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If no one is standing beside you,
be still and know I am
Inutile de dire qu'il n'avait pas quitté Amalric en revenant de la visite chez ses parents. Le Prince devait vraiment s'en vouloir pour ce qu'il avait fait car Mallory le trouvait de plus en plus gentil avec lui. Il avait plus souvent des caresses discrètes sur le bras, le droit de prendre sa main dans la rue ou même des baisers quand personne ne pouvait voir. Le rouquin n'arrêtait pas de se demander si c'était inconscient ou volontaire. Si c'était volontaire, il aurait bien tenté de pousser ses mouvements un peu plus loin. S'aventurer plus bas. Juste sous la ceinture là où sa langue avait tant de talent. Seulement, si Amalric était – comme Mallory commençait à l'espérer – en train de tomber doucement amoureux de lui, il ne fallait pas le brusquer.
C'était une de ces matinées où les deux jeunes hommes s'étaient réveillés de bonne humeur car ils n'avaient pas cours. Tellement de bonne humeur que le rouquin avait suggéré de faire des pancakes et que son compagnon avait émis l'idée d'une salade de fruits en accompagnement. Un vrai petit-déjeuner de luxe. Le Bellwether venait d'ajouter le lait dans la préparation quand son cellulaire se mit à sonner. Après avoir vérifié l'afficheur, il fut ravi de constater qu'il s'agissait d'un de ses frères. « Hey, Eli ! Attend, je suis en train de cuisiner là alors je te mets sur haut-parleur. » Mallory pianota sur son téléphone à l'écran cassé et parvint à switcher. « C'est bon ! Alors, qu'est-ce que tu racontes ? Ça va ? » A l'instant où la voix de son frère ne lui répondit pas immédiatement, il sut que la réponse à sa dernière question était non. Se figeant avec le fouet et le saladier en mains, il fixa l'appareil d'un regard inquiet. « Eli ? » Ses yeux se plongèrent quelques secondes dans ceux d'Amalric, installé au comptoir juste à coté, qui avait arrêté de couper les fruits en cube pour leur dessert. « ELIJAH ! » La voix de son frère lui parvint enfin, brisée par des sanglots retenus avec grand peine. « Mabeeeeeel... Je ne sais pas quoi faiiiiire... Aide-moi. Ils ont tué Henry... » Mallory lâcha le saladier de pâte à pancake qui tomba sur le sol, éclaboussant le bas du mobilier, pour le plus grand plaisir de Jett qui se fit un devoir de tout nettoyer. Il attrapa le téléphone sans pour autant couper le haut-parleur. « Quoi ?! Elijah ! Tu es sûr ? Qui a fait ça ? Merde, mais pourquoi ?! » Son frère mit du temps à calmer ses larmes suffisamment pour pouvoir répondre. « Je les ai vu, Mabel. On... On était devant la maison tous les deux et... et.... C'était les mexicains. Ils ont baissé la vitre,y en a un qui m'a regardé et qui a dit 'Tu passeras le bonjour à Tommy de notre part'. Et un autre a descendu Henry. Ju-juste comme ça... » Des larmes silencieuses roulaient sur les joues de Mallory sans qu'il s'en soit aperçu, figé dans l'horreur du moment. Thomas avait du s'embrouiller avec un gang en prison et ses frères à l'extérieur en payait le prix. Incapable de tenir sur ses jambes plus longtemps, il se laissa glisser sur le sol. « Où est Henry maintenant ? » « Hein ? Bin il est là, par terre... Oh, merde, il s'est pris la balle en pleine tête, Mal'... » Réalisant que la fusillade venait juste d'arriver, Mallory se ressaisit un peu. « Quoi ?! Mais... Bon, écoute-moi, Eli. Tu prends tout l'argent qui se trouve planquer dans la baraque et tu vas aller chercher Bray, Mickey et Fin à l'école. Tu entends ? Tu vas les chercher et tu loues une chambre dans un hôtel chic du centre-ville, d'accord ? Je m'en fous que ça te coûte tout ce que tu as, ok ? Je te trouverai du fric. L'important, c'est que les mexicains ne puissent pas vous retrouver. Quand vous êtes dans la chambre, vous n'en sortez pas jusqu'à ce que je frappe à la porte, ok ? Tu m'enverras le nom de l'hôtel et le numéro de la chambre par sms. » « Non, Mabel, je ne veux pas laisser Henry tout seul... » « Elijah, fucking listen to me ! C'est un ordre. Je vais appeler les secours pour dire qu'il y a eu une fusillade. Toi, tu prends le fric et tu vas chercher nos frangins, ok ? J'ai besoin que tu fasses ce que je te dis. Et n'appelle pas Tommy. Ce con est capable d'essayer de se venger sur ses co-détenus et si quelqu'un doit le descendre, je te jure que ce sera moi. » Il entendit son frère renifler. « Tu as compris ? » « Oui. » « Bien. On se voit dans quelques heures. J'attends ton message avec les infos. » Mallory raccrocha et composa immédiatement le 911. Quand un opérateur décrocha, il dit simplement : « Il y a eu une fusillade devant le 2058 W 69th Pl. Chicago, Illinois 60636. Un garçon est à terre. Henry Bellwether, 16 ans. Venez vite. » Puis il mit fin à la conversation.
Les secondes qui suivirent furent étrangement silencieuses. Quand Jett eut fini de lécher tout le plat, il vint voir pourquoi son nouveau maître était par terre et ce dernier en profita pour l'attirer dans ses bras pour l'enlacer étroitement dans le but de se consoler un peu. Comme à chaque fois qu'il sentait que Mallory avait besoin de sa présence, l'intelligent animal supporta l'étreinte sans bouger, tournant juste la tête vers Amalric comme s'il voulait lui dire quelque chose. Ayant regagner suffisamment de force pour pouvoir se relever, le jeune homme lâcha le chien et se dirigea jusqu'à l'armoire pour fourrer son paquet de cigarettes et ses comprimés de méthadone dans son sac de cours vide avant d'ajouter un t-shirt et son autre jeans (tout aussi troué que celui qu'il portait à l'heure actuelle). Il prit aussi son seul pull pour l'ajouter à son paquetage alors que ses doigts composaient un numéro que sa mémoire parfaite n'arrivait hélas à oublier. Celui de sa mère. Il parla très vite pour ne pas la laisser s'exprimer : « Un de tes fils vient de se faire descendre dans l'allée devant la maison. Si t'en as quelque chose à foutre, rentre immédiatement pour attendre l'ambulance avec lui. Et ne contacte pas les autres. Je m'en charge. Comme toujours. » Il essuya ses joues humides du revers de la main et jeta le sac sur son dos avant de fourrer le téléphone au fond de sa poche pour se diriger vers la porte d'entrée. Marquant une pause, la main sur la poignée, Mallory n'osa pas jeter un regard vers Amalric tandis qu'il lui glissait : « Je dois aller à Chicago, je... Prend soin de toi ! » Et il sortit comme un coup de vent, dévalant l'escalier quatre à quatre en essayant de ne surtout pas penser que ça pouvait très bien être la dernière fois qu'ils se voyaient si les choses tournaient trop mal chez lui.
Amalric avait entendu la conversation, il savait donc ce qui s'était passé. Mallory devait rejoindre une des sorties de la ville le plus rapidement possible et trouver un camion qui voudrait bien le prendre en stop. Parfois, il avait de la chance. Parfois, il lui fallait attendre plusieurs heures et il tombait sur un vieux dégoûtant qui demandait une contrepartie qu'on pouvait imaginer. Aujourd'hui, pacte ou pas pacte, Mallory aurait été prêt à tout faire tant qu'on l'amenait le plus vite possible à Chicago, auprès de ses frères terrifiés.
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