Je crois qu'il est temps de vous raconter mon histoire : Attention, je ne parle pas de ce que vous savez déjà, non, mais de tout ce que vous ne savez pas.
Mon nom est Gary Adam Lewis.
Vous finissez toujours un moment ou un autre par prier pour ne pas laisser sortir le monstre qui sommeil en vous. A essayer de garder la tête haute, avalant de travers les épreuves un peu trop difficile à supporter. Vous finissez toujours par vous parler à vous-même, à essayer de vous persuader intimement de quelque chose pour en effacer une autre. Certains viendront à penser que vous êtes fou ou bien trop égoïste et égocentrique pour vous mêler aux autre tandis que certains se feront du soucis, sans réellement trop s'en faire, au chaud chez eux sur leur canapé à 2000 dollars. Mais vous, vous serez toujours là, la tête entre vos mains, à ravaler vos larmes et votre rage jusqu'à ce que mort cérébrale s'en suive.
J'avais 21 ans, je venais de quitter l'université afin d'intégrer la plus grande école d'arts dramatiques de New-York ; Autant vous dire tout de suite qu'il s'agissait là d'une école de prestige, quelque chose qui devait coller au nom de "Lewis". J'étais encore jeune mais certainement loin d'être idiot, je n'avais déjà plus vraiment de réels contactes avec mon père mais celui-ci tenait à sa réputation extérieur, continuant de me payer mes études et de me rincer financièrement. Je n'ai pas de mérite sur ce point là et je dois tout de même avouer que sans cette fortune paternelle je n'en serais peut-être pas là aujourd'hui, professionnellement parlant du moins. Quoi qu'il en soit j'avais déjà le goût des bonnes choses ; Je m'habillais de costumes de marque, ne mangeais pas de nourriture de prolétaire, ne couchais qu'avec la bourgeoisie et dieu sait si les soirées libertines de "la haute" étaient intenses. Oui, les heures passées devant mon miroir, pendant mon adolescence, à apprendre à maîtriser mes expressions, mon langage et ma posture ne m'avaient pas été inutiles. Je vivais bien ; L'héritage de mon grand-père m'avait laissé un magnifique loft dans l'Upper East Side, au dernier étage d'un building sensationnel. Je ne pouvais pas me plaindre et n'en n'avais pas l'envie non plus. J'apprenais à devenir acteur tout en pouvant boire le meilleur vin au monde et sucer les queues les plus fortunées, au sens propre comme au sens figuré. Cependant, ma jeunesse me jouait parfois des tours ; Je n'avais pas le même sens des priorités et, pour ainsi dire, j'étais un véritable petit con tentant tant bien que mal d'imiter son salopard de paternel. Triste constatation que je ne peux me cacher à l'heure actuelle, seulement paraît-il que l'on fait tous des erreurs de jeunesses…
25 ans et déjà un bon nombre de petites catins à mes pieds. J'en ai certainement profité, c'est un fait, mais je ne pouvais pas nier ma préférence pour les hommes. Moi, pédé ? Laissez-moi rire... Autant vous prévenir tout de suite que je prenais déjà les reines. Et puis j'ai toujours assumé ma bisexualité ; Entre-nous, quoi de mieux qu'un orgasme ? Et des orgasmes j'en ai avec des femmes comme avec des hommes. Je vivais toujours au même endroit et étais toujours dans la même école ; Plus le temps passait et plus je maîtrisais l'art de la comédie et de la manipulation. J'en faisais mon mode de vie et c'était bien pratique. Mes émotions et ma sensibilité avaient été enterrées au plus profond de mon être afin que personne ne puisse les détecter, que personne ne puisse me connaître réellement, même pas moi-même... Ainsi et ce sans m'en rendre compte, le gamin triste, manquant de confiance en lui depuis le décès de sa mère se volatilisait pour laisser place à un personnage fictif, mon personnage, mon masque. Je prenais goût au contrôle de sois mais aussi et surtout au contrôle des autres ; J'ai brisé un bon nombre de coeur pour essayer de réparer le mien, de n'importe quelles manières, je prenais satisfaction à voir les larmes couler sur le visage de ceux qui me suppliaient de rester, qui me criaient leur amour tandis que je me torchais avec. J'étais aimé, admiré, j'avais besoin de ça afin de me prouver à quel point je n'étais pas inutile sur cette foutue planète. Ma vie, mon royaume, ma cage de luxe dorée.
Je quittais mon école d'arts dramatiques avec mon diplôme en main, du fric pleins les poches et une rage de vivre, de réussir et de me faire un nom dans la comédie, sur scène, au théâtre.
Je me croyais invincible et tout sauf invisible, je savais que j'étais là pour une raison précise, mon but, ma vie. Mais mon regard sur celle-ci était complètement biaisé. Je suis née avec une cuillère en or dans la bouche; il ne m'étais pas difficile d'obtenir ce que je voulais et ce encore une fois grâce ou à cause de mon père ; J'ai alors pu accéder tout de suite aux castings pour les rôles les plus importants sur ce qu'il se faisait sur la scène New-Yorkaise. Je dis bien les castings, seulement, car par la suite je devais mettre mon meilleur pouvoir en oeuvre afin de charmer autrui, de les convaincre que la jolie petite belle gueule de connard sur la plus grande affiche serait la mienne ; Ça n'a pas loupé. Je n'ai jamais essuyé de refus et, pendant cinq années entière, ai vécu dans le plus grand des bonheurs de ce que l'on appelle communément "la notoriété". Du moins, pour la norme. En effet, malgré ma vie de rêve, je n'étais pas heureux. J'essayais, en vain, de m'en persuader mais ce petit jeu ne marchait qu'auprès des autres et non de moi-même ; Je me détruisais intérieurement, ne laissait rien paraître, encaissait le faux qui se mélangeait et effaçait peu à peu le vrai jusqu'à ce que je ne sache plus ce que je foutais là, jusqu'à ce que mon but ne veule plus rien dire à mes yeux de raclure. Je ravalais mes larmes tandis que les autres avalaient mon sperme. Triste image, n'est-ce pas ? Je n'avais comme lot de consolation et échappatoire que l'alcool et le sexe. Toujours le sexe, encore le sexe. Mais après avoir souillé quelques culs en soirée, je finissais toujours seul, dans mon énorme loft, souillant cette fois-ci le reste de mon âme avec n'importe quelle substance alcoolisée.
