Helena A. Reilly ►Alexandra Sasha Burimova

Moi, née un certain 10 novembre 1993 avec un frère jumeau. Je n'ai jamais manqué de rien, j'ai toujours été chéri. Des cadeaux, toujours des cadeaux, toujours ce que je souhaitais. J'ai toujours été un peu la princesse de la famille. La seule fille des Reilly. Faut dire qu'entre Marshall et Samson, j'étais la plus calme. Les deux ? Ils n'arrêtaient jamais de se disputer avec mon père qui dictait leurs vies. Oui, notre père dictait notre vie, c'était un fait, et les deux n'acceptaient pas. Surtout Marshall d'ailleurs. Il n'a plus eu un seul contact avec lui depuis qu'il m'a obligé à entrer en droit. Ouais, il m'a obligé pour que je reprenne l'affaire familiale. Bah oui, Marshall lui a dit merde en lui claquant la porte au nez et Samson, il le considère comme un raté, un looser alors que c'est tout le contraire. Je suis donc la malheureuse héritière de tous ces problèmes. Moi, je ne suis pas comme Marshall, je ne sais pas dire merde, je ne sais pas dire non. Ni à ma mère et encore moins à mon père. J'ai peur de lui, mais tellement peur que je vais toujours dans son sens. A chaque fois que je fais un semblant de discours qui va à l'envers de sa pensée, il me fixe sournoisement en se craquant les doigts. J'ai peur qu'il me frappe, qu'il me tape jusqu'à ce que je succombe. Je suis faible physiquement, mais aussi moralement face à la lui. Avec mon père, je n'ai jamais eu l'âme de le contredire et de m'imposer. Parfois j'ai juste envie de crier qu'il aille se faire foutre, mais je ne fais rien, je reste là, les mains tremblantes. Je le sais très bien que je suis misérable face à lui, mais heureusement Marshall est là. Il a toujours l'art de me faire rire quand il voit que le moral n'y est pas et que j'ai juste envie de laisser tomber. Comme si je pouvais laisser tomber. Mon père ne me laisserait jamais faire une chose pareil. Il fallait juste que je lutte pour rester la petite fille parfaite que j'étais. Fidèle à moi-même, je gardais tout pour moi, quitte à exploser un jour ou l'autre.


« C'est une fille ! Mais..mais attendez, je..ce n'est pas possible, il y a un deuxième bébé, un garçon ! Bravo, vous êtes les parents de deux magnifiques bébés ! »
Je rigolais, encore et toujours en entendant l'histoire de Marshall. En fait, je rigolais tout le temps en entendant que mon jumeau Samson n'était apparemment pas prévu. A chaque fois je me tordais de rire en imaginant la scène. Mais Samson, lui, il ne rigolait jamais. Il faisait toujours la gueule en regardant sa montre ou en soupirant. Lui, il détestait cette histoire, à chaque fois que l'on abordait le sujet, il se mettait à grimacer et à ronchonner, comme s'il n'avait pas envie de l'entendre. Toute façon, Samson, c'est le roi pour faire la gueule et instaurer un climat tendu, avec en prime sa mauvaise humeur perpétuelle. Qu'est-ce qu'il m'énerve quand il fait ça ! Il pourrait prendre la vie comme elle vient comme le fait Marshall, il pourrait rire, se détendre, passer du temps avec moi, mais non. Il fait sans cesse une fixette sur moi, sur ce que je dis de Marshall. Qu'est-ce qu'on s'en fou de Marshall sérieux ! Il ne comprend pas qu'il reste mon jumeau envers et contre tout ? Il ne comprend pas qu'il est ma moitié, que sans lui je ne serais strictement rien ? Il ne comprend donc pas que Marshall est un exemple pour moi, et que je ne le sous-estimerais en aucun cas ? Non, bien sûr, il ne comprend pas, ce serait trop facile. Il passe le plus clair de son temps à maronner et à me critiquer sur ma façon d'être avec mon autre frère. Je ne vais pas le cacher, Marshall je l'adore, même plus que ça, il veille sur moi, il est là pour moi, il passe du temps avec moi, il m'a toujours conseillé dans mes choix difficiles. Samson lui, dès que je prononce le prénom Marshall, il se recroqueville dans son coin et ne dit rien. Je laisse le temps passer, j'essaie de faire des efforts, mais il y a des jours ou j'arrête. Même si je donne toute l'énergie que je veux, j'arrête. J'arrête parce que Samson s'éloigne de plus en plus de moi, alors que Marshall est toujours là. Cependant je garde mon poste de jumelle en restant là pour lui quoiqu'il arrive. Ma devise a toujours été de faire passer la famille avant tout, dans les bons comme dans les mauvais moments. Avec Samson on avait souvent des mauvais moments en fait. Il n'y avait que de rares fois ou l'on était complice, et ça, putain que ça me manquait. Mon jumeau me manquait.



C'était toujours et encore des problèmes familiaux que j'avais. Entre l'autorité de mon père, les disputes de mes frères, la jalousie de Samson, j'essayais tant bien que mal de faire la passerelle pour rapprocher mes frères. J'étais un peu volage au niveau de mes études, je n'y attachais pas d'importance, avant de prendre conscience qu'il fallait que je me bouge pour réussir. Pour moi, mais aussi pour mes frères. Je voulais rentrer dans une école d'art. J'adorais l'art, l'art avec un grand A. J'aimais l'art à l'envers, à l'endroit, en haut, en bas, je vivais de ça. Je passais mon temps à lire des revues culturelles, à faire de la photographie, de la peinture, de l'architecture, à aller au musée, scruter les moindres expositions, j'avais tout testé. J'avais clairement une fibre artistique en moi et tout le monde l'avait vu. Tout le monde sauf le père, enfin disons qu'il avait décidé de ne pas la voir. Il savait parfaitement que je ne voulais pas aller en droit, mais c'était un égoïste, il voulait que je reprenne l'entreprise familiale après tout. J'aimais utiliser mon corps comme outil : je faisais souvent du body painting, des photos de nus, mais également de la danse. On aurait pu me prendre pour une grande tarée qui cherchait toujours la beauté et l'art, mais moi je me considère surtout comme la plus grande des esthètes. Chacun son délire voyez ? Je m'étais spécialisée dans la danse, d'un loisir c'était devenu une passion. Je jouais déjà le petit rat de l'opéra quand j'étais jeune et la racaille en mimant du hip hop. Avec ma pression familiale, je m'évadais souvent en me défoulant à la danse. Marshall et pour une fois même Samson m'avait encouragé dans cette voie là. J'avais tout donné et je donnais encore tout aujourd'hui. Malgré la plus grande partie de mon temps à réviser tous mes devoirs en droit, j'arrivais toujours à caler une séance de danse par-ci par-là, ou une heure pour aller dessiner. Certains boxent un punching-ball pour aller mieux, moi je dansais. Façon radicale de faire des efforts pour se sentir mieux. En fait, une heure ne me convient pas, je veux passer tout mon temps à faire toutes les chorégraphies possibles, à peindre toutes les toiles du monde, dessiner sur tous les corps possibles. Je dois clairement apprendre à dire merde, et plus vite que tout.