot. Des mots rudes pour une enfant de seulement dix ans. Un père qui part lâchement, laissant une femme et un enfant sans véritablement de ressource. Comment ne pas se sentir coupable de cette situation ? C'est vrai qu'à ce moment-là je ne me remettais pas vraiment en cause. Mais avec du recule mon arrivée dans ce monde avait chamboulé leur destin. Enfin bref, depuis ma mère avait dû trouver un travail pour subvenir à nos besoins. Après l'abandon de mon père j'ai dû me forger une carapace pour pouvoir affronter ces épreuves. Mon comportement avait complètement changé puisque je ne me laissais plus faire du tout. C'est vrai que toutes ces années de moqueries avaient eu l'effet pervers de perdre toute confiance en moi. Mais je devais leur montrer même si c'était complètement faux que j'étais plus forte qu'eux. La moindre remarque de mes petits camarades me poussait à leur éclater la tronche. Ma mère s'en fichait complètement parce que j'avais des notes excellentes à l'école. Certes, je n'avais aucun ami mais je pouvais me targuer d'être la première de la classe. Je connaissais la pauvreté puisque je le vivais. C'est pour cette raison que je m'étais toutes mes chances dans l'école pour pouvoir espérer un jour avoir une vie meilleure.
À mes seize ans j'ai dû de nouveau changer d'école à cause de mon comportement. Je n'avais pas trop de mal a trouver un nouvel établissement grâce à mes bulletins scolaires impeccables. C'est aussi l'année où j'ai dû travailler avec ma mère en tant que serveuse pour améliorer nos conditions de vie merdique. À mes dix-huit ans, en rentrant de boulot je trouvais une nouvelle fois ma mère en larmes une lettre à la main avec cette fois-ci des larmes de joie. C'était une lettre de mon père qui nous demander de le rejoindre , il avait retrouvé une vie stable, loin de la misère et maintenant il nous voulait avec lui. Je tombais complètement à la renverse en comprenant les projets de ma mère. Certes, elle n'avait pas refait sa vie depuis le départ de mon père mais ce n'était pas une raison pour lui sauter aux bras lorsqu'il daignait nous envoyer une lettre après des années d’absences. Elle est partie le lendemain le rejoindre. Ça a été la plus longue nuit de toute ma vie. Depuis ce jour, je jonglais entre les cours, le boulot.
Deux ans plus tôt je fis la connaissance d'une fille en or : Amélia. On avait fait connaissance dans le bar dans lequel je travaillais. Elle était belle, chic , élégante mais elle était prostituée. Chaque jour nous discutions et chaque fois elle m'expliquait qu'elle se faisait des sommes d'argents pour seulement quelques heures de travail. Chaque jour elle me montrait ces nouveaux bijoux, ses nouveaux « hobbies »...tout en m'expliquant que je pouvais avoir la même chose qu'elle. Je sortais souvent avec elle puisqu'elle restait jusqu'à la fin de mon service. Mon cercle « d'amis » s'était élargi. Un jour, elle a vraiment réussi à me convaincre que c'était la meilleure solution pour moi. C'est comme cela que j'étais une prostituée, tout comme elle. C'était ma meilleure amie, nous nous fréquentions tous les jours , j'avais lâché mon travail pour me consacrer amplement à cela. L'argent que je me faisais en une nuit je le faisais à l'époque en un mois. Alors oui pour moi c'était la meilleure solution même si parfois je devais passer des nuits dehors pour pouvoir trouver un client. Certes, je prenais rarement du plaisir mais je m'en fichais complètement puisque je n'étais plus que passive lorsqu'il s'agissait de mon travail. J'ai fait la rencontre d'un homme assez fortuné qui m'a pris sous son ail. Il m'a offert tout ce que je voulais, m'emmener ou je voulais. Je restais avec lui parce que la vie était bien plus confortable avec lui et parce que j'avais appris à l'apprécier. De fil en aiguille je me suis mise à me droguer parce qu'il fallait que je m'intègre à son univers. Elle était loin la petite fille refermé sur elle-même, timide et sage. C'est vrai au plus profond de moi je n'avais toujours pas confiance en moi mais la drogue , la prostitution me faisait oublier la vie merdique que j'avais eu. Le seul homme que j'appréciais c'est cet homme affaire qui m'avait pris sous son aile. Mais en général mon expérience avec les hommes étaient chaotique. J'étais toujours tombée sur des merdeux de première qui n'ont jamais rien fait pour me valoriser. Finalement je devrais peut-être me dire que c'est moi le problème ? Peut-être que tout ce qu'on nous raconte sur l'amour dans les films et séries c'est des conneries !?
À mes 19 ans je décidais de quitter ce pays. Je me sentais étouffée par ce paysage, par mon entourage, par mon compagnon. Je quittais la Bulgarie pour les États-Unis. Le pays que mes parents voulaient conquérir. Un pays qui sera peut-être plus accueillant pour moi la Junkie , prostituée de Bulgarie ? J'ai intégré l'école la plus prestigieuse de toutes les États-Unis. Bien évidemment cela ne s'est pas fait d'un claquement de doigt. J'ai du travailler dur pour me trouver un toit , pour tenter de maîtriser cette addiction à la drogue. Pour cela j'ai dû faire les trottoirs , je ne savais plus faire que cela de toute façon. J'ai obtenu une bourse pour intégrer la section Histoire en option journalisme. L'Histoire a toujours été une matière qui m'a fascinée en même temps que le journalisme. Pour comprendre le monde d'aujourd'hui il est évident qu'il faut comprendre les erreurs du passées. Mon entrée à l'université d'Harvard a été la plus grande réussite de ma vie. Je n'avais jamais été aussi fière de moi. Bien évidemment le changement de pays fut rude et un vrai handicape pour mon travail de nuit. J'étais étrangère et donc j'ai dû revoir mes prix à la baisse dans un premier temps.
Mon adaptation fut lente mais je commençais à apprécier ce pays. Je commençais à avoir un contact avec des Américains à l'université sans leur parler de ma double vie. Personne ne connaissait mon secret sauf Hugo. Hugo est un jeune homme qui est passé à la caisse sans jamais m'avoir touché. En effet, je me souviens de cette nuit où il m'a tendu ses billets avec ce regard qu'aucun homme n'avait encore posé sur moi. Je m'étais un peu ouverte à lui cette nuit-là pensant véritablement que je n'allais plus jamais le revoir. Quelques semaines plus tard je le retrouvais sur le campus sans vraiment savoir comment me comporter avec lui. Parce que oui j'avais d'abord ressenti beaucoup de honte. Honte de devoir me justifier, honte qu'il puisse raconter cela à tout le campus et surtout la peur de me faire virer de la fac. Mais de fil en aiguille j'ai pu faire plus ample connaissance avec lui. Il sait beaucoup de choses de moi et moi je savais qu'il souffrait du Syndrome d'Asperger.Je m'étais même beaucoup trop attachée à lui comme je ne l'avais jamais éprouvé pour aucun homme. Un jeune homme un peu différent des autres qui essayait constamment de me faire comprendre que la prostitution était mal. En premier lieu ça ne se voyait pas mais c'était un jeune homme très réservé , doux et fragile...C'est plutôt moi qui devrait m'inquiéter pour lui non ? Hugo était vraiment attachant, trop attachant que je me demandais parfois s'il ne jouait pas un rôle. Je n'avais tellement pas confiance en moi et encore moins aux hommes qu'imaginer que quelque me veuille autant de bien était impossible. Pourtant je ne m'éloignais pas de lui puisque c'était l'unique personne que je connaissais le mieux dans ce pays.