Nashville, Tennesse, 2014
Allongée sur la banquette arrière de la vieille Dodge Dart décapotable de Cameron, les jambes délicatement reposées sur la portière, Jordan sentait son corps se consumer à la lueur du soleil. Le cuir brulant embrasait la douce peau de ses fines cuisses qui remuait au rythme des solos endiablés de One Way Out des Allman Brothers Band. Rien ne pouvait, à cet instant précis, plus la satisfaire que le vent qui entremêlait ses longs cheveux blond. Filant à toute allure vers l'ouest, elle n'avait plus aucune préoccupation. Les yeux fermés sur la perspective d'une nouvelle vie, elle souriait béate à l'idée de mettre dérrière elle toute ce drama obscure. Le grésillement de la radio se fit alors entendre quelques secondes pour s'arrêter sur le tube interplanétaire Black Betty des Ram Jam auquel c'était maintenant maladroitement superposé la voix de Cameron.
« Wohoh Black Betty, bam-a-lam ! WOHOH Black Betty, bam-a-lam ! »
Jordan ne put s'empêcher de pouffer laissant délicatement les violents rayons de soleil s'infiltrer aux travers de ses paupières. Elle ouvrit lentement les yeux et admira le ciel bleu dépourvu de nuage pendant de longues secondes. La jeune fille se releva quelque peu de son assise et aperçut la route désertique sur laquelle ils roulaient. Elle contempla alors les magnifiques mains de son amant tapoter sur le volant frénétiquement. Un sourire se dessina sur son visage et légèrement elle se hissa derrière lui. Taquine, elle glissa ses fines mains sur son torse robuste et posa son menton sur son épaule.
« Je t'ai réveillé ? » murmura-t-il contre sa peau. Elle resserra son étreinte et embrassa sa clavicule.
« Je ne dormais pas. » répondit-elle délicatement. Elle pouvait discerner d'après la plissure que prenait sa joue qu'un large sourire s'était installé au creux de ses lèvres.
« J'aurais pourtant juré t'avoir entendu crier mon nom pendant un de ces rêves, tu sais... » Elle sourit et souffla contre son épiderme bruni. Un silence paisible s'installa dans lequel elle se remémora ce qui l'avait fait atterrir ici, aux côtés de celui contre qui elle serrait son corps à cet instant même. Elle chercha son regard dans le rétro-viseur de l'auto.
« Viens donc devant » lui dit-il croisant ses grands yeux bleus dans le miroir. Elle fixa quelques secondes ses pupilles pour les laisser s'échapper sur le long boulevard et s'exécuta, elle enjamba la banquette avant et vint se blottir dans les bras de son bien-aimé. C'était à l'intérieur de sa solide étreinte qu'elle se sentait le plus en sécurité.
« Est-ce que tu as peur ? » demanda-t-il quittant la route des yeux un instant et passant son bras autours d'elle. Elle laissa aller son visage sur ses pectoraux tandis qu'elle encerclait sa taille.
« De quoi est-ce que j'aurais peur ? » Elle savait parfaitement bien de quoi elle aurait pus avoir peur, mais elle ne voulait pas y penser, la décision qu'elle avait prise était la bonne, elle le savait. Il tourna la tête vers elle préoccupé.
« Je ne sais pas, tu a quitter tout le monde là-bas... » Elle n'avait vraiment pas envie de parler de ça, elle se voulait sereine et pour ça, il fallait tout simplement qu'elle oublie ce qu'il c'était passé. les adieux qu'elle n'avait pas fait en partant, les souvenirs qu'elle souhaitait effacé. Tout.
« Je suis simplement fatigué. »
et elle ferma les yeux en se replongeant une dernière fois malgré elle sur ce qu'avait été sa vie.
BACK IN TIME.
Je m'appelle Jordan Sixteen Wixson et pour vous éclairer je vais revenir quelque peu sur ma vie. Je suis née un soir d'été de mille neuf cent quatre vingt treize dans une banlieue modeste de Nashville à l'est de la ville où se mêlait communauté hispanique et natif rustre du conté. La vie là-bas c'était les bars, le country et la chasse pour les anciens et plus ou moins la même chose pour nous les jeunes, mis à part la chasse peut-être, une tradition qui se perdait un peu au fil du temps et ce n'était pas plus mal finalement. Mes parents étaient des natifs, mon père Isaac travaillait comme pompiste dans la seule station essence du quartier, une vieille battisse qui n'avait toujours pas vu de rénovation à ce jour et ma mère Jayleen était une chanteuse qui avait préféré privilégier une éventuelle carrière à sa vie de femme au foyer. Elle s'était barrée alors que je n'avais que trois ans, nous laissant mon père, mon frère et moi dans la maison familiale. Une vielle ferme qui elle aussi aurait bien mérité un rafraîchissement mais qui restait tel quel, le salaire de mon père passant dans la boisson et les quelques factures qu'on avait à payer, il était impossible d'envisager ne serait-ce que de refaire le proche défranchie. Elle avait un certain charme cela-dit, c'était une maison d'époque. Lorsque quelque chose n'allait pas ; un problème de tableau électrique ou une fuite au plafond et que mon frère et moi traitions ce taudis de tout le noms, mon père nous rappelais qu'elle avait appartenu à son père et à son grand père avant lui et qu'il fallait respecter l'héritage qu'ils nous avait laissé. Ça me faisait toujours rire, je ne les avait pas connu mais je ne les imaginait pas laisser une maison dans un tel état car à cet allure là, notre héritage à nous menaçait de s'écrouler à tout instant. Mon père était un homme bon, j'avais de merveilleux souvenir de lui étant gamine mais le départ de ma mère l'avait détruit et il n'avais jamais su relever la tête. Il passait donc ces soirées au bar à boire pour oublier. Mon frère et moi l'accompagnions la plupart du temps et on était loin d'être les seuls enfants présent un soir de semaine à deux heure du matin. On avait donc était élevé la-dedans et en revenant en arrière, ce n'était pas si mal. Les habitués du quartier étaient vite devenu familier et notre nombre d'oncle avait triplé en quelques années. On était plutôt dorloté finalement et on apprenait ce qu'ils appelaient « les choses de la vie ». Mon frère apprenait à boire une bière cul-sec à treize ans et provoqua sa première bagarre de comptoir à quatorze, bagarre qu'il remporta haut la main, ce qui lui fit gagner le mérite des ancêtres de ce bar miteux. Mon père était fière d'avoir « un homme, un vrai » comme progéniture et se vantait à qui voulait bien l'entendre que son fils était déjà une légende. Moi, j'avais vite trouvé ma place de l'autre côté du comptoir où Will le patron m'apprenait à servir à la texane et à manier la bouteille comme personne. Adolescente, il avait commencé à me payer quelques dollars par soir, mais ce n'est réellement qu'à mes seize que j'étais devenu indispensable pour lui. Je n'étais pas farouche, timide ni même discrète, j'avais été élevée à la testostérone et j'avais vite compris comment me débrouiller dans ce monde de macho sans pitié.
Ce bar était devenu ma maison et je campais derrière ce comptoir quasiment nuit et jour. Les vieux alcooliques de ce tacot bavaient sur mon décolleté insolent et je me faisait un malin plaisir à me dandiner sur le comptoir pour avoir quelques billets en plus à la fin de la soirée. J'étais rapidement devenu une attraction et la côte de popularité s'était vu accroître considérablement en quelques mois à peine.
C'est à ce moment précis que je l'avais rencontré lui, Graham, mon premier amour. J'avais eu quelques histoires, était sortit avec quelques amis de mon frère sans son réel consentement, mais je n'avais jamais connu d'histoire comme celle ci. C'était compliqué à expliquer. Je l'avais dans la peau. Lui et sa petite bande avait commencé à venir un soir puis ne s'était jamais arrêté. J'avais croisé son regard un soir où je faisais mon show habituelle et j'avais sût à cette instant précis que quelque chose d'incroyable allait m'arriver. Très vite, Graham, toute la bande et moi étions devenu les nouveau pilier du bar. La petite bande de jeune qui se voulait grand. C'était un compte de fée. Les années insouciantes, on se la collait tout les soirs, on riait, chantait, on se foutait de tout ce qu'il pouvait y avoir autours. On était entre nous et on était bien.
Lilly, une fille de la bande plutôt discrète mais avec qui je m'étais de suite entendu était rapidement devenu mon point de repère quand il n'était pas là et très vite on était devenu toute les deux inséparable. On avait deux profiles drastiquement opposé. Elle était la fille du maire, venait de décrocher une bourse pour se barrer de ce trou à rat et profitait simplement de ces derniers instants avec ses amis d'enfance. Elle était connu pour son tempérament réfléchit et adulte dans le quartier et moi et bien... Je n'étais que la serveuse de ce pub miteux à la réputation merdique qui n'avait aucun avenir. Pourtant, cet été là, on ne s'était pas quitté. Je ne savais pas bien pourquoi mais à cette époque j'avais eu l'envie d’emmener Lilly dans mon monde, de lui faire découvrir une autre facette d'elle même, de la poussé au-delà de ses limites, elle avait beaucoup traîner au bar avec moi, avait commencé à s'habiller autrement. Ce que moi je percevais comme un épanouissement, d'autre le voyait comme de la dépravation et le maire et sa femme avaient bien vite donné leurs avis quant aux fréquentations de leur fille. Ils y étaient bien sur opposé. Lilly ne les écouta pas et continua de passer son temps avec moi.