30 ans : Tout bascule. Gary Lewis ? Non, désolé. Une phrase devenue culte à force de l'entendre. Le problème dans le domaine du théâtre est le renouvellement ; Parait-il que le publique m'avait déjà bien assez vu ou s'était probablement lassé. Je n'avais pas d'autres choix que d'arrêter ma carrière d'acteur afin d'en commencer une autre ; Professeur d'arts dramatiques, une alternative qui, avouons le, me correspondait plutôt bien.
Écoutez moi, admirez moi, obéissez moi. Je ne mis que peu de temps à me faire accepter dans l'école dans laquelle j'avais étudié ce domaine et devins assez vite l'un des professeurs les plus populaire et efficace, ça c'était le côté professionnel. Personnellement parlant ce n'était pas si simple ; J'étais devenu une machine, encré dans la routine de la dépression. Je puais le faux, mais personne ne le remarquait. Personne sauf lui ; Rob. La décharge électrique qui a fait sauter la centrale de mon coeur.
Un soir, après avoir fini mon dernier cours de la journée, une main vint stopper la mienne; m'apprêtant à ouvrir la porte de ma voiture. Tête blonde aux yeux bleu, vêtu de noir ; Un individu beaucoup plus petit et fin que moi. Je n'avais aucune idées de ce qu'il venait faire là mais je l'avais déjà vu une seule et unique fois participer à l'un de mes cours. Cette conversation... Je m'en souviendrais jusqu'à mon dernier jour.
"Avant de vouloir cerner les autres à tout prix, apprenez par vous cerner vous-même monsieur Lewis."Me retournant vers lui, je pouvais voir dans son regard qu'il savait qui j'étais. Qui j'étais réellement. Autant vous dire que j'étais intrigué ; Ce type venait de toucher mon point sensible, tirant sur la corde. Je m'approchais de lui, le regardant de haut, essayant de l'intimider sans succès. Il était là, fumant sa cigarette, un sourire provocateur aux lèvres.
"Vous savez très bien que je lis en vous comme dans un livre ouvert. N'est-ce pas ?"Cette électricité soudaine, cette sensation qui vous prend aux tripes, qui vous met à nu. Je ne savais pas quoi répondre, mon regard dans le sien tandis qu'il me recrachait sa fumée au visage ; Nous restions quelques secondes à nous fixer intensément jusqu'à ce que je le pousse, torse contre torse, jusqu'au mur derrière lui. Ma main sur sa gorge, la nuit tombait alors que les lumières dansaient sur la ville, illuminant la foule insensible à notre manège. Je le regardais, là, sans l'intimider une seule seconde.
"Qui es-tu ?" Lui dis-je, lâchant sa gorge d'un geste brusque. Il me poussa violemment, me faisant reculer, me faisant tomber. Alors que je rampais en arrière, tentant de me relever, il avançait, plongeant continuellement son regard dans le mien. J'étais totalement désemparé ; C'était si brutal, si soudain, si intense...
"Celui qui fera tomber ton masque" Me répondait-il tout en me tendant la main pour m'aider à me redresser. Oui, je m'en souviendrais toute ma vie. Cela faisait plusieurs mois que Rob m'observait de loin, m'analysant sans se faire remarquer. Il avait senti cette détresse intérieur qui me rongeait, cette détresse que je m'efforçais à cacher aux autres ainsi qu'à moi même. J'avais le choix de l'ignorer, de rester fier et con comme je l'avais toujours été ou bien d'accepter son aide, sa présence et de me laisser aller, d'évacuer toute cette merde et de laisser couler mes larmes. C'était tellement étrange ; Je ne le connaissais pas mais avais déjà tellement besoin de lui, et ça, il le savait très bien.
Je ne m'étais pas redressé, adossé contre ma voiture ; Haletant, tremblant, je sentais que j'étais en train de craquer. Nous nous fixions lorsque je me mis à grimacer, terrassé par la douleur, et, en moins de quelques secondes, je m'effondrais, pleurant toutes les larmes ravalées et accumulées pendant des années. Un moment douloureux mais aussi un soulagement indéfinissable. Rob s'accroupis face à moi et, sans hésitations, me pris dans ses bras. Je serrais si fort que j'aurais pu l'étouffer.
"Tu n'es plus seul Gary, repose-toi autant que tu voudra sur mes épaules. Tu n'es plus seul, tu n'es plus seul..."Je n'étais plus seul. Aussi étrange que cela puisse paraître. Cette soirée fut incroyablement riche en émotions ; Rob vint chez moi, après avoir accepté d'éponger ma souffrance et ce en pleine rue. Plus aucun mots ne sortirent de nos bouches de toute la soirée. Nous avions dialogués avec nos corps toute la nuit, nous nous sommes battu sexuellement jusqu'à n'en plus pouvoir, jusqu'à nous écrouler l'un sur l'autre de fatigue émotionnelle. Allongés tous deux sur le lit, Rob fumant une cigarette alors que je me reposais, la tête posée sur son torse, je finis par briser le silence qui se confondait dans la lueur de la nuit.
