AMBROSIA K.-BAKH ► Shin Jimin

D’un point de vue global, j’ai bénéficié d’une enfance qu’on pourrait m’envier. Depuis toujours, je vis dans le luxe, ça en devient presque lassant, à force. Si on m’avait laissé le choix, j’aurais préféré grandir dans une jolie petite maison à la campagne, avoir un chien avec qui jouer dans le jardin et pouvoir faire des feux de camps dans la forêt, guitare à la main, chantant sous les étoiles. Non, moi le destin m’a donné une toute autre vie. Grand manoir à la pointe de la technologie, une gouvernante toujours sur mon dos, tellement de professeurs particuliers que j’ai arrêté de les compter. Et pour couronner le tout, je ne voyais mes parents que très rarement. Dans un sens, c’était un peu compréhensible. Enfin, aux yeux des autres, plutôt. Moi, je ne comprenais pas qu’on puisse préférer son travail à son enfant. Etant la fille du vice-président de la très célèbre Samsung Electronics et d’une journaliste indépendante renommée, je me devais de devenir une enfant exemplaire, instruite et disciplinée. Dans un monde parfait, ils m’auraient eux-mêmes enseigné ces qualités.

Bref, passons. J’ai donc grandi accompagnée de nombreux professeurs. Histoire, grammaire, mathématiques, en passant par certaines langues étrangères comme le japonais, le chinois, l’anglais et le français, je suis devenue, effectivement, une adolescente polyvalente et respectable. J’ai même eu droit à des cours d’équitation, de dessin, de chant, de danse. Et c’est ça qui m’a fait réaliser ce que je souhaitais réellement. Quand j’ai été plongée dans les arts, sous n’importe qu’elle forme, j’en suis tombée amoureuse. J’ai fini par ajouter une qualité à mon profil déjà bien fourni, celle d’artiste. J’ai souvent voulu montrer mes progrès à mes parents. Leur montrer ma façon de danser, de chanter, j’avais même appris à rapper, ça m’amusais. Eux, ils trouvaient ça inutiles. Ça a eu l’effet d’un choc, sur moi. Je devais avoir dix-sept ans quand j'ai décidé de changer, de la tête au pied. Voyant mes parents rarement, ils n'avaient pas grand chose à dire sur mes choix, puisqu'ils ne me laissaient même pas l'occasion de leur demander la permission pour quoi que ce soit. N'ayant pas vraiment de limite sur mon budget, j'ai fais des folies. J'ai abandonnée la jolie brunette aux beaux cheveux longs que j'étais pour laisser place à une coupe au carré, cheveux noirs d'ébène, le tout accompagné d'une garde-robe bien moins sophistiquée qu'avant. Au fil du temps, j'ai tester beaucoup de choses, beaucoup de couleurs de cheveux, de looks vestimentaires, d'expériences diverses et variées. Certains me prenaient pour une folle. Moi, j'avais enfin l'impression de vivre. Comme je m'y attendais, mes parents avaient été choqués. Ils m'ont même puni d'avoir «gâcher un physique si adorable». J'ai répondu que j'avais simplement anéanti l'Ambrosia qu'ils aimaient tant qu'ils ne lui apportait pas la moindre considération. Pour la première fois, nous avions eu une discussion, tous ensemble, en famille. Pas pour la meilleure des raisons, mais nous nous étions retrouvés. Après ça, ils ont fini par accepté mon physique, la situation c'était calmée, enfin, jusqu'à ce que mon entrée à Harvard vienne au sommet des sujets de conversations.

«Tu iras chez les Eliot.» ce fut l'unique remarque de mon père. Et mon refus catégorique ne fit qu'empirer les choses. Parce qu'évidement, dans ma famille, tout le monde avait fait Harvard, tout le monde était passé par l'Eliot House, en bons héritiers qu'ils étaient. Et aujourd'hui, c'est mon tour. Le fait que mon choix se tourne plutôt vers un milieu moins luxueux et plus amusant était impensable aux yeux de mon père. Ce n'était pas le seul point pour lequel nous avions des opinions différentes. Au final, j'ai rempli mon dossier par moi-même, et je crois qu'il m'en veut un peu.

Ils me voulaient Eliot, ils m'ont eu Lowell. Ils me voulaient étudiante en droit, ils m'ont eu étudiante en astronomie et musique.