Elise S. De Chatelney ► elsa hosk

J’en ai marre. Pourtant j’aime ce monde fait de strass et de paillettes mais j’en ai marre. Je sature. J’ai envie de retrouver un rythme plus ou moins normal. Je suis fatiguée. Je n’ai plus envie de voyager aux quatre coins du monde. Je veux juste me poser quelque part et avoir la vie banale d’une nana banale de vingt-trois ans. Je ne supporte plus qu’on me dise ce que je dois faire, ce que je dois porter, ce que je dois manger. J’ai envie de prendre mes propres décisions. Je veux vivre et faire ce que bon me semble. Je n’ai plus envie d’être une marionnette qui doit sourire pour faire croire que tout va bien. Je veux récupérer ce qui m’appartient. Je veux recommencer à zéro. J’arrête tout.

Ne croyez pas que ce fut une décision facile à prendre. Mon agent est encore en train de me harceler de mails, de messages vocaux et de textos à l’heure où je vous parle. Il ne cesse de me répéter qu’il a perdu son meilleur élément et que sans moi il n’est rien. Le pauvre. Il me fait penser à ces accros aux jeux qui misent sur un cheval, chaque semaine, en espérant rafler le jackpot. Il finira par s’en remettre. Il va en trouver une plus belle que moi au détour d’une rue et séchera ses larmes pour amener son nouveau poulain dans les plus beaux endroits de la planète. Il va la faire rêver pendant quelques années et elle partira à son tour. Il pleurera encore puis à nouveau va tomber sur une autre jeune fille encore plus belle que moi, encore plus belle que celle qui m’a succédé. Nous ne sommes que des morceaux de viandes sur le marché du mannequinat. Des filles il y en a des tonnes. Bien plus que vous ne pouvez-vous l’imaginer. Ce n’est pas mon départ qui va changer quelque chose. Ils s’en remettront tous. De toute façon j’ai bien mieux à faire maintenant. Nouveau départ, nouvelle vie. Je quitte la France et la grande maison de papa pour prendre la direction des Etats-Unis, de Cambridge plus précisément. Je reprends mes études de médecine dans la plus prestigieuse des universités du monde entier. Harvard. Ce nom me fait rêver depuis que je suis gamine. C’est maman qui doit être fière depuis là-haut. Je suis certaine qu’elle a grincé des dents il y a trois ans quand j’ai tout arrêté pour devenir l’une des plus belles femmes du monde. Elle a toujours dit que mon côté superficiel allait finir par me perdre. Elle n’a jamais eu tort. C’est peut-être pour ça que j’ai tout arrêté, pour lui prouver qu’au final elle avait tort. Je ne suis pas qu’une grande blonde écervelée. Je serais médecin et je pourrais sauver des vies. Pas comme le type qui n’a pas pu la sauver à elle. Maman me manque. J’avais envie qu’elle soit là lors de mon premier chagrin d’amour. J’ai envie qu’elle soit là maintenant pour me dire que je fais le bon choix. Plus tard j’aurais envie qu’elle soit là pour voir que j’ai réussi et que je suis une femme comblée. Pourtant elle ne sera plus jamais là. Papa est l’homme de ma vie mais il ne pourra jamais la remplacer. Malgré notre complicité il manque toujours en lui ce petit côté féminin qui fait que j’ai envie de pleurer dans ses bras pour un type. Il est un peu froid papa. Imaginez si j’étais venu m’effondrer devant lui lorsque j’ai trouvé Marc dans le même lit qu’une pauvre idiote trop grosse et trop moche. Non, n’imaginez pas en fait car il aurait très certainement prit son fusil spécial chasse aux lapins pour aller l’assassiner. Il ne veut pas qu’on fasse de mal à sa princesse et Marc m’en a fait énormément. J’ai encore envie de serrer mes mains autour de son cou et de l’étrangler jusqu’à ce qu’il crève. Cette histoire m’a tué. Je voulais juste mourir, partir le plus loin possible. Pourtant je suis restée tellement bête au début quand je l’ai vu sous la couette avec une autre. Le pire c’est qu’il n’a même pas essayé de se faire pardonner. Enfin si. Disons plutôt qu’il n’a pas insisté pour se faire pardonner. J’en viens même à me demander s’il m’a un jour aimé. Pourtant il n’a pas cessé de le répéter pendant plusieurs mois d’affilés. Comme une idiote j’ai cru à ses belles paroles. Je suis trop naïve. Ça aussi maman elle me l’a souvent dit. Je me demande bien ce qu’elle aurait fait à ma place si elle avait trouvé papa dans le pieu avec une autre femme. Elle avait un fort caractère. Je suis certaine qu’elle aurait essayé de lui couper les testicules avec une hache. Malheureusement je ne suis pas aussi forte qu’elle sur ce point. Je suis beaucoup plus gentille. Je me contente de regarder partir les gens tout en pleurant toutes les larmes de mon corps. C’est ce que j’ai fait avec Marc. C’est dingue quand même. Après trois ans je n’arrive toujours pas à l’insulter alors qu’il m’a trompé. Je ne peux pas m’empêcher de l’appeler par son prénom. Vous croyez que j’ai encore des sentiments pour lui ? Peut-être. Vous pensez qu’il lui arrive de se remémorer nos moments ensemble ? Je l’espère. Je sais que notre histoire ne peut pas se terminer comme ça. Nous étions trop fusionnels pour ça. J’ai envie de retrouver cette vieille complicité qu’il y avait entre lui et moi. J’ai envie de revoir son sourire. J’ai envie de sentir son odeur à nouveau. J’ai envie qu’il me fasse retomber dans ses bras. J’ai envie de lui. …

C’est peut-être étrange mais je sens que mon histoire est loin de se terminer ici. Mon séjour à Cambridge, long ou court, ne sera pas de tout repos.