"Qui es-tu ?....."Tout en écrasant son mégot, il me répondit simplement
"Rob, Rob Millz"Nous finîmes par nous endormir paisiblement, enlacés, fusionnels comme jamais.
Je peux au moins me vanter d'avoir connu l'amour, le coup de foudre ; Le vrai.
Deux années passèrent, Rob et moi ne nous étions pas quittés depuis cette fameuse soirée. Mon travail et mon évolution personnelle dépendait entièrement de sa capacité à me soutenir, de sa capacité à m'aimer mais aussi à souffrir en silence ; En effet, tout en sachant dans quelle aventure il s'était engagé, Rob était un être humain avec ses faiblesses, comme tout le monde. Et le poids de mon esprit torturé commençait à se faire ressentir. Ces deux années passées à m'apprendre à me faire du bien, à m'apprendre à vivre, à respirer, à me laisser aller n'avaient pas été de tout repos pour lui. Évidemment, et ce comme dans chaque couple, nous passions d'incroyables moments à rire, voyager et nous créer de formidables souvenirs mais cela ne suffisait malheureusement pas à stabiliser la balance. En effet, j'avais beau prendre en compte chaque conseil de Rob, je finissais toujours par les tourner à mon avantage, arrivant à mêler le faux au vrai. Sans le savoir, je devenais un plus gros monstre que celui que j'avais été avant et ça, Rob s'en apercevais très bien ; s'efforçant de faire le maximum pour me remettre dans le droit chemin mais sans succès. J'apprenais à gérer mes émotions tout en les cachant, je devenais de plus en plus maître dans l'art de la manipulation et, pire encore, Rob avait pris la place de la victime, ma victime. Du moins, il me laissait y croire. Je me sentais tellement fort, en vie, puissant, je me sentais bien, réellement bien. Tellement que je fini par faire tout ce que je voulais, pensant que Rob resterait, me pardonnerait, épongerait mes conneries tout en gardant le sourire, tout en continuant de m'aimer éternellement. Je l'ai trompé, et pas qu'une seule fois. Je l'ai trompé chez nous, dans notre lit. Il le savait, je pensais qu'il suffisait de dire "désolé", tout en prenant pour excuse ma souffrance, tout en le prenant pour un con. Je tirais tous les jours un peu plus sur la corde, pensant que Rob m'excusait, me restait fidèle et dévoué tel un chien pour son maître. Il ne disait jamais rien ; comment aurais-je pu me douter ?
19 Septembre 2010, une date qui ne vous parle sûrement pas mais qui signifie pourtant beaucoup de choses à mes yeux. J'allais fêter mes 33 ans ce jour même ; Je n'étais pas friand de ce genre d'évènement mais j'avais pourtant prévu d'aller au restaurant avec Rob, du moins c'est ce que j'avais décidé sans lui en parler. J'aimais faire des surprises et ça avait beau être mon anniversaire, il était hors de question que quelqu'un d'autre que moi invite et paye. Malgré tout ce que je lui faisais subir, il fallait tout de même avouer une chose ; J'étais dingue, complètement dingue de lui. Je l'aimais, j'étais amoureux de Rob à en crever. Pourquoi lui faire du mal dans ces cas là ? Et bien, j'ai une fâcheuse tendance à l'autodestruction ; Mes pulsions sont violentes et dévastatrices, j'en étais et en suis encore complètement soumis. Impossible de résister à l'envie de la chair, à l'envie de posséder une âme, d'en faire ce que l'on veut pour finalement la réduire en miette dans un courant orgasmique mêlé aux gémissements divins. Impossible d'y résister. Mais j'étais pourtant tellement amoureux de Rob que je ne pouvais plus imaginer ma vie sans lui.
Je rentrais chez nous après une habituelle journée à l'école où j'enseignais. Rob , qui était aussi dans le théâtre, n'y étudiait plus depuis déjà presque deux ans. Il ne travaillait pas, je m'attendais donc à le voir dés en arrivant à l'appartement, toujours le même, dans l'upper east side. Ainsi, telle fut ma surprise quand, après avoir appelé Rob par son prénom à plusieurs reprises, je me rendis compte qu'il n'était pas là. Continuant de le chercher dans divers pièces, pensant innocemment qu'il me préparait une surprise, j'ouvrais enfin la porte de notre chambre ; Étonnement rangée, une enveloppe sur le lit. Encore une fois, je pensais à une surprise. C'en était effectivement une et elle était de taille ;
"Gary, ces trois années passées à tes côtés furent très riches en émotions. J'ai été touché au plus profond de mon être par ta fragilité et, quoi qu'on en dise, ta sincérité émotionnelle. Je savais où je mettais les pieds en m'engageant à t'aider, je savais que ça serait compliqué mais j'ai fais l'erreur d'écouter mon coeur plus que ma raison. Cette fameuse soirée, j'étais déjà amoureux de toi. J'ai fais l'erreur de croire que j'étais assez fort pour être à tes côtés, j'ai promis dans le vent et aujourd'hui je m'en excuse sincèrement. A l'heure actuelle je ne suis plus capable de supporter ce que tu t'infliges, malgré tout ce que j'ai pu t'apprendre j'ai compris une chose ; Tu es et tu restera toujours le même. J'ai eu tord de penser le contraire. L'élément déclencheur de cette décision est le fait que ton comportement commençait à déteindre sur le mien ; J'ai mentis, comme tu l'as fait. Je ne suis pas resté fidèle à t'attendre sagement pendant que tu suçais d'autres queues que la mienne. Tu vois ? Je parle comme toi Gary, et ça, il en est hors de question. Oui, je suis sorti, seul, et j'ai fais une incroyable rencontre. Garde ton calme car c'est grâce à elle que j'ai pu te supporter une année de plus. Je