Un soir, Jay, un ancien pote de mon frère avec qui j'étais sortit nous avait proposé d'aller à une soirée. On avait cette envie de vivre au jour le jour, ce mec là était connu pour être quelque peu douteux et ses fréquentations d'autant plus, mais on avait peur de rien, on se sentait invincible. On était donc partit pour cette soirée en tenu équivoque sans réfléchir. Arrivé sur les lieux, on s'était retrouvées dans un maison miséreuse quasiment abandonné, un squate peut-être on ne savait plus trop. Des dizaines de personnes étaient présente et pourtant l'atmosphère était dérangeante. D'un côté des mecs tentaient de se passer de gros élastique autours des bras, une seringue à la main, de l'autre des couples semblaient s'échanger sur un fond de musique psychédélique. On nous dévisagea, lorgna. On s'était installé sur un sofa crasseux et on était venu nous accoster aussi sec, sans prendre de pincette, on nous remontait les jupes, nous lançait des remarques obscène. J’avais eus l'envie urgente d’appeler Graham à la rescousse. J'étais donc sortit quelque secondes pour l’appeler et dix minutes plus tard, il se pointait devant la maison. Il était descendu de l'auto et s'était dirigé vers moi agressif, avait alors commencé notre toute première dispute. Il m'avait reproché d'être venu ici. Il n'avait pas comprit pourquoi j'avais eu besoin de faire ce genre de chose, d'aller dans ce genre d'endroit, d'être avec de pareil personnes. Son ton était menaçant et j'avais eu comme l'impression qu'il allait mettre fin à notre histoire. Je me souviens ne plus arrivé à penser, je ne pouvais plus m'imaginer sans lui. J'avais alors éclaté en sanglot et l'avait supplier de me ramener chez lui, au calme. Je lui avait promis de ne jamais recommencer et jurer de ne plus jamais le contrarier. On était monté dans la voiture et on était partit. Ce n'est qu'a ce moment là qu j'avais repensé à Lilly que j'avais laissé à la soirée seule. Je lui avait envoyé un message rapidement en lui demandant si je devais demander à mon frère de passer la chercher, je n'avais jamais eu de réponse. J'en avait donc conclu qu'elle avait finit par se faire des amis là-bas. J'avais dormi dans le bras de Graham en essayant d'oublier notre dispute.
Le lendemain j'avais essayer de joindre Lilly par tout les moyens mais je n'avais jamais eu de réponses. J'avais donc frappé à la porte de chez elle, ses parents m'avaient ouvert et avait commencé à m’incendier en me demandant ce que j'avais bien put lui faire. J'avais demandé à la voir mais ils m'avaient répondu qu'elle ne le voulait pas. Je ne comprenais pas, je l'avais laisser seule certes, et je m'en voulais pour ça mais j'avais essayé de trouver un moyen pour la ramener... Pendant des semaines j'avais essayé de la joindre mais rien, elle n'avait jamais retourné les appels. Dans la bande personne ne la voyait non plus et les rares qui l'avaient vu, ne l'avait pas reconnu tant elle avait maigri et changé. La vie reprit quelques peu son court sans que je ne puisse enlever cette inquiétude de mon esprit.
Jusqu’à ce jour fatidique. Mon portable avait sonné et l'écriture m'avait indiqué que c'était Graham. Au bout du téléphone un respiration saccadée, puis la nouvelle. Elle était partit. Elle avait mit fin à ses jours en laissant un mot expliquant son geste. Cette fameuse soirée à laquelle on avait été ensemble, cette fameuse soirée à laquelle je l'avait laissé, préférant rentré avec Graham plutôt que de rester avec mon amie. Cette soirée avait provoqué son geste. Elle avait expliqué dans cette lettre que plusieurs de ces connards avaient abusé d'elle et qu'elle ne pouvait plus vivre avec ça. Lilly avait toujours voulu se préserver et on l'avait violée. J'avais sombré dans une rage et une colère incommensurable puis la peine et la culpabilité avait commencé petit à petit à me ronger. C'était de ma faute, si je ne l'avais pas laissé là-bas, si seulement je ne l'avais pas abandonné comme une malpropre. Elle aurait encore été en vie avec moi. Tout le monde avait finit par se tourner contre moi en me jetant la pierre. Je n'avais pas pu les blâmer, c'était de ma faute après tout.
Seule une personne ne m'avait pas tourné le dos, Graham. Pourtant je n'avais pas put, je n'avais pas pu retourner auprès de lui. Je ne pouvait tout simplement plus regarder tout ces gens en face. Je m'étais alors éloignée pendant plusieurs mois en tentant de faire abstraction de tout ça. J'avais rencontré Cameron et avait décidé sur un coup de tête de partir rejoindre mon demi-frère à Cambridge. Avec les économies que j'avais fait avec le bar, j'avais eu de quoi vivre pendant quelques mois. J'avais ensuite décidé sur place de faire un prêt et de recommencer tout à zéro et m'inscrire à Harvard sur ses conseils. Je voulais une autre vie, plus rangé, plus construite. Je ne voulais plus être cette personne qui provoquait la mort. Je voulais me racheter une bonne conduite et tout ça j'avais décidé de le faire ici à Cambridge.