NADYA O. SAÏANSKI ► yvonne strahovski

« Ma mère faisait le trottoir et mon père, lui, jongle entre son travail en tant que chef d'entreprise et sa bouteille de vodka. » déclara la jeune Nadya, dix-sept ans, devant une classe entière. Ce jour-là, l'idée du professeur était de parler des métiers des parents et de ce que cela leur apportait. Chacun avait dû faire un exposé, mais Nadya ne se sentait pas de faire un exposé sur les arnaques de son père et les anciennes parties de jambes en l'air de sa mère. Elle avait alors tout simplement été cru - mais honnête - de manière à ce qu'on ne lui en demande pas davantage. Cependant, le professeur n'était pas du même avis. « Dois-je comprendre que tu n'as rien préparé? » Nadya soupira. A quoi s'attendait-il? « Vous auriez voulu que je dresse une liste de ceux qui sont passés sur ma mère? » Elle était désinvolte, un peu trop d'ailleurs. La jeunesse lui faisait pousser des ailes. Mais ça ne semblait en aucun cas impressionner le prof. Il tapota la table à laquelle il était assis avec un stylo, d'un air plutôt énervé. « D'accord. Rassemble tes affaires et si tu le prends comme ça, tu iras en parler au proviseur. » (...) Cette année, Nadya alla de nombreuses fois dans ce bureau pour se faire taper sur les doigts; à un tel point que tout le monde pensait qu'elle n'irait pas loin dans les études. Et elle aussi le croyait.

Nadya rentrait des cours, comme tous les soirs. Elle n'attendait personne à la maison, sa mère étant morte depuis des années déjà, et son père étant pris dans un boulot infernal. Et pourtant, ce soir-là, ce dernier était là, sur le canapé, des bouteilles de bières vides à ses côtés et une bouteille de vodka en main. « Salut. » déclara sèchement Nadya en le voyant ainsi, avant de se diriger vers l'escalier afin de monter passer la soirée dans sa chambre. « Eh ! Viens là ma chérie. » "Ma chérie" ... elle n'y avait le droit que quand il avait un coup dans le nez celui-là. A contre cœur, elle fit alors demi tour et vint se poster devant lui. [color=indianred« Quoi? »[/color] « J'ai eu un appel de monsieur Bakunin. » Le proviseur. Nadya s'en moquait pas mal qu'il avertisse son père. Elle savait que ce dernier ne lui dirait rien... du moins, sur son attitude. « Tu sais, les cours ça sert à rien. » ajouta-t-il avant de boire quelques gorgées de vodka. Nadya restait de marbre; elle attendait la suite. « Fini ton année et viens à l'entreprise. » Abandonner ses études? Oui, cela avait traversé le cerveau de la blonde, mais en entendant son père en parler tout haut, cette idée paraissait plus qu'absurde. « T'emmerde pas à apprendre des choses inutiles. Fais comme ton père, choisis la vraie vie. » Nadya avait envisagé de tout arrêter, mais finir comme son père? Ça, jamais. Elle s'était jurée qu'elle ferait toujours tout son possible pour ne pas lui ressembler. Ce soir-là, elle ne lui dit rien. Mais ces quelques mots l'avaient motivée à faire de longues études, afin de devenir quelqu'un.

C'est ainsi que la jeune femme est devenue professeure de russe, sa langue natale. Pour se détacher de toute emprise de son père, elle décida également de déménager en Amérique. Une nouvelle vie s'ouvre alors à elle. Un tout nouveau pays, un nouveau travail... Tout ce dont elle était capable de s'offrir sans l'aide de son cher père.