t'ai tellement aimé, tu as tellement brisé tout cet amour... Pourquoi ? Non, après tout, l'heure n'est plus celle des réflections, c'est trop tard. Je ne partage pas cette envie et ce besoin de tout détruire sur mon passage, et encore moins ce besoin de détruire ce que j'aime. Tu as déteint sur moi Gary ; J'ai fais du mal à ma compagne en essayant, en m'acharnant à t'aider, à t'aimer et à croire quelle avait tord ; Que tu en valais la peine. Tu es un incroyable personnage, je regrette tant qu'on en soient arrivés là mais je ne peux pas revenir en arrière. Je ne suis plus amoureux de toi, ici, je stagne tandis qu'ailleurs j'avance. Ailleurs, je vis. Je ne veux plus faire souffrir la personne qui me fait tenir debout, je ne la ferais plus souffrir car je l'aime, tu comprends ? Tu trouvera ton cadeau dans mon placard, ou plutôt mon ancien placard. Je suis désolé pour toi Gary, je suis désolé pour moi aussi mais nous deux, c'est fini. Je t'en prie, n'essaye pas de m'appeler ni de me retrouver ; Respecte moi, pour une fois." Je me souviens de cette sensation, cette montée de chaleur, ce vertige qui me fit perdre l'équilibre, m'obligeant à m'asseoir à même le sol. Je lu la lettre une seconde fois, décortiquant chaque mot, leur sens afin de comprendre ce qui était en train de se passer. Honnêtement, qui réfléchirais intelligemment face à ce genre de chose ? Sur le coup, mon attention se fixa sur ces quelques mots ; "C'est grâce à elle" et "Ma compagne". Je restais là, assis sur le plancher, haletant, le regard dans le vide. Je n'arrivais pas à réaliser. Après être resté quelques minutes dans cette position, je me levais dans un élan si brusque que je failli tomber, me dirigeant vers notre placard ; Son côté était entièrement vide. Rob avait pris toutes ses affaires mais, comme il avait écrit dans sa lettre, avait laissé une seule et unique chose ; Une boîte rectangulaire en carton, emballée d'un papier cadeau que je m'empressais, dans la panique, de déchirer. C'était toutes nos photos qui étaient stockées sur son ordinateur. Cela faisait si longtemps que nous avions prévu de les faire imprimer, mais l'occasion ne s'était jamais présentée. Jusqu'à maintenant. Dévasté, ne m'attendant absolument pas à tout ça, je pris tout de même le temps de les regarder une par une, laissant échapper quelques sourires pour, finalement, laisser couler des larmes.
Je venais de perdre Rob.
Me laissant tomber sur le lit, assis, une photo dans les mains, je pleurais silencieusement toutes les larmes de mon corps. Le temps passait, la nuit tombait et je restais là, dans le noir, ayant comme seule lumière les rayons de la pleine lune ; Joyeux anniversaire, Gary.
Le lendemain, j'appelais l'école d'arts dramatiques afin de prévenir de mon absence. J'avais passé ma nuit à cauchemarder et le réveil fut d'autant plus dur lorsque je me rendis compte que tout ça n'était pas un rêve mais bien la réalité. Habillé de la veille, mon premier geste fut de prendre la bouteille de wisky que nous gardions pour les grandes occasions ; N'en n'était-ce pas une ?
J'étais dans un perpétuel brouillard et la simple idée d'accepter la réalité me remplissait d'un sentiment de détresse intense. J'avoue avoir passé bien une semaine dans cet état semi léthargique, buvant à m'en faire vomir. Plus rien ne m'importait et j'aurais très bien pu continuer ainsi mais après dix jours végétatifs, un vague sentiment de haine pris possession de mon être, ou plutôt de ce qu'il en restait.
Elle m'avait pris Rob ; N'ayant plus rien à perdre, plus rien à quoi me raccrocher, tout était bon à prendre. Je ne m'étais évidemment pas remis en question une seule seconde, trop occupé à chialer, boire, me branler et croire que tout allait s'arranger. Il m'avait promis et ne tenait pas ses promesses ; Voilà dans quel état d'esprit je me trouvais. Au fond, je savais pertinemment que tout était de ma faute mais cette vérité était bien trop dur à supporter alors mes anciens réflexes vinrent de nouveau prendre le dessus. Rob avait raison, je m'en rend compte à présent : Je n'avais pas changé, je ne pouvais pas changer et ne voulait pas changer.
J'avais envie qu'il revienne, qu'il me revienne. Je devais le récupérer, le retrouver et ce de n'importe quelle façon. Il était hors de question de dépenser mon énergie alors je pris la décision de dépenser mon argent ; J'engageais un détective privé, là au moins le travail serait rapide et efficace. Je n'avais, seulement, pas prévu la vague de tristesse et d'ultime rage lorsque celui-ci me montra le résultat ; Des photos, si douloureuses soient-elles, de mon Rob avec cette fille. Nom, prénom, adresse ; J'avais ce qu'il me fallait pour compléter le cocktail explosif qui se fabriquait, et ce depuis presque trois semaines, dans mon cerveau. Moi qui était d'habitude si patient, réfléchis et intelligent, je ne pouvais pas attendre de trouver un plan autre que celui qui me semblait déjà évident. J'avais perdu la raison et n'agissais plus que par instinct.
Après le départ du détective, je ne pu contenir ma rage et ma folle détresse ; Je mis mon appartement en ruine, hurlant, cassant, pleurant, buvant, buvant, buvant...
Je bu presque deux bouteilles de whisky Jack Daniel's , de quoi être totalement ivre. Continuant dans cette lancée démentielle et tel un animal enragé, je pris la voiture en pleine nuit, muni d'une bouteille pleine, et roulais jusqu'à l'adresse de Gloria Howel.
