but i'm a creep, i'm a weirdo (devyn)

Cela avait été une matinée bien remplie : en se levant, Meryl avait pris sa douche et avait filé à la salle de danse réservée aux étudiants de son cursus, bien décidée à pratiquer sa nouvelle chorégraphie, qu’elle devait montrer à son professeur la semaine suivante. Elle avait passé au moins deux bonnes heures à bouger devant les grands murs recouverts de miroirs tout aussi grands, observant son reflet lui faire face. Puis, elle avait décidé d’étudier à la bibliothèque où personne n’était heureusement venu la déranger pour telle ou telle babiole. Les gens aimaient tellement bavarder de tout et de rien, ils aimaient flâner et ne rien faire. Très peu pour la jeune femme, qui aimait bien occuper son temps libre. Finalement, midi avait sonné et elle avait décidé de s’acheter un sandwich au jambon et une bouteille de jus de pomme, qu’elle alla dévorer à l’extérieur, au Tercentenary Theatre, assise à même le sol, son sac posé près d’elle. Elle mangeait seule, ses écouteurs sur les oreilles, son iPod allumé, insouciante de ce qui pouvait bien se passer autour d’elle. Elle vivait dans son monde, un peu à part, perdue dans ses rêveries fantasques, ignorant qu’elle allait bientôt se faire déranger par un vieil ami.

Tu aimais ta bibliothèque chérie. Enfin, elle n'était pas à toi à proprement parler, mais vu le temps que tu passais à y travailler, c'était presque devenu ta deuxième maison. Tu aimais l'odeur des livres, l'ambiance presque ancienne des lieux, sa tranquillité aussi. Maintenant que les cours étaient terminés de ton côté, tu avais repris un rythme bien plus important de présence en ces lieux, histoire d'économiser le plus possible pour le Summer Camp. Tu ne voyais donc pas forcément beaucoup de personnes en ce moment, mais tu savais faire cela pour une bonne raison, ce qui du coup te rassurait un peu. Cependant, voir passer Meryl, peu de temps avant ta propre pause de midi, te donnait envie d'aller lui parler. Tu avais donc décidé de partir à sa recherche dès que tu le pus, après avoir acheté ton propre repas... sachant en plus de cela que tu avais une bonne nouvelle à lui annoncer. Après plusieurs longues minutes de recherche, tu finis par la repérer au niveau de Tercentenary Theatre, assise seule par terre. Tu décidas donc de te mettre devant elle, t’accroupissant pour mettre ton visage à son niveau, attendant qu'elle sorte de sa rêverie pour la saluer. Tu bossais dur tout à l'heure dis donc ! Cela te dit qu'on mange ensemble ? Tu n'attendis de toute façon pas sa réponse pour t'asseoir près d'elle, connaissant déjà sa réponse. Alors, comment vas-tu ?  

Concentrée sur la chanson qu’elle écoutait, la jeune femme ne réalisa pas qu’on s’approchait d’elle avant que ce « on » ne s’agenouille devant elle pour attirer son attention. Elle sursauta en écarquillant les yeux, ne s’attendant nullement à ce qu’on vienne lui parler ; habituellement, les gens lui fichaient la paix parce qu’ils n’aimaient pas traîner avec elle. Elle n’en faisait pas tout un cas, elle s’y était habituée au fil du temps, mais bon, elle était malgré cela contente d’avoir un peu de compagnie, surtout qu’elle venait de reconnaître le jeune homme. Elle enleva une oreillette de son oreille afin de pouvoir continuer à écouter sa musique en même temps et répondit à son ami : « Quand on veut atteindre l’excellence… » Elle n’acheva pas sa phrase, qui voulait tout dire. Parfois, elle se demandait si elle n’avait pas une part d’Eliot en elle, à toujours vouloir être la meilleure. Elle se contenta de sourire en le voyant prendre place près d’elle. Évidemment qu’il pouvait manger avec elle, ce n’était pas comme si une foule se battait pour pouvoir le faire. Mais c’était tout le même gentil de sa part de le lui demander. C’était ça qu’elle aimait chez les gens plus âgés qu’elle : ils n’étaient plus des gamins immatures qui se croyaient tout permis. Enfin, pour la plupart. Elle haussa les épaules à sa question. Allait-elle bien ? Oui, mais elle n’explosait pas de joie non plus, quoi. « Ça va, c’est la fin du trimestre, je bosse comme une folle comme tu peux t’en douter. Et toi alors, t’as fini les cours ? Ça fait un bail qu’on s’est vu. » Elle croqua dans son sandwich, encore affamée. À la voir, on pouvait presque croire qu’elle était sous-nourrie.

Tu te doutais que tu allais la surprendre : Meryl, elle était comme ça, toujours la tête dans la lune. Ses yeux agrandis par l'étonnement, tu lui laissas le temps de se reconnecter à la réalité et de te reconnaître au passage avant de prendre la parole. Ah, atteindre l'excellence... Même si ton ambition était relativement faible, tu voulais toi aussi atteindre ce but, même s'il était impossible. L'art était trop subjectif pour que tout le monde puisse accepter quelqu'un, sans aucune critique négative possible. Disons que tu allais chercher au maximum à t'en approcher, juste par satisfaction personnelle. En soi, tu te fichais pas mal de la gloire et tout ce qui l'accompagnait, tu voulais juste être bon dans ce que tu faisais. En tout cas, elle semblait bien sous pression pour atteindre cet objectif, la joie des fins de semestre en effet. Une chance que toi tu aies fini d'ailleurs, même si la conclusion de cette année n'était pas franchement joyeuse. Ouais, j'ai fini les cours et les examens depuis peu. Mais bon, j'ai trop raté mon premier semestre, je vais redoubler pour l'améliorer. Comme ça, je rattrape les matières ratées, j'ai du temps pour travailler à côté et trouver des auditions. Que de bons côtés donc. Enfin, tu avais quand même eu un peu de mal à te l'admettre malgré tout. Tu avais un parcours excellent depuis le début, et rate un semestre avait été dur à avaler... mais entre ton problème à la jambe à cause de cette fichue pièce dansée et tes problèmes plus personnels, tu n'avais pas vraiment pu livrer un travail professionnel correct. D'ailleurs, cela faisait même tellement longtemps que tu ne l'avais pas croisé qu'elle ne savait pas pour le départ de William... mais tu n'allais pas le lui balancer comme ça alors que tu tâchais de passer au-dessus de tout cela. Et sinon, j'ai une excellente nouvelle pour toi, ma chère bizute Lowell. Oui, ta nouvelle était dans ta phrase, vu que tu lui annonçais aussi que tu allais être son bizuteur pendant ses deux mois d'intégration aux violets. Ce n'était pas cool ça ?