(F) She is always in my mind

Belle. Sublime. Divine. Tu n'as jamais vue une telle beauté de toute ta vie. Un ange, un vrai. Comment est-ce possible? Tu l'as aperçue un soir, dans la rue, devant le garage que tu tiens, qui te sert aussi de maison. Tu l'as vue au travers de la fenêtre sale, illuminée par le seul lampadaire qui illumine la rue, dans l'obscurité de la nuit. Tu ne dormais pas encore, et pourtant il était tard. Tu avais travaillé longuement sur une voiture en mauvais état, qui méritait que l'on s'occupe d'elle un peu. Et comme tu allais verrouiller la porte d'entrée, c'est là que tu l'avais aperçue, dehors. Elle te tournait le dos, vêtue d'un étrange habillement. Des talons hauts, de longues jambes fines, musclées, divines, recouvertes par un mini-short en jean. Son chandail, dévoilant l'une de ses épaules, ne cachait même pas son nombril. Tu voyais un mince tissu sortir du derrière de son short. Ses cheveux, rien qu'à première vue, te semblaient délicieusement doux à toucher. Tu n'étais jamais senti de la sorte. Jamais. Toujours puceau, tu n'avais jamais éprouvé quelconque envie pour une femme, quelconque attirance spécifique. C'était sûrement dû à ta maladie, le syndrome d'Asperger. Pourtant, si tu en es atteint depuis toujours, il ne t'atteint pas autant que d'autres, et tu peux toujours vivre malgré tout, assez convenablement. Oh, elle était divine. Sans réfléchir, sans trop comprendre non plus pourquoi elle se trouvait dehors à cette heure, dans son accoutrement, tu décides de sortir dehors pour aller l'accoster. "Tu t'es perdue?" Naïf, le Hugo. Presque 27 ans, toujours puceau, et si naïf. Ne te rendais-tu pas compte que c'était une prostituée? Ses yeux pivotant vers toi, tu te perds dans ceux-ci, subjugué par tant de beauté. "T'as pas froid, comme ça?" C'était la fin de l'hiver, Mars 2014, tu t'en souviens. Elle te regarde de haut en bas et te fait un sourire en coin provocateur, que tu ne remarques pas vraiment. Enfin, tu ne comprends pas plutôt ce qu'il signifie. Elle s'approche alors de toi, faisant claquer ses talons au sol. "T'as envie de passer une nuit de folie, mon beau? Pour 100 billets, j'suis à toi toute la nuit." Tu fronces les sourcils, peu certain de ce qu'elle veut dire par là. Tu  regardes tout autour de vous, on aurait dit qu'il n'y avait que vous deux, dans cette bulle. Tes yeux se perdaient toujours dans les siens, descendant vers le décolleté plongeant qu'elle arborait. Tu n'avais jamais vu le corps d'une femme, aussi peu vêtu, d'aussi près.. "Euh.." Tu toussotes, rougissant. Tu lui fais un signe de tête vers ton chez-toi, ce piteux garage que tu vas devoir remettre sur pieds bientôt, quand t'en auras un peu plus les moyens. Y'a qu'une chambre, dedans, c'est la tienne, c'est ta maison. T'es à Harvard, elle aussi, mais vous ne le savez pas. Comme t'es Student, tu n'as aucune confrérie où vivre. "J'ai 100 billets en d'dans, tu viens?" Tu ne voulais pas qu'elle prenne froid dehors, comme ça.. Elle te suit, toute fière de se faire encore un peu d'argent, alors que la nuit n'avait pas été fructueuse du tout. Vous entrez chez toi, tu sors ton bocal, dans un coffre-fort que tu as pris soin d'installer en retrait, et t'en ressors 100 billets. Tu es loin d'être riche. Mais tu ne sais pas pourquoi, tu veux qu'elle ait ces cent billets. Tu veux qu'elle reste ici, pour la nuit, même si vous n'avez pas la même exacte vision des choses. À vrai dire, ce qui s'est passé cette nuit là est fort simple. Vous n'avez pas couché ensemble, puisqu'à l'heure actuelle, tu es toujours puceau. Tu lui as préparé un café, et quelque chose à manger. Vous avez discuté. De n'importe quoi. De tout et de rien. Au début provocante, elle s'est fait plus douce. Au début réticente sur ce que tu lui voulais, alors qu'elle voyait bien que ce n'était pas pour coucher avec toi, elle s'est ouverte à toi. Depuis, vous vous êtes recroisés à Harvard, par hasard. Elle paraissait honteuse, de te revoir. Toutefois, au fil des mois, un an plus tard, vous êtes devenus plus proches. Vera, qui sait bien que tu es atteint du Syndrome d'Asperger, a appris à gérer avec cette maladie qui ne t'atteint que légèrement. Et.. même si elle continue la prostitution, cachée de tous, au mieux, des étudiants d'Harvard (car elle serait renvoyée), elle a commencé à éprouvé des sentiments, pour toi. Et toi.. Toi, Hugo, toi qui ne parvient pas à comprendre les émotions des autres.. On aurait dit qu'il n'y qu'avec elle, que tu y parviens. Et ça te fait tout drôle. Si tu ne comprends pas, elle essaie de t'expliquer. Mais pas toujours. Car elle a peur d'être tombée sur un mauvais garçon qui fait semblait, encore. Mais tu n'es pas un mauvais garçon.. Et même si tu as du mal, tu vas le lui prouver. Car si c'est ambiguë, ça pourrait très bien aller plus loin, un jour.. Tu n'aimes pas qu'elle se prostitue, car tu te dis qu'elle mérite bien mieux que ça. Mais.. elle ne te croit pas. Elle ne veut pas te croire, du moins. Et ça, ça te fait mal. Mais tu vas la sortir de là.

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