3h26 du matin, le 10 octobre 2010. J'étais arrivé et m'étais garé en bas de l'immeuble. Restant dans la voiture tout en continuant d'imbiber d'alcool le peu de conscience qu'il me restait, je guettais, espérant voir sortir l'homme dont j'étais dingue. Il était tard, la nuit était déjà bien entamée et je compris, suivant les minutes, que je ne verrais personne sortir de là. La bouteille à la main, je m'endormis, la tête sur le volant. Je crois bien n'avoir jamais été aussi ivre de toute ma vie que ce soir là.
7h40, le bruit des klaxons et de la foule vinrent me sortir de mon profond sommeil ; Je n'avais pas bougé, seule la bouteille était tombée sur le sol de ma voiture, déversant tout son contenu. Le réveil était terrible, doublé d'un mal de crâne intense mêlé aux sentiments de la veille encore bien présents. Je pris le temps de me rendre compte de la situation, bien qu'encore sous les effets de l'alcool de cette nuit, puis, sans vraiment réfléchir, sorti de la voiture. J'attendais devant l'immeuble en question lorsqu'une personne sorti, me donnant libre accès à celui-ci. Fouillant dans mes poches, je pris la photo avec les renseignements nécessaires marqués au dos ; Robin Millz, 29 ans, vivant chez Gloria Howel, 25 ans. Adresse : 435 Broadway, New York, NY 10013, États-Unis, appartement de gauche, troisième étage.
Ne me posant aucune question, répondant à mon instinct, je montais les escaliers. Mon subconscient avait pris la relève. Suffoquant, paniqué, je me rapprochais dangereusement jusqu'à ce que j'arrive enfin devant cette porte, sa porte ; Une étiquette, où le nom de cette salope était inscrit au feutre noir, était collée sur le bouton de la sonnette. J'étais arrivé et il n'était pas question de reculer. Je devais le récupérer tandis qu'elle devait payer.
8h00, Je frappe à la porte. Je n'avais pas la moindre idée de ce que je faisais là. Il n'y avait pas de plan, pas de suite ni de logique quelconque en ce qui concernait mes agissements. L'acte devançait la pensée ; Elle ouvrit la porte et, dans la seconde qui suivait, ma main gauche se retrouvait autour de son cou, serrant aussi fort que je pouvais. Je claquais la porte de mon autre main, avançant, l'étranglant, la fixant droit dans les yeux alors quelle suffoquait, ne pouvant crier, ne pouvant appeler à l'aide. Je me souviens, je la revois, là, essayant tant bien que mal de se défendre et de se détacher de mon emprise ; Impossible, même moi je ne pouvais m'en défaire. Alors que je m'aventurais dans ce logement inconnu, fixant le filet de bave qui coulait des lèvres de cette satanée voleuse, je pu reconnaître le bruit d'une douche allumée. La démence s'était emparée de mon être et rien ne pouvait m'arrêter ; Je me mis à réfléchir tout en détournant mon regard quelques secondes, déduisant alors qu'il s'agissait de Rob qui se lavait. Gloria devint de plus en plus lourde, faiblissant, ses mains tentant vainement de retirer la mienne, serrant machinalement. Je plongeais de nouveau mes yeux fou dans les siens qui, eux, s'éteignaient lentement. Dans un élan de lucidité, je la lâchais brutalement, la faisant tomber sur le sol ; Il ne fallait pas la tuer. Juste lui faire comprendre où elle avait foutu les pieds.
Gloria était recroquevillée, les cheveux collés au mélange bave et sueur, tentant de récupérer silencieusement. Je me dirigeais lentement vers elle sans la quitter des yeux ; Elle tourna la tête afin de me regarder, suffoquant et paniquée tel un animal blessé. Aliéné, possédé, je m'accroupis à ses côtés et, dans un élan de haine, répondant à mes pulsions les plus infâmes, plongeais ma main droite dans ses cheveux, les agrippant tout en tirant en arrière. Je voyais bien quelle n'avait pas repris son souffle, d'où ses spasmes irréguliers. J'approchais alors doucement ma tête vers la sienne afin de lui murmurer ces quelques mots ;
"Alors c’est toi….." Tirant un peu plus, rapprochant mes lèvres des siennes, je fini ma phrase dans un souffle de démence
"Rob t’as déjà montré comment ça se passe entre lui et moi ? Non ? Je vais te montrer". Ça restera gravé en moi, jamais je n'oublierais.
Je revois son visage crispé de peur, ses yeux écarquillés : Elle était en train de comprendre quel sort je lui réservais. Je lâchais ses cheveux pour lui agripper son cou avec mes doigts, appuyant sur sa gorge, lui plaquant le visage au sol d'une extrême violence, à tel point que je me souviens encore du bruit provoqué par son crâne heurtant le sol carrelé. Il n'y avait dans l'appartement que le bruit sourd d'un corps se débattant ainsi que celui de l'eau coulant dans la salle de bain. Je la tenais ainsi d'une main, enlevant ma ceinture de l'autre et, dans un geste tout aussi brutal que le reste, la forçais à se retourner de sorte à ce quelle se retrouve à plat ventre, joue collée au carrelage. Tout en lui écrasant la tête contre celui-ci, la faisant légèrement gémir de douleur, je baissais rapidement son bas de pyjama ainsi que mon pantalon ; Je m'apprêtais à gâcher sa vie mais aussi et finalement la mienne.
Un cris suivit d'un silence morbide ; Lenteur et brutalité mêlées aux larmes et au sang : Gloria souffrait dans le plus lourd des silences.
Je ne pouvais pas m'arrêter, rendant cette insignifiante pute définitivement muette et souillant son être entre quelques gémissements bruyamment intenses doublés paradoxalement de quelques sanglots de ma part.
