Partenaire particulier cherche partenaire particulière

Le coup d'envoi du bal n'allait pas tarder à être donner. L'horloge de sa chambre indiquait qu'il lui restait un peu moins d'une heure pour finir de se préparer et se rendre au point de rendez-vous qu'ils s'étaient fixé, avec Anya, afin de se rendre ensemble à la soirée. Debout face au miroir, Austin ajusta sa cravate. Contrairement à d'autres qui avaient attendu ce grand soir avec impatience et qui s'étaient empressés d'acheter une tenue pour l'occasion avant de passer des heures à se préparer, Bundy, lui n'avait pas eu à s'encombrer d'excitation ou de préparatifs inutiles. Habitué aux cérémonies et autres galas de charités d'ampleur équivalente à celle du bal de fin d'année, il disposait déjà de tout l'attirail du parfait cavalier ainsi que des trucs et astuces pour se rendre impeccablement présentable en un temps record. Ce soir là, son choix s'était porté sur un costume trois pièces hors de prix offert par sa mère pour il-ne-se-souvenait-plus-quelle-occasion. Qu'importe, de toute façon ? Cette soirée, aussi plate et superficielle que les autres, ne serait que l'énième répétition d'une comédie qu'il connaissait déjà par cœur. Blasé avant même d'y être, il referma la porte de la confrérie derrière lui et s'avança de son pas révérencieux jusqu'au chemin de ronde. La seule note positive qu'il voyait à cette soirée résidait dans le fait qu'il était parvenu à s'y rendre en compagnie d'une cavalière dont il était certain qu'elle ne le saoulerait pas. Qu'elle soit froide, distante ou prédisposée à commérer avec lui à propos des autres convives, il n'imaginait pas Anya lui tenant le bras ainsi que la jambe tout en le harcelant pour faire des choses qu'il n'aurait pas envie. Et comme dieu seul savait ce que les Cabots avaient bien pu réserver à la population étudiante pour célébrer cette fin d'année, il se féliciter d'avoir au moins cette certitude là.

Sur le chemin qui menait au bâtiment dans lequel avait lieu le bal, des dizaines de couples et de groupes d'amis se pressaient dans la joie et la bonne humeur. On sentait clairement que la soirée s'annonçait festive. Austin, pour sa part et fidèle à lui-même, n'affichait aucun signe d'enjouement quelconque jusqu'à ce qu'un claquement de porte sur sa droite capte son attention et l'informe qu'une personne qu'il connaissait bien venait de sortir de la confrérie des Dunster devant laquelle il était précisément en train de passer. Instantanément, un petit sourire de biais étira ses lèvres. En quelques enjambées d'amplitude plus larges que les précédentes, il parvint à rejoindre Jordann avant qu'elle ne le sème et cala son pas sur le sien tout en se penchant à son oreille pour lui murmurer un « En route pour le bal Jordann ? Habillée comme ça, on croirait plutôt que c'est à une soirée libertine que tu te rends ... » aussi provocateur que mensonger. Drapée dans sa magnifique robe rouge à dos nu, elle était bien évidemment d'une beauté à couper le souffle, mais il ne voyait pas l'intérêt de le lui avouer d'entrée de jeu. Insinuer qu'elle aillait parfaitement bien dans le rôle de la pute de luxe ou de l'escort girl mondaine, en revanche, lui paraissait beaucoup plus adapté à la vilaine manie qu'il avait de toujours chercher à la titiller, sans trop savoir pourquoi, d'ailleurs.

Comme l’histoire de Cendrillon, avec les douze coups de minuit, là, c’était du pareil au même, avec l’heure du bal de fin d’année. Et les douze coups de minuit s’étaient alors transformés en plusieurs heures de préparation, des jours à chasser le cavalier, pour finalement ne passer que quelques heures dont on ignorait ce qu’il allait advenir de cette soirée. Néanmoins, tous les élèves étaient dans le même bain, sauf certains qui se pensaient bien meilleurs et supérieurs pour y consacrer autant d’énergie. Jordann, quant à elle, faisait partie de ces gens qui se trouvaient juste en équilibre entre les deux. Elle avait tout de même préparée ses examens, et trouvé un cavalier sur le chemin, son meilleur ami, Tyler, histoire de faire bonne figure tous les deux. Pour ce qui était de la tenue, elle l’avait déjà depuis des lustres. Il n’y avait donc que les heures de préparation qui lui avaient pris du temps. Une après-midi presque, en compagnie de sa meilleure amie, Maïa, avec qui elle avait pris du bon temps tout en s’habillant, se pouponnant, etc. Elles s’étaient ainsi raconter les derniers potins, et Jordann s’était surprise à prendre du recul sur sa relation avec monsieur couche-toi-là, William. Il avait beau être sa relation libre, elle y était tout de même attachée, pour on ne sait quelle raison finalement, car à part le sexe entre eux, rien ne les reliaient. Enfin, préférant ne pas y penser, et essayer de se faire une idée de la soirée qu’elle allait passer, la dunster fit claquer la porte du pavillon pour se rendre à ce moment tant attendu de tous.

Elle était ainsi vêtue de sa robe rouge dos-nu, dont juste de simples ficelles croisaient dans son dos. Un simple gilet noir, léger, recouvrait les autres parties de son corps à découvert. Courageuse mais pas téméraire, il était hors de question pour elle d’attraper froid. Ce soir, c’était un soir hors du commun, comme chaque année, elle s’y devait de passer un bon moment, histoire de bien finir l’année, et de bien débuter la prochaine. Elle marchait ainsi sur le sentier, à l’aise dans ses talons, d’un pas mi-lent, mi-rapide. Pourtant, très vite, des pas venaient à se caler sur les siens. Quelqu’un était derrière elle, certes, mais à peine eut-elle le temps d’y réfléchir qu’on lui susurra « En route pour le bal Jordann ? Habillée comme ça, on croirait plutôt que c'est à une soirée libertine que tu te rends ... » La dunster ne put de s’empêcher de sursauter, bien qu’elle avait entendu ces pas derrière elle, elle ne s’était pas du tout attendu à ce qu’on l’interpelle, et encore moins au creux des oreilles. Il l’avait finalement rattrapée et marchait maintenant à ses côtés. C’était Austin… ce mec qui la faisait tourner en bourrique sans cesse. Ce mec qui lui plaisait autant qu’il la rebutait. Soupir. Jordann avait repris des battements de cœurs plutôt normaux, quoique toujours excitée de parvenir à cette soirée. « Salut Austin. » lâcha-t-elle finalement, à contre cœur, malgré elle. Bien évidemment, il n’avait pas hésité de prendre la perche qui lui était tendue pour lui glisser une petite pique. Une soirée libertine, et puis quoi encore ? Décidément, il avait le don de l’énerver. Elle le dévisagea de haut en bas, pour identifier sa tenue. Il était vêtu d’un costume trois pièces. Il était, en effet, admirablement séduisant habillé ainsi. La dunster déglutit avant d’ajouter quoi que ce soit. « Laisse-moi deviner, c’est ta tenue pour le bal ? Un costume à cinq milles dollars ? » l’interrogea-t-elle, un sourire malicieux sur les lèvres. Voyons s’il arrivait à lire entre les lignes. « Il vaudrait mieux pour toi de pas le tâcher… » C’était simple, il lui posait le moindre soucis, elle n’allait certainement pas s’empêcher de lui en faire baver. Ce soir, elle avait envie de passer simplement une bonne soirée. Et pas de Austin pour la gâcher.

« Salut Austin. » Là où d'autres se seraient sûrement vexés d'entendre la lassitude dans la voix de la jeune femme, Austin, lui, en tira une certaine satisfaction. Sa flèche n'avait pas manqué la cible, une phrase à peine et voilà qu'il l'agaçait déjà. « Laisse-moi deviner, c’est ta tenue pour le bal ? Un costume à cinq milles dollars ? » L'air de supériorité que se donna Austin en guise de réponse tendait à laisser croire que ledit costume valait peut-être même plus cher que ça, mais il se targuait d'être suffisamment raffiné pour ne pas l'affirmer de vive voix. Laissons le ridicule de la vantardise aux grossiers personnages pensa-t-il. « Il vaudrait mieux pour toi de pas le tâcher … » En signe d'étonnement presque amusé, les sourcils d'Austin s'arquèrent tandis qu'il dépassait Jordann et tournait le dos à la route pour faire face à la jeune femme, avançant de ce fait à reculons. « Tu fais dans la menace maintenant ? » S'empressa-t-il de rebondir avec insolence. « Ca fait très mauvais genre chez une fille. » Ajouta-t-il. « En plus, ça ne te va pas du tout. Tu n'espères sincèrement pas me faire peur quand même ... » En la détaillant de haut en bas, il se donnait des airs de suffisance absolue et en avait conscience, ce qui ne l'incita pas pour autant à rectifier le tire. En réalité, il préférait passer pour un abominable prétentieux plutôt que d'avouer que si elle ne lui faisait pas peur, c'était avant tout parce qu'il ne concevait pas une seule seconde qu'elle puisse se montrer dangereuse envers lui, avec ses adorables boucles blondes et ses yeux de biche. En ça, il était effectivement idiot, car preuve avait plus d'une fois été faite que Jordann savait se montrer garce, mais ses sourires avaient comme le don d'effacer les crasses de la mémoire d'Austin pour chaque fois le faire revenir à son point de départ et chaque fois le faire retomber dans le même petit jeu absurde, le même cercle vicieux. A croire que sa capacité à apprendre de ses erreur, très aiguisée en temps normal, était perpétuellement court-circuitée par les interventions de la Dunster et que le désir de réitéré était plus fort que l'agacement qui découlait généralement de ce genre de confrontation, jamais bien méchantes au début, mais souvent beaucoup plus incisives vers la fin. Qu'à cela ne tienne, peut-être fallait-il y voir plus que cela, peut-être fallait-il y voir un certain plaisir. Maso, probablement, mais un plaisir quand même.

