« i'll tell you all about it when i see you again » feat. warren

L’été commençait à se faire sentir sur le campus de Harvard et je comptais bien en profiter. J’avais tellement hâte que la chaleur arrive, pour que je puisse sortir de chez moi, m’isoler et profiter simplement de la nature. D’ici là, j’allais juste prendre l’air dehors, avec mes livres. Ce n’était pas si mal non plus, puisque j’étais assez en retard dans mes lectures. Ça faisait deux jours que je n’avais pas pu aller en cours, ayant trop mal. Je souffrais bien sûr physiquement, mais aussi mentalement. J’avais profité de quelques jours, voir semaines, de repos suite à mon séjour à l’hôpital, mais voilà que c’était recommencé de plus bel.

Même si je n’avais eu qu’un cours tôt dans la journée, j’étais donc restée en après-midi à l’université. Je m’étais installée dans le parc, assise dans l’herbe et lisant depuis déjà des heures, annotant parfois des pages. Je commençais à être un peu fatiguée, enfin c’était surtout mes yeux qui en avaient marre de lire alors je laissai mon livre sur mes cuisses et regardai les gens autour de moi. Avec le soleil qui plombait aujourd’hui, plusieurs étudiants avaient fait comme moi et c’étaient empressés après leur cours de venir dehors. Je les regardai rapidement avant d’arrêter mon regard sur un jeune homme qui m’intrigua directement. Il me disait quelque chose, comme si on se connaissait, mais pourtant, je n’avais aucune idée d’où ni de quand je l’avais déjà vu. Je le fixai donc longtemps, me creusant la tête pour tenter de m’en souvenir.

Sur ton petit nuage depuis quelques jours, tu n'avais pas touché à une goutte d'alcool, alors que ce n'est pas la tentation qui te manquait. Heureux, tu planais dans ton monde à toi depuis un moment, et c'était très bien comme ça. Olive te manquait, mais beaucoup moins. T'arrivais à ne plus y penser, à ne pas te torturer l'esprit avec ça. Avec elle. Et puis y'avait Zoya. Oh. Et Marloes.. Belle, divine Marloes. Tu ne savais plus où mettre de la tête, et pourtant tu te sentais si cruel de porter ton coeur vers deux sublimes jeunes femmes. Si seulement tu savais ce qui t'attendait avec l'une d'entre elles, prochainement.. Tu n'en penserais pas la même chose, certainement. Le soleil de cette fabuleuse journée t'attirait irrévocablement vers l'extérieur. N'ayant qu'un cours aujourd'hui, t'en avais profité pour passer la journée dehors, à ne faire absolument rien. Pourquoi s'entêter à faire quelque chose, quand on pouvait enfin se reposer un peu? Bronzant un moment, sur ton portable l'autre temps, tu t'évadais l'esprit pour profiter d'un moment de calme, jusqu'à ce que tu décides de te dégourdir un peu les jambes et de marcher, de te fondre dans le petit tas de personnes qui avaient eu la même brillante idée que toi, en cette journée ensoleillée et chaude d'annonciation de l'été. Tout est beau, tout est calme, jusqu'à ce que tu rencontres le regard perçant et intrigué d'une demoiselle que tu n'as vue que quelques fois, mais que tu ne reconnais que trop bien. Alice. Cette fille que tu as rescapée d'une mort assurée, si tu n'étais pas arrivé pour la sauver à temps. Alice, saine et sauve, en vie, juste devant toi. Tu l'avais vue à l'hôpital, et maintenant tu la voyais là, en vrai. Elle te regardait intensément. Te reconnaissait-elle? Tu t'approches d'elle d'un pas lent, hésitant. Est-ce déplacé de l'aborder. Quelque peu nerveux, arrivé à sa hauteur, ta main se perd sur ta nuque. "Salut, euh... ça va?" Elle te prendrait certainement pour un con et t'enverrait bouler. C'était clair, quoi.

Ma tête reconnaissait ce visage, mais pourtant, elle ne l’associait à aucun contexte ou conversation. C’était réellement étrange. Peut-être cela était du au fait que ça remontait à des années, à mon arrivée aux États-Unis. Toutefois, j’avais généralement une bonne mémoire et j’arrivais à replacer les gens, même si je ne me souvenais pas nécessairement de leur prénom. Cette fois-ci, ce n’était pas le cas, et ça me troublait. J’essayais de trouver où je l’avais déjà vu et au final, je préférai me dire que c’était peut-être à la télévision ou dans un journal. Lorsque je le vis se diriger vers moi, je baissai immédiatement le regard. C’était mal de fixer les gens comme ça, mais je n’y avais pas fais attention, totalement perdue dans mes pensées. Il devait sûrement rentrer, sûrement pas venir vers moi. On ne me remarque pas, on ne me parle pas et je fais tout pour généralement, j’y arrivais plutôt bien d’ailleurs. J’avais mes quelques amis ici et je ne cherchais pas plus. De toute façon, je n’avais jamais aimé être le centre de l’attention. J’essayai donc de me reconcentrer de nouveau sur mon livre qui était posé sur mes cuisses, sans succès. Ce jeune homme m’avait réellement troublé, et je ne savais pourquoi. Si je n’avais pas été autant timide, je serais directement allée lui demander, toutefois ce n’était aucunement mon genre. C’est alors que j’entendis une voix m’interpeler. Cette voix également me disait quelque chose, et me sonnait très réconfortante, pour une raison mystérieuse. Je levai donc mon regard pour voir devant moi ce même jeune homme que j’observais auparavant. Il devait me trouver carrément bizarre. « Bonjour, mh oui oui ça va, et vous? » Pourquoi m’abordait-il aussi simplement? Les mecs n’en avaient généralement rien à faire de moi. De un parce que j’étais timide, de deux parce que je portais la bague aux doigts. Je commençai d’ailleurs à jouer nerveusement avec mes doigts avant de reprendre la parole. « Nous nous connaissons? Enfin vous… me dites quelque chose. » Si la réponse est non, il me prendrait encore plus une folle. Décidemment, je devrais apprendre à rester concentrée dans mes livres, ne pas fixer les gens et ne pas trop poser de questions.

En t'approchant de la demoiselle à laquelle tu as spécialement envie de parler afin de prendre de ses nouvelles, tu remarques inévitablement qu'elle baisse les yeux vers ses cuisses. Une fois de temps en temps, elle relève le regard, tentant toutefois de se voiler, de passer inaperçue, en vain. Tu remarques aisément ce genre de détails, surtout que l'aborder est ton but premier, dans l'heure actuelle. Bonjour, mh oui oui ça va, et vous? » À l'entente de sa réponse, tu sens une certaine nervosité grimper en flèche en toi. Elle va te prendre pour un fou, c'est clair ; elle ne te reconnaît aucunement, ce qui te fait légèrement paniquer. Est-ce volontaire, ou pas? Est-ce que son accident l'a mise dans les vapes au point de lui faire oublier même son sauveur? Enfin, tu ne te considérais pas comme un héros, mais tu avais fait la bonne chose, et heureusement que t'avais été là. Comme on dit... le destin fait que tu peux être là au mauvais endroit, comme au bon, et au mauvais moment, comme au bon moment.. Tu souris légèrement, comme pour la rassurer de tes bonnes intentions, te passant une main au niveau de la nuque. "Oh, oui ça va." Tu souris, tout de même rassuré d'entendre que de son côté, ça allait. Tu ne remarques rien d'inhabituel, sinon que sa timidité. Et.. tu peux me tutoyer. J'fais si vieux que ça?, demandes-tu, un sourire en coin accroché sur le visage. « Nous nous connaissons? Enfin vous… me dites quelque chose. » Lui faisant face, tu réalises finalement que ouais... enfin non, elle ne te reconnaît pas, mais pas du tout. Tant pis, tu feras les présentations, gentiment, et au bon rythme. Oui.. enfin, on s'est croisé une fois. Ou plutôt dirais-je quelques fois. Tu ne me reconnais pas du tout, alors? C'est tout de même toi qui l'avait transportée hors de tout danger, alors qu'elle était frigorifiée, et alors que t'aurais pu toi-même y laisser ta vie, pour appeler les secours..

Ce garçon me rendait déjà nerveuse et pourtant, me semblait si familier. Je me détestais de ne pas être capable de le replacer. Je n’avais pas l’habitude d’oublier les gens et le garçon qui était devant moi semblait me connaitre. Je n’étais que très rarement saoule, je ne sortais peu, je ne fumais pas, alors je ne voyais pas comment on aurait pu être proche sans que je le reconnaisse immédiatement, à moins qu’il ait recouru à la chirurgie, ce qui est plutôt rare. J’avais voulu me faire disparaitre, afin qu’il m’oublie et passe à côté de moi, mais cela n’avait pas fonctionné. Pourtant, j’avais toujours réussi avec les années à réussir à devenir invisible, par je ne sais quel moyen. Je me renfermais et, cachée derrière mes longs cheveux, on faisait comme si je n’existais pas, ce qui me plaisait au final. Malheureusement, je ne pouvais faire cela avec lui. Il était posé devant moi et ne semblait pas désirer partir, mais plutôt entretenir une conversation. J’aurais pu prétexter le début d’un cours pour y aller, mais j’étais également curieuse de savoir d’où il provenait. Je lui souris simplement lorsqu’il me répondit que lui aussi, ça allait. Je ne savais pas quoi d’autre lui dire, après tout, ce n’était pas moi qui l’avait approché. Heureusement, il reprit rapidement la parole, mais il me mit un peu mal à l’aise. Je ne le trouvais pas vieux bien sûr, il devait avoir environ mon âge et était plutôt pas mal, mais j’avais toujours été comme ça, à vouvoyer les gens. « Non je, bien sûr que non! Vous ne faites pas vieux, mais je préfère… » J’haussai ensuite les épaules, ne sachant pas quoi ajouter. Je ne le connaissais pas personnellement et c’était dans un sens une marque de respect pour moi. Toutefois, je ne voulais pas l’insulter ou quoi que ce soit, alors je verrais sa réaction les prochaines fois. Je devenais de plus en plus mal à l’aise avec ses paroles, je me sentais un peu mal d’ailleurs. Je ramenai mes jambes contre moi, comme pour me protéger. Je ne voulais pas non plus le blesser à lui dire que je n’étais pas capable de le replacer, alors que celui-ci semblait réellement me connaitre. « Je suis vraiment désolée, mais non pas vraiment… votre visage me rappelle quelque chose, je ne saurais dire où… J’essayais à présent de le replacer. Le pauvre, il me connaissait, alors que moi non. Toutefois, il me mettait dans un drôle d’état, et je ne savais pourquoi. Peut-être que s’il me disait tout simplement, cela m’éclairait bien plus.

Tu regrettais presque de t'être approché d'elle pour l'aborder. N'aurais-tu pas pu lui laisser un peu plus de temps? Peut-être ne s'était-elle toujours pas remise de son accident, sur le lac.. Elle avait tout de même frôlé la mort, quoi. N'aurais-tu pas pu lui envoyer un message anonyme, ou bien pas anonyme du tout, pour t'annoncer, pour te présenter tout du moins, pour lui dire que bah quoi, c'est toi qui l'avait sauvée de la mort, de l'hypothermie et que tu avais veillé sur elle quelques temps à l'hôpital, et que tu aimerais bien voir comment elle va aujourd'hui, tout ça.. Mais tu en avais fait autrement, préférant la spontanéité, dès que tu l'avais aperçue, assise là, seule. Tu t'étais tout de suite dit que tu devais absolument aller la voir, cette fille. « Non je, bien sûr que non! Vous ne faites pas vieux, mais je préfère… » Hochant la tête, tu tiens les quelques bouquins de cours que tu traînes avec toi sous ton bras, les resserrant contre toi pour ne pas qu'ils s'échappent et tombent. Comme vous voulez, alors.., fais-tu, commençant à la vouvoyer, sentant que c'est peut-être ce qu'elle préfère, par respect et politesse. Tu lui souris pourtant toujours, comme pour lui assurer qu'il n'y a pas à avoir peur de toi, ou à se méfier. « Je suis vraiment désolée, mais non pas vraiment… votre visage me rappelle quelque chose, je ne saurais dire où… Te taire, ou bien lui dire la vérité, comme ça? Tu n'aimais pas provoquer pour provoquer, et pourtant là, tu ressentais qu'il était nécessaire de lui dire qui tu étais et pourquoi, ou plutôt comment tu la connaissais. Tu fronces les sourcils légèrement, t'approchant un peu d'elle, lentement. L'accident. Si vous vous êtes retrouvée à l'hôpital, saine et sauve, c'est parce que c'est moi qui vous ai sortie de l'eau, et j'ai appelé les secours.. Ça va mieux, maintenant?

Je sentais que je frustrais le jeune homme qui était devant moi. Je n’étais de base pas la personne la plus extravertie et sociale au monde, alors les gens qui m’interpellent comme ça, j’ai de la difficulté. Lorsque je ne les connais pas, je ne peux pas faire comme si on était amis depuis des années, et les traiter de la sorte. J’avais appris à être polie et respectueuse, c’est la seule raison que je le vouvoyais. Plusieurs jeunes, enfin étudiants de l’université n’appréciaient pas. Pourtant, nous étions tous des adultes à présent, alors je ne voyais pas ce qui clochait. Enfin, il faut dire que plusieurs ne sont pas encore sortis de leur adolescence, on ne vit pas tous la même chose. Je fus heureuse lorsqu’il se résigna à m’imiter. Je ne l’obligeais pas à faire comme moi, mais j’appréciais. Sa réaction me mit un peu plus à l’aise, même si j’étais toujours troublée par le fait qu’ils disent qu’on se connait. Je me sentais stupide et totalement perdue, mais heureuse qu’il reprenne rapidement la parole, sinon j’aurais pu encore passer des minutes à chercher dans ma tête d’où il provenait. Je me figeai complètement lorsqu’il m’expliqua que c’était lui qui m’avait sorti de l’eau. Les images me revenaient en tête et c’était comme si j’y étais. J’étais étendue sur la glace, si froide que mon corps ne pouvait plus bouger. J’étais pourtant consciente, à moitié. Je ne sais combien de temps je passai comme ça, mais cela me sembla une éternité. Je pensais même être morte pendant un moment, n’entendant et ne sentant rien. Pourtant, on vain me sauver. Un homme, un jeune homme oui, m’avait pris dans ses bras. Après cela, je m’étais réveillée à l’hôpital. Voilà donc où j’avais vu ce visage. Toutefois, avec tous les médicaments que j’avais alors eu, c’était vraiment flou. « Oh je-oui je me souviens! Mon mari m’a parlé de vous, mais mon souvenir n’est pas très clair… » Bien sûr qu’il m’avait parlé de ce fameux jeune homme, dont je ne connaissais même pas le prénom. Il voulait savoir si je le connaissais, si on était proche et tout. Je ne savais même pas comment j’avais réellement fait pour finir dans une telle situation alors encore moins comment j’avais fais pour m’en sortir. J’avais été chanceuse, enfin je suppose, de l’avoir. Il m’avait sauvé d’une mort certaine, même si je ne cesse de me demander si au final, ce n’était pas ce que je désirais. « Ça va mieux, je me suis remise de cela depuis, merci beaucoup… Et vous alors? Ça n’a pas du être si facile! » À mon souvenir de l’endroit et de l’état de la glace, c’était plutôt dangereux de s’y aventurer, alors encore plus si elle est déjà cassée, avec un corps quasiment inanimé dans les bras. Ce jeune homme était vraiment courageux et je m’en voulais à présent d’avoir été si distante avec lui.