Keran ADKINS ► kim taehyung

Il était une fois...

Tout commence par un couple des plus banaux. Ce type de personnes qui marchent main dans la main dans la rue, qui se chamaillent pour la télécommande. Une femme qui boude pour une prise de poids de trois cent grammes non remarquée, qui pleure pour une perte de poids de deux kilos ignorée. Un homme qui soupire à l'évocation d'une journée shopping, qui crie lorsque le match de baseball est troqué contre une série américaine des plus niaises. Un couple comme il en existe un million. Fous amoureux l'un de l'autre, vint le moment où ils décidèrent de procréer, de donner la vie pour inculquer leurs valeurs à une génération suivante. pourtant, les mots du médecin tombèrent , durs comme la roche. La fertilité de ce couple-là était inexistante. Alors, après les larmes et les supplications, les essais ratés, ils se firent une raison, se résignèrent, et adoptèrent un chien qu'ils gâtèrent comme s'il eut été un enfant. Finalement le plus heureux de ce préface, c'était peut-être Jarsey.

De l'autre côté de la Terre, dans un petit pays séparé en deux, le schéma trouvait son inverse. Une femme, un peu trop fertile mais surtout beaucoup trop jeune, n'avait pas supposé bon de prendre ses précautions. Qu'est-ce, après tout, qu'une fois dans une vie ? Une grossesse à quinze ans, ça n'est jamais bien accepté, et pourtant dans cette famille trop conventionnelle, l'avortement était proscrit. Après des cris, des pleurs, des tentatives de suicide ratées ; après neuf mois, un bébé maigre de faible constitution avait vu le jour dans un hôpital de la capitale coréenne. La jeune mère avait refusé de le voir, de le connaître, de le rencontrer même, aussi fut-il séparé d'une potentielle famille lors d'un accouchement sous X. Nommé Shim par la sage femme du même nom, mais pas prénommé par gêne de s'attacher à quelqu'un qui partirait sans doute bien jeune, le gamin fit une entrée dans le monde des plus malheureuses.

Et de cette façon, entre un couple sans enfant, et un enfant sans parents, le rapport fut vite établi. A l'étonnement de tous, et par cette chance que l'on appelle communément « être au bon endroit au bon moment », le nourrisson trouva famille chez les ADKINS lors d'un voyage en amoureux au pays du matin calme. Eux qui étaient arrivés à trois, repartirent à quatre. Et Dieu sait comment, dans sa tête canine, Jarsey a pu maudire cette chose qui venait de détourner toute l'attention que pouvaient lui porter les adultes. Ainsi commença concrètement l'histoire de KERAN, un seize mai 1996.

 

Mieux vaut être muet que de dire certaines choses. 

Keran n'avait pas honte d'être adopté. Après tout, il avait compris bien trop tôt pourquoi sa tête n'était pas la fusion des gènes du couple Adkins. De plus, ses parents ne lui ont jamais rien caché, sans doute par crainte de représailles futurs. L'asiatique n'a jamais eu à se plaindre ou à regretter le moindre détail de sa vie, de ces moments câlins à ces savons passés pour des bêtises évidentes. Aussi, il a grandit dans un milieu certes moyen mais appréciable, chaleureux, convivial. Les poils blancs de Jarsey qui apparaissaient au fil des jours témoignaient bien du soucis que lui causait le garçon, à tirer ses poils, tirer ses oreilles, le rendre chèvre.
Pourtant, au sein de la famille résidait un problème important. Le besoin presque obsessionnel de conserver la bonne ambiance, quitte à taire certaines choses. Hors, s'il y a une chose que Keran a appris de ses fréquentations, de l'école et d'autres moyens, c'était la franchise. Sa nécessité irrépressible de dire le fond de ses pensées, bon ou mauvais, lui a valut plusieurs réprimandes qu'il jugeait de trop. C'était puéril, et totalement idiot, mais plutôt que blesser les gens de sa langue jugée vénéneuse, le coréen a décidé de se taire à sa façon. Car mieux valait être muet que de dire certaines choses. Par ajout, de cette méthode atypique, il épargnait ainsi sa voix devenue rauque à des gens à l'ouïe trop fine, sa vérité aux mauvaises langues.

Nombre de médecins jugèrent tout d'abord ceci comme une maladie en prescrivant toutes sortes de tests. Lesquels bien évidemment échouèrent lamentablement puisqu'il n'était rien de tel. Finalement, les mois passèrent dans le silence des plus totaux, et tous baissèrent les bras petit à petit. Au début ça n'était qu'une résolution d'adolescent, mais il s'avéra que ce choix se révéla bien plus tactique finalement. Qui se tairait en présence d'un muet ? Keran savait tout sur tout, et vivait dans une franchise certaine. Et puis, il y avait aussi cette époque où tout était bon pour provoquer des parents qui n'avaient rien demandé.



 Le travail qui paye fait sourire.  

Travailleur dans l'âme, minutieux comme s'il y jouait sa vie, Keran réussissait toutes les épreuves haut la main et avec la fierté au fond des yeux. Meilleur élève de son école, remportant plusieurs prix littéraires ou artistiques, l'adolescent a visé plus haut que les étoiles cette fois-là, en demandant une école réputée pour la suite de ses études. La main tremblante en tenant l'enveloppe, il cherchait du soutient de la part de ses parents assis sur le fauteuil. Par crainte d'une réponse négative, pour repousser l'instant fatidique, plutôt qu'ouvrir aussitôt sur le pallier, il attrapa un couteau à la cuisine et déchira lentement le papier. Ses dents se plantèrent dans sa lèvre inférieure qu'il mordit nerveusement en extirpant le contenu, parcourant les lettres dansantes d'un regard sombre. Peu à peu, le coin de ses lèvres se souleva en un sourire léger, avant que sa bouche ne forme un de ces véritables sourires vainqueurs. Tournant la lettre vers ses parents dans l'attente, il arbora une moue complaisante. Mission harvard, check.
Dieu seul sait comment il a réussi une telle chose, un entretient particulier. Les rumeurs disent que, pour la première fois depuis longtemps, Keran a su ouvrir la bouche ; mais dans quel sens du terme ? Les rumeurs vont bon train à Harvard.

 

La fameuse to-do list. 

 La hanse de la valise dans une main, le garçon plongea l'autre dans sa poche pour en extirper son petit carnet. Il l'ouvrit à la bonne page après avoir maladroitement défait le petit cadenas, et porta son regard sur ses notes. Il se promit qu'avant la fin de ses études, tout serait coché, et il valait mieux pour certaines closes que ce soit bel et bien le cas.

(liste non exhaustive des souhaits de Keran à son entrée à Harvard. Il paraît aujourd'hui que si certaines cases ne sont pas cochées, c'est simplement parce que, deux ans après, il a perdu le carnet.)
☑ Entrer à Harvard
☑ S'installer
☐ Relever haut la main les premiers examens
☐ Faire une rave party
☐ Courir à long beach
☑ ☐ ☑ ☐ Ne plus être puceau
☐ Finir le croquis de la chimère
☑ Attraper les 150 pokémon de la version bleue
☐ Manger un grec
☐ Trouver un boulot
☑ reprendre sa vie à 0, parler à nouveau, communiquer.