Et bien qu’intérieurement, Jordann s’en serait mise la main à couper, il lui montrait sans hésitation un air de supériorité, lui laissant croire que finalement les cinq milles dollars étaient bien loin d’être le prix de son costume. C’était sans nul doute le double, voir le triple. La dunster haussa des épaules, elle s’en tamponnait plus que de raison que son costume pouvait coûter les yeux de la tête à une personne de classe moyenne. Bien qu’elle ne put s’empêcher de lui lancer une petite vanne. Elle avait visé presque juste, au vu de son étonnement. Mais son rire amusé suivait, et lui fit froncer les sourcils. Il l’avait finalement irrité, en à peine quelques phrases, et bien plus par ses expressions. Et pour couronner le tout, alors qu’elle se contentait d’avancer, d’un pas un peu plus rapide, il lui barrait la route, se plantant devant elle. Soupir. « Tu fais dans la menace maintenant ? Ça fait très mauvais genre chez une fille. En plus, ça ne te va pas du tout. Tu n'espères sincèrement pas me faire peur quand même ... » Plus qu’agacée, et surtout désarmée Jordann s’était arrêtée à son tour, contre son gré. Il lui avait balancé ça à une telle vitesse qu’elle n’avait pu rebondir sur aucune de ses phrases. Ces mots qui sortaient d’une si jolie bouche la laissait néanmoins perplexe quant à ses sentiments intérieurs. Il la toisait, de haut en bas. Et de plus belle, Jordann haussa des épaules, balayant le paysage du regard, cherchant un moyen de s’évader de son emprise invisible. « Je te préviens juste, si tu tentes de gâcher ma soirée ne serait-ce qu’un instant, … » avait-elle commencé avant de s’arrêter en plein milieu de sa phrase. Elle se remémorait ses dernières paroles. Elle ne lui faisait pas peur ? De toute façon, en avait-elle réellement l’intention ? C’était juste une pique, elle était juste sur la défensive. Bien sûr que non elle n’était pas assez bête pour lui ruiner un costume aussi cher, mais elle n’était non plus si intelligente pour le laisser parler et s’en aller. Non, au lieu de cela, elle rétorquait, et revenait comme une vraie masochiste. C’était dingue. Il la rendait complètement dingue, jusqu’à faire ressortir ses mauvais côtés, ceux dont elle voulait se séparer à tout prix. Peut-être que lui lancer des piques n’était pas la bonne méthode, peut-être que rentrer dans son jeu n’allait jamais le calmer. Soupir. Il y avait peut-être un autre moyen… Jordann s’avança, jusqu’à ce que quelques centimètres la sépare d’Austin. Elle posa une main sur son épaule, et de l’autre attrapa son avant-bras, sans le serrer, juste pour le toucher. « Où est passé le mec galant que tu étais ? » murmura-t-elle. Elle savait très bien de quoi il parlait, elle en était certaine. Aussi, elle n’hésita pas à raccourcir la distance qui les séparaient pour ajouter de nouveau, au cas où il n’avait pas saisi, au cas où elle ne s’était pas montrée suffisamment explicite pour lui. « Tu sais, le soir où tu m’as invité à danser… » finit-elle, toujours sur ce ton aussi doux. Prononçant ces derniers mots, elle s’écarta de lui, relâchant toute prise, mais en profitant pour humer son parfum. Dieu qu’il sentait bon, au point qu’elle regrettait presque de l’avoir relâché.

« Je te préviens juste, si tu tentes de gâcher ma soirée ne serait-ce qu’un instant … » S'il n'estima pas nécessaire de répondre à la mise en garde de la jeune femme, Austin ne manqua cependant pas de la gratifier d'un regard sensé lui faire comprendre qu'elle n'était effectivement pas à l'abri qu'il revienne à la charge. Bien trop fier pour le lui avouer de vive voix, il ne pouvait pourtant pas se mentir à lui-même et savait pertinemment que la tentation serait grande de retourner l'embêter si d'aventure il était amené à la recroiser durant le bal. Tout ceci avait beau l'agacer, il était trop faible pour cesser de souffler sur les braises de l'espèce de conflit permanent qui l'opposait à Jordann. L'indifférence était probablement la seule chose qu'il ne se sentait pas capable de lui offrir ... Et la preuve en fut de nouveau faite lorsqu'elle se rapprocha de lui, le prenant de cours alors qu'il s'attendait à la voir sur la défensive durant tout le temps que durerait leur marche jusqu'à la salle de bal. Pour la première fois de la soirée, il cilla et regarda d'un air interdit la main qu'elle était venue poser sur son épaule. « Où est passé le mec galant que tu étais ? » Tandis qu'elle se rapprochait encore un peu plus, Austin reporta son attention sur le visage de Jordann. Un visage aussi adorable que détestable en cet instant, car il se doutait bien de la phrase qu'elle était sur le point d'articuler et qu'il aurait préféré ne pas entendre. « Tu sais, le soir où tu m’as invité à danser … ». Pincé, il refoula la vague de sentiments contradictoires nés de ce rappel à l'ordre. L'important ici, se dit-il, était de ne surtout pas perdre la face et de ne surtout pas laisser deviner à Jordann que ses propos le blessaient d'une quelconque manière de que ce soit, même s'il avait bien du mal à se l'avouer à lui-même. « Je devais m'ennuyer ce soir là, c'est sûrement pour ça que je t'ai invité. » Rétorqua-t-il, dans une stratégie d'autodéfense impossible à contrôler, même s'il savait qu'elle risquait de mal le prendre, même s'il savait que rien de ce qu'il disait n'était vrai.

En fait, s'il s'était effectivement ennuyé ledit soir de leur première danse, ce sentiment de lassitude s'était envolé à l'instant même où la blonde avait accepté son invitation et il avait été le premier surpris de passer un si bon moment en sa compagnie. Seulement, les jours ayant suivi cette première rencontre avaient joué contre lui dans le sens où il avait fini par se rendre compte que c'était son image de parfait gentleman, voire presque de prince charmant, qui avait plu à la jeune femme. Or, il était le premier à savoir que cette impression qu'il donnait de lui-même n'était pas en parfaite adéquation avec ce qu'il était réellement. Et si le fait qu'on l'apprécie pour ce qu'il semblait être ne le dérangeait pas particulièrement en temps normal (il se plaisait à croire qu'il s'agissait là d'un effet de manipulation du paraître rondement mené et que ceux assez bêtes pour tomber dans le panneau n'étaient que des pions à utiliser sans scrupules), il avait ressenti de l'agacement à l'idée que ce puisse être le cas pour la jeune femme dont il avait espéré ... plus ? Sans savoir pourquoi, sans savoir l'expliquer, il détestait l'idée qu'elle le préfère en mode Bundy-bien-comme-il-faut plus qu'en simple Austin, tel qu'il était réellement. Et plus il y avait pensé, plus il s'était énervé contre lui-même car son bon sens n'avait cessé de lui répéter qu'il était le seul responsable de cette situation, que c'était lui l'idiot qui jouait un double jeu et que Jordann n'était qu'une victime des apparences s'étant basée sur ce qu'il reflétait pour se faire un jugement. En bref, il avait tellement ruminé dans son coin que la mauvaise foi avait fini par l'emporter en lui faisant conclure que, plutôt que d'être de sa faute, tout était de celle de Jordann car s'il ne l'avait jamais rencontré, jamais il ne se serait autant pris la tête pour chercher à comprendre pourquoi elle provoquait en lui ce raz de marrée de questions sans réponses. Par ailleurs, il en était arrivé à la conclusion absurde que ce qu'il reprochait le plus à la jeune femme était de ne pas réussir à deviner la personne qui se cachait sous ses apparences, comme tenue en laisse par trop de responsabilités à honorer, alors qu'il était clairement irréaliste de croire qu'une inconnue puisse deviner ce genre de chose en si peu de temps. Mais comme il refusait de croire que c'était ses espérances qui étaient irréalistes, il préférait se dire que c'était Jordann qui n'était pas à la hauteur.

D'où l'art de savoir se mettre le doigt dans l’œil jusqu'au coude ...