Séance de révision - PV Juliette

Séance de révision - PV Juliette

Théo et Juliette s’étaient rencontrés dans des circonstances à peu près similaires à celles d’aujourd’hui. En effet, ce jour là, à la bibliothèque, Théo planchait sur un article qui venait de paraître, commentant la récente promulgation d’une nouvelle loi particulièrement compliquée. Il s’était donc levé, furetant parmi les étagères poussiéreuses du rayon droit, cherchant un ouvrage de droit qui pourrait l’éclairer sur ce fameux article. Son regard s’était arrêté sur un énorme livre, référence en la matière. Alors qu’il esquissait un geste pour s’en emparer, sa main rencontra celle de Juliette qui ébauchait le même mouvement que lui. Et c’est ainsi que les deux étudiants s’étaient rencontrés. Ils avaient passé le reste de leur séance de révisions ensemble, se partageant le fameux livre. Juliette était une magnifique jeune femme, aux longs cheveux roux et au sourire communicatif. Elle s’était révélée très amicale et très aidante avec Théo, même si ils venaient de se rencontrer. Ses conseils et explications en matière de droit avaient été d’un grand secours pour le dunster qui l’avait naturellement invitée à boire un café ensuite pour la remercier.

Le contact était bien passé entre eux. Réalisant qu’ils avaient de nombreux points communs, et que leur partenariat fonctionnait très bien, ils avaient alors pris la résolution de réviser ensemble régulièrement. Cette après midi avait été l’une de leur fameuse session de révision à la bibliothèque. Cependant, elle ne s’était pas déroulée exactement comme ils l’auraient voulu. La bibliothécaire devait avoir déjà repéré ces deux étudiants, dont la façon animée de travailler semblait lui déplaire au plus haut point. Elle n’avait cessé de leur adresser des regards sévères. Les deux amis avaient baissé d’un ton, mais ils ne pouvaient s’empêcher de discuter, de se questionner, de s’entraider sur les sujets respectifs sur lesquels ils buchaient. Elle finit par les congédier, les invitant à quitter l’endroit, les trouvant trop bruyants pour ce lieu où le silence était la règle d’or.

Finalement, une fois mis à la porte, Théo avait proposé à Juliette de terminer leur séance dans sa chambre et c’est ainsi qu’ils prirent le chemin du dortoir des dunsters. Alors qu’il ouvrait la porte, Théodore prévint sa partenaire de révision, un sourire désolé aux lèvres :

- J’ai pas eu le temps de ranger. J’avais pas prévu d’accueillir du monde chez moi.

Puis ils entrèrent dans la petite chambre du jeune homme, qui n’était pas aussi bordélique que ce qu’on pourrait imaginer. Théo était quelqu’un de naturellement ordonné, méticuleux, il aimait l’ordre et la propreté. Pour lui quelques feuilles en vrac sur le bureau et des draps froissés constituaient un vrai fourbi. Il attrapa instinctivement les feuilles avant de les glisser dans le tiroir du bureau, puis il alla lisser machinalement les draps de son lit avant de se tourner vers son invitée, guettant sa réaction :

- Bon bah voilà, bienvenue chez moi.

J'étais arrivée à Harvard à quelques semaines seulement des examens de fin de semestre. J'avais un retard assez conséquent à rattraper car même si j'avais fait la plus grande partie de l'année dans une université réputée en France, le programme n'était pas le même qu'à Harvard et les exigences non plus. Je devais donc me donner à fond pour me mettre à jour afin d'espérer passer en troisième année. Dans le pire des cas, je devrais redoubler, ce qui n'était pas si terrible mais j'étais ambitieuse et quand j'avais un objectif je faisais tout pour l'atteindre, même si cela devait passer par des nuits blanches et des weekends confinés dans ma chambre au lieu de sortir. J'étudiais le droit, c'était un domaine qui me passionnait particulièrement, même s'il était relativement compliqué. J'avais pour projet de devenir juge, je devais donc avoir au minimum un master. Je n'avais pas encore choisi de spécialité, j'attendais de trouver des stages ou des jobs étudiants dans des tribunaux pour prendre ma décision. Mais le domaine de l'enfance pourrait m'intéresser d'avantage que les divorces par exemple. A voir, ce n'était pas dans mes priorités.

Cette après-midi, au lieu de profiter du charmant soleil de printemps, j'avais rendez-vous avec Theodore à la bibliothèque pour réviser. Nous n'étions pas étudiants dans le même domaine, mais nous étions tous les deux studieux et déterminer à réussir nos études. Je l'ai rencontré à la bibliothèque d'ailleurs quelques jours après mon arrivée. Nous voulions utiliser le même bouquin de droit et au lieu de se disputer comme certains l'auraient certainement fait, nous avons décidé de nous le partager et donc de passer un petit moment ensemble. Puis nous avons sympathisé, pris un café ou deux et décidé de se voir régulièrement pour réviser. Sauf que bien sûr au fil du temps, nous avons appris des choses l'un sur l'autre et donc nos révisions ne se passent pas forcément dans le silence le plus complet. Ce qui a agacé la bibliothécaire un peu grincheuse qui nous a renvoyé du lieu d'une façon très peu diplomatique. Theodore a alors proposé qu'on poursuive notre séance dans sa chambre, j'acceptai sans hésiter, j'étais à l'aise avec lui et j'aurais été déçue d'interrompre ainsi notre après-midi.

En arrivant dans sa chambre, il s'excusa du désordre qui y régnait. Mais moi je ne trouvai rien à redire à cette pièce très masculine mais en même temps très bien organisée. Je me rendis alors compte que c'était la première fois que j'entrai dans la chambre d'un étudiant à Harvard, j'étais surprise de ne pas être gênée mais en même temps, Theodore et moi étions amis, ou du moins nous commencions à l'être, il n'y avait pas à avoir d'ambiguïté. Même s'il était très séduisant, je ne pourrais pas le voir autrement, un autre homme hantait mes pensées.

"Arrête, ta chambre est mieux rangée que la mienne, je vais t'engager pour ranger mon bazar !"

J'observais alors la pièce plus en détail tandis qu'il me souhaitait la bienvenue chez lui. Je lui souris en déposant mon sac sur son lit.

"Merci j'en suis ravie ! Tu veux qu'on se mette où ?"

Les chambres étudiantes n'étaient pas très grandes, il n'y avait donc que très peu d'option : le lit, le sol ou l'un au bureau et l'autre sur le lit. C'était à Theodore de choisir.

Juliette entra derrière lui et détailla la petite pièce un instant. Elle ne semblait pas du tout partager l’avis de Théo sur le désordre ambiant, avouant même que la chambre du jeune homme était mieux rangée que la sienne et qu’elle ferait peut être appel à lui pour la ranger. Le jeune homme plaisanta :

- Ca tombe bien j’aurais bien besoin d’arrondir mes fins de mois… Tu me paies combien pour jouer les fées du logis ? demanda-t-il avec un sourire amusé aux lèvres.

La pièce n’était pas bien grande, 15m2 tout au plus. Les chambres étudiantes n’étaient pas réputées pour être spacieuses de toute façon. C’était aussi pour cela que les deux amis avaient d’abord opté pour la bibliothèque comme lieu de révision : plus d’espace, plus de confort, plus de ressource… Enfin il disposait quand même d’un petit bureau, sur lequel son ordinateur était posé. Et si ils séchaient sur une question, il y avait toujours la connexion wifi pour accéder à internet. Une fenêtre éclairait la pièce laissant passer la lumière du soleil. Et à l’opposé du bureau se trouvait un lit 2 places, où la jeune femme posa son sac tout en lui demandant :

- Tu veux qu’on se mette où ?

- Je crois que nos choix sont limités…

Théodore était suffisamment galant pour lui laisser le bureau. Il montra du doigts la confortable chaise dactylo :

- Tu peux t’installer ici si tu veux. Moi je vais rester sur le lit. De toute façon, je passe plus de temps dessus pour bosser que pour y dormir ces derniers temps.

Il s’assit sur le matelas et entreprit de sortir quelques uns de ses cours.

- Je sais pas ce qu’elle avait contre nous la vieille bique de la bibliothèque… On était pas plus bruyants que d’habitude pourtant…

Franchement, si je n'avais pas su que la chambre appartenait à Theodore, j'aurais pensé qu'il s'agissait de la chambre d'une fille. Pas au niveau de la déco typiquement masculine, mais au niveau de la propreté et du rangement. Je connaissais très peu de garçon ordonné et maniaque, alors c'était toujours un plaisir de voir que finalement, ça existait encore ! Pour plaisanter, je lui proposai même de s'occuper de ma chambre, un peu moins bien rangée que la sienne. J'avais encore un ou deux cartons qui trainaient, avec des affaires que j'avais fait ramené de France et qui étaient difficiles à ranger dans une aussi petite chambre. Je ris à sa remarque et répondis sur le même ton enjoué :

"Je sais pas, tu demandes combien pour tes services ? Est-ce qu'un café et un beau sourire suffiraient ?"

Bien sûr, tout cela n'était qu'une plaisanterie, si j'avais besoin d'aide pour ranger ma chambre, je demanderai à une des Cabots de m'aider, elles étaient plus proches et la solidarité était courante chez nous. J'allai ensuite poser mon sac sur le lit de mon ami, tout en lui demandant où nous allions nous poser pour poursuivre nos révisions. Une chambre ordonnée et propre c'était bien beau, mais il était difficile de s'installer confortablement à deux. Du coup, Theo me proposa la chaise de bureau pendant qu'il serait sur le lit. Je m'exécutai tout en rétorquant :

"Pareil pour moi, vivement la fin des examens pour qu'on puisse rattraper tout ce sommeil !"

Je ne pouvais tout de même pas me plaindre, j'avais le sommeil facile et je pouvais parfois me passer de huit heures de sommeil pour être en forme. Et si vraiment j'étais fatiguée, je profitais du weekend pour me reposer, tout simplement. Theo reprit la conversation en parlant de la bibliothécaire qui nous avait chassé du lieu. Je fis la grimace et haussai les épaules.

"Elle ne devait pas être dans son bon jour. Ou alors elle en avait marre de devoir nous dire toutes les cinq minutes de baisser la voix. Faut dire qu'on est pas non plus très discret tous les deux !"

Et c'était peu dire. Parfois, nos discussions allaient des études à des sujets complètements différents comme nos loisirs, nos fréquentations, nos projets. Du coup, nous nous emportions assez facilement dans notre enthousiasme et c'était une chose que la bibliothécaire n'appréciait guère.

"Il va falloir qu'on se trouve un nouveau QG si on ne veut pas avoir à se balader partout sur le campus pour trouver un coin tranquille."

Même si sa chambre était confortable, avec un accès internet, ce n'était qu'une solution provisoire, je ne me voyais pas venir chez lui ou lui chez moi constamment pour réviser. Ça finirait par alimenter de sacrés rumeurs, surtout si nous continuions à nous voir après les examens, ce que j'espérais parce que je commençais vraiment à beaucoup apprécier Theodore.

Juliette entra dans son jeu, plaisantant à son tour en proposant de le rémunérer à coup de café et de sourires. Il sourit à sa remarque, s’imaginant déjà en soubrette à jouer les fées du logis chez son amie. Il lui répondit, toujours sur le ton de la plaisanterie :

- Je ne suis pas sur que ton café, aussi bon soit-il, et ton charmant sourire me soient d’une grande aide pour boucler mes fins de mois…

L’étudiante prit ensuite place au bureau, comme Théodore l’y avait invité. Elle s’installa, sortit ses affaires tout en lui répondant qu’elle partageait ses impressions et qu’elle avait aussi hâte d’être à la fin des examens pour pouvoir dormir. Elle enchaina ensuite sur la bibliothécaire, une femme sèche et stricte qui les avait mis à la porte tout à l’heure. Juliette fit remarquer qu’ils n’avaient quand même pas étaient très discrets et Théo ne put qu’acquiescer. Il se sentait tellement bien avec Juliette, qu’il connaissait pourtant depuis peu de temps, que leurs discussions finissaient toujours par dévier des cours et leurs chuchotements incessants et enthousiastes avaient surement du avoir raison de la patience de la vieille femme. Juliette proposa de se trouver un nouveau repère pour leurs séances de révisions communes.

- On pourra réviser dehors quand le beau temps sera bien installé. Sur les rives de Charles River c’est sympa au bord de l’eau. C’est joli et apaisant et puis en plein air, à part les oiseaux, on ne dérangera personne au moins.

Théo aimait bien se rendre là bas et il pouvait parfois rester des heures la tête dans ses manuels, allongé dans l’herbe, profitant des rayons du soleil. Après ce n’était pas toujours pratique lorsqu’il fallait rédiger un travail ou remettre au propre des notes. Mais lorsqu’il s’agissait simplement de potasser, c’était l’endroit rêvé par beau temps.

- Tu as eu le temps d’y aller déjà ? C’est super paisible et très agréable comme endroit.

Juliette n’était pas là depuis très longtemps. La Française n’avait peut être pas encore eu l’occasion de découvrir tous les recoins de Cambridge…