L'eau de la douche ne coulait plus, je n'y prêtais plus attention. Une porte claquant, des bruits de pas rapides... Alors que je continuais ma danse machiavélique, sombrant chaque secondes de plus dans l'horreur, déversants un flot de larmes tout en sanglotant ; Je hurlais mon désespoir, cognant la tête de la catin contre le carrelage tâché maintenant de son sang, celui-ci s'échappant de ses blessures faciales. Elle, n'émettait plus aucun bruit. La douleur était si bien représentée dans ce faux silence troublé par mes seuls lamentations à la fois orgasmiques et profondément meurtries... J'étais en trans.
Rob arriva enfin. Je l'aperçu tout simplement en relevant la tête. En quelques fractions de secondes, son visage me fit revenir à la dur réalité. Et il était trop tard : Le mal venait d'être commis. Tout cela se passa rapidement ; Comme électrocuté, je tombais en arrière, délivrant la belle de la bête. Gloria était à terre, dans un état de mort cérébrale, convulsant. J'étais là, sur le sol, choqué, terrorisé ; Je cherchais le regard de Rob, ce regard qui m'aurait rassuré, pardonné, compris. Tout ce que je voyais, malheureusement, était le regard de l'homme qui m'aurait ôté la vie si celle de Gloria n'avait pas été si en danger. Dans la panique, mettant sa furie de côté, Rob se précipita vers ma victime. Je ne saurais vous expliquer ce que j'ai vu ; J'étais comme un soldat venant d'éviter de très près une bombe, sonné. Je me laissais tomber lentement en arrière, m'allongeant le regard dans le vide. Je n'ai aucune idée du temps passé ainsi mais je me souviens du "réveil" :
Rob, sur moi, à califourchon et en peignoir de bain, me frappant sans relâche au visage. Je revois quelques projections de sang tâcher son torse, son cou...
"Ordure ! Fils de pute ! Pas elle, pas elle !" Ces mots résonnaient dans ma boîte crânienne, alors que je subissait sa colère et sa violence sans me débattre, sans dire un mot si ce n'est qu'au moment où Rob cessa les coups, tout en restant dans sa position actuelle. Nous nous fixions quelques courtes secondes et, juste avant que les secours ne viennent m'arracher définitivement aux bras de l'être aimé, je lui dis dans la plus profonde des sincérités
"Pardonne-moi, mais je t'aime, Robin..."Dans une rapidité inégalable tant son professionnalisme, des hommes vinrent me maîtriser, me maintenant au sol, me passant les menottes tandis que d'autres me donnaient de violents coups de matraques. Ce moment où vous comprenez que votre vie bascule, qu'il n'y a aucun retour en arrière envisageable, que tout est fini. Je n'ai encore actuellement aucun mots assez fort pour décrire ce sentiment de mal être intense ressenti à cet instant précis de ma vie. Aucun.
Ils finirent par me lever à plusieurs : Je n'étais plus qu'un corps meurtrie, vide. Une épave. Je ne tenais même plus sur mes jambes. Cependant, un représentant des forces de l'ordre cru nécessaire de m'achever avec un ultime geste : M'asperger à l'aide d'une bombe lacrymogène. L'acidité et le poivre du produit s'imprégnant sur mes plaies ouvertes me firent hurler de douleur. J'étouffais, me laissant tomber, à bout physiquement, nerveusement. Déduisant mon état et les faits, les policiers me traînèrent enfin vers l'extérieur. Je réussi néanmoins à ouvrir mes yeux quelques secondes, regardant Rob pour la toute dernière fois. Je puisais, alors, dans mes dernières forces et me mis à hurler dans les escaliers que me faisaient descendre les secours.
"Je t'aime ! JE T'AIME !! ROB ! JE T'AIME, MERDE, MERDE !! NON ! JE T'AIME, PUTAIN !! JE T'AIME !"Rentrant de nouveau en crise de démence, me débattant malgré mes menottes et mes diverses profondes blessures, malgré le produit me brûlant ardemment le visage mais aussi et surtout malgré les deux policiers m'agrippant les bras de chaque côté : Ceux-ci me donnèrent un ultime coup, cette fois derrière la nuque, provoquant l'élément final de cette mascarade ; Le coma.
J'ai été en garde à vu et, évidemment, Rob et Gloria ont portés plainte ; Viol et agression au premier degrés plus intrusion au domicile. J'ai reconnu les faits. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même ; Vidé de toutes émotions, mort intérieurement. Je me suis laissé insulté, sans répondre, par quelques policiers ayant eu vent de l'affaire : "Tarlouze", "Pédale", "Sale violeur" et même "pédophile". Vous savez, dans ces moments là, tout le monde mélange tout et n'importe quoi. D'autant plus si vous êtes homosexuel. Je me suis laissé humilier, cracher dessus au sens propre comme au sens figuré jusqu'à ce que l'on me mette en prison, en attente du procès. Inutile de vous mentir, oui, j'ai connu la prison. Cela dit, certainement pas aussi longtemps que quelqu'un de normal, si je peux me permettre. Là bas, tout le monde savait ce que j'avais fais avant même de savoir mon nom. Je voyais certains regard, je savais que si je ne montrais pas les crocs j'étais foutu. Alors, même plus bas que terre, je relevais la tête et faisais semblant comme je l'avais toujours fais ; Confiant, indépendant, cachant mes peurs au plus profond de mon être. Jamais je n'avais utilisé autant mes talents d'acteur. A plusieurs reprises je failli finir comme ma victime, dieu merci je pouvais compter sur ma carrure et ma rage de survivre au milieu de ces bêtes féroces dont je faisais indéniablement parti. J'étais persuadé de passer les trente prochaines années de ma vie dans ce trou à rat.
23 Décembre 2010, la veille du réveillon de noël. J'étais toujours dans l'attente de mon procès dont la date n'avait toujours pas été fixée. Je n'avais aucun espoir, encore moins lorsque mon compagnon de cellule fut condamné à 35 ans de prison pour des faits similaires. Ce gars paraissait pourtant simple, plutôt sympa et avait l'air bon au pieu... Évidemment, les juges ne pouvaient prendre ce détail en compte ; Je serais déjà dehors. Quoi qu'il en soit, un garde vint ouvrir notre cellule. Nous étions surpris ; Ce n'était ni l'heure du déjeuner, ni l'heure des visites et encore moins celle de la promenade.
"Prisonnier 0998796 Gary Adam Lewis ?
-Oui... Oui, c'est moi ?
-Prenez vos affaires, vous êtes libre"Incompréhension totale. Je tournais la tête vers mon colocataire qui me fit signe d'y aller. J'étais libre ? Soit. Mais pour quelles raisons?
Je ne réalisais pas, ne pris aucune affaire et suivis le gardien jusqu'aux bureaux afin de récupérer les vêtements avec lesquels j'étais arrivé ; Une chemise bleue clair tâchée de sang et un pantalon aux tâches douteuses. Pendant un instant je replongeais dans l'horreur, reculant brusquement. Malheureusement je compris que je n'avais pas le choix, je devais m'habiller ainsi, n'ayant aucune autres affaires. Honteux et une fois vêtu de ce costume de violeur, je suivi à nouveau le gardien qui m'emmena vers la sorti, l'extérieur. Hésitant, je lui dis "Vous êtes sérieux ? Comment se fait-il que je sois libre ?" et, avant que l'homme ne prenne la parole, j'entendis derrière moi une voix plus que familière...
"Je devrais te demander comment se fait-il que tu ai atterri dans cet endroit !"Me retournant brusquement, je l'aperçu ; Adam Lewis, mon père. Il ne pouvait rien m'arriver de pire. Je tournais de nouveau ma tête vers le gardien et lui dis, désespéré, alors qu'il fermait les barreaux de la prison devant moi :
"Vous ne pouvez pas me reprendre ? S'il vous plaît !
-Désolé garçon, c'est pas une auberge de jeunesse ici !"Le rire froid de mon père me glaça le sang. Je senti sa main se poser sur mon épaule tandis que je restais là, tendu, à déglutir.
"Ne me touche pas Adam...
-Arrête ton cirque cinq minutes veux-tu ? Remercie-moi plutôt d'avoir payé ta caution en plus du pot de vin au juge James Devlyn ; Un ami de longue date ! "Énervé, je me reculais brusquement, le poussant. En quelques secondes, mon père me fit une clé de bras, me maîtrisant et ce dehors, en pleine rue et devant la prison.
"Je t'ai dis d'arrêter ça Gary. Excuse-toi, que je te relâche !
-P..Pardon..! Putain ! Tu me fais mal !"Il me lâcha. Mon père avait un certain pouvoir sur moi auquel je ne pouvais résister. Je lui était véritablement soumis, autant que pendant toute ma jeunesse. C'était l'une des raisons pour laquelle j'avais décidé de ne plus avoir de contactes quelconque avec lui. Au point, effectivement, de ne pas l'avoir prévenu en ce qui concernait mes soucis.
Quoi qu’il en soit, nous étions là, devant la prison, face à face, père et fils. Cela faisait un sacré bout de temps que je n’avais pas vu mon père, il ne me manquait absolument pas d’ailleurs. Mais je devais avouer que sa phrase précédente avait piqué ma curiosité ; Avait-il réellement payé un pot de vin au juge ? Je ne doutais pas en ce qui concernait le règlement de la caution, mais pour ce qui est du reste, c’était autre chose. Adam avait l’habitude d'embellir et d’exagérer la vérité, de mentir et de manipuler. Tout ça dans l’unique but que l’on soit reconnaissant envers lui, que l’on se sente redevable et donc, par la force des choses, soumis. Chaque chose qu’il avait fait, pour m’aider entre guillemets, était dans le but de me le reprocher ensuite, pour me rappeler à quel point il me trouvait misérable. Il faisait ça avec tout le monde mais surtout avec ma mère. Il l’a rendu dépressive, éteignant sa lumière petit à petit pour finalement la tuer. Tous ses mensonges et toutes ses tromperies ont conduit ma mère à se suicider, purement et simplement. Je lui en ai toujours voulu, depuis le jour où je suis rentré de l’école, voyant tout cet attroupement de connards autour de notre ancienne maison ; Pompiers, policiers, voisins. Je me rappelle avoir couru, poussant les deux hommes qui empêchaient les gens de passer le périmètre de sécurité. Avant que l’un d’eux me rattrape, je vis quelques pompiers mettre ma défunte mère sur un brancard ; Il y avait une marre de sang dans l’entrée du salon. Elle s’était coupée les veines. Je n’ai jamais oublié cette image et, malgré la distance qu’il y avait toujours eu entre ma mère et moi, je l’aimais. Elle représentait le peu de stabilité, le peu de douceur qui régnait dans notre immonde foyer. A quatorze ans je compris enfin quel était l’infâme personnage qu’était mon père, Adam Lewis. J’étais ravagé par la haine, la tristesse et ai vécu une période véritablement désagréable. Jusqu’à ce que j'apprenne à jouer avec les apparences, à analyser le comportement des autres. Je me suis, dés lors, construit une carapace, ravalant mes émotions, évitant à tout prix de devenir comme lui. Mon personnage était devenu ma force, je ne voulais plus jamais faire ressortir le gamin dévasté qui sommeillait en moi. Mon père et moi n’avions jamais parlé de la mort de ma mère, mais il devait pertinemment savoir que je lui en voulais. Le voir devant moi, dans cette situation, me rappelait toute cette merde. Je n’avais pas besoin de ça, pas après ce qu’il c’était passé le 10 octobre, pas après que Rob soit parti, non…
Sans lui dire un mot, je le suivais jusqu’à sa voiture, marchant devant lui pour ne pas avoir à lui expliquer quoi que ce soit. Plus vite je serais débarrassé de lui, mieux ce sera. Seulement, il ne voulait pas me laisser repartir de si tôt. Arrivé devant son véhicule de luxe, je ne pu m’empêcher de lui envoyer une pique.
"-Toujours aussi bling-bling, Adam ! Tout dans le porte monnaie, rien dans le coeur..
-Parce que toi, tu en as un, de coeur ?"Je me retournais brusquement, lui arrivant à côté de moi. Tout en ouvrant le côté passager, il repris..
"Je sais pourquoi tu as atterri ici mon garçon. James Devlin m’a appelé lorsqu’il a reconnu ton nom. Il m’a dit que mon fils, mon propre fils, avait commis un viol, s’introduisant sans autorisation chez la victime."Mon coeur fit volte face en entendant ses mots. J’étais à la fois choqué de l’entendre me dire ces paroles sur ce ton moralisateur et choqué par les mots, eux même, si violents et vrais soient-ils. Les yeux écarquillés, bouche bée, je ne pu rétorquer quoi que ce soit, Adam continuant sur sa lancée tout en se dirigeant vers sa place, faisant le tour de la voiture pour ouvrir la porte.
"-Il m’a aussi dit qu’il avait apparemment agit par jalousie, ayant eu une relation amoureuse avec le fiancé de sa victime. Sans parler du fait qu’il était lourdement alcoolisé lorsqu’il a commis ce…
-Stop !!! Arrête !!! J’ai compris, c’est bon !!!"C’en était trop, beaucoup trop. Je ne pouvais plus continuer à l’écouter déblatérer toutes ces choses sur le ton des reproches. Je ne pouvais plus le laisser m’écraser ainsi. J’avais mal, je souffrais énormément. Je savais très bien ce que j’avais fais et pourquoi je l’avais fait ; C’était bien assez dur comme ça pour, qu’en plus, mon salopard de père ose me dire quoi que ce soit. Il n’était pas en mesure de me reprocher mes actes au vu de tout ce qu’il avait commis tout au long de sa vie. Ce mec était pourris jusqu’à la moelle et n’avait pas une once d’empathie pour autrui, et surtout pas pour sa famille, son fils, son propre fils comme il disait si bien…
Les yeux larmoyant, tremblant de rage et en pleine détresse, je le pointais du doigt, commençant à hurler et ce en pleine rue.
"-Ferme là, papa ! Tu n’as aucun droit de me reprocher quoi que ce soit !
-Mais je ne te..
-Ferme là, j’ai dis ! Merde ! C’est fini, je suis plus le gamin apeuré par son abominable père à présent ! J’ai mon mot à dire !"Les larmes coulaient le long de mes joues ; Je ne pouvais plus contenir mes émotions. Pendant ces deux mois de prison, je n’avais pas pu me laisser aller, pas même une seule fois. Le moindre signe de faiblesse m’aurait été fatal face aux autres. Je vivais avec la scène du 10 octobre en tête, jours et nuits, sans pouvoir évacuer, sans pouvoir pleurer, crier, boire, baiser. Je vivais avec le manque de l’être que j’aimais plus que tout au monde, avec cette vérité que je ne le reverrais plus jamais, que plus jamais je ne pourrais le prendre dans mes bras et profiter de ces moments de tendresse qui agissaient tel un antidépresseur sur mon être tout entier. Pendant deux mois, j’ai du ravaler toutes ces choses et là, mon immonde paternel se faisait un malin plaisir de me les renvoyer en pleine face, sans comprendre quoi que ce soit, sans comprendre que son fils était au bord du suicide. Oui, C’en était beaucoup trop.
Mon père m’écoutait, le visage fermé, jusqu’à ce que je rentre dans le vif du sujet, tout en continuant d’exploser publiquement, attirant quelques regards curieux.
"- Rien n’excuse mon geste mais merde !! J’étais amoureux !! Et ouais, amoureux d’un homme qui plus est !! Et je le suis, et le serais toute ma vie ! Ce mec était tout pour moi, il m’a prouvé que j’avais un coeur, que je pouvais aimer, pas comme toi ! Tu n’es qu’un véritable salopard Adam, tu as tué ma mère avec toutes tes conneries ! Tu ne l’a jamais aimé, tu ne connais ni ce mot, ni ce sentiment ! Tu as détruit notre famille et même ton père ! Tu baisais la nounou pendant que maman se taillait les veines, putain !"Furieux et face à ce que je venais de dire, mon père m’attrapa par le col de ma chemise. Me défendant, j’attrapais également le sien dans la foulée. Nous nous agrippions avec rage et nous fixions les yeux dans les yeux. Il serrait les dents, je continuais de pleurer, mon visage terrassé par la tristesse et la haine. Nous restions ainsi pendant trente bonnes secondes, nous apprêtant à nous battre sous le coup de la colère. Cependant, mon père lâcha le premier, reculant brusquement par la suite. Je pouvais lire dans ses yeux à quel point j’avais touché son point faible. Et, alors qu’il s’apprêtait à rentrer dans sa voiture, il fini par me répondre…
"-Je ne veux plus jamais, tu entends ? Jamais entendre parler de toi à nouveau. J’ai fais ce qu’il fallait faire ; Je t’ai sorti de la merde. Maintenant, c’est fini, tu n’es plus mon fils.
-Ça tombe bien, ça fait longtemps que j’ai arrêté de te considérer comme mon père…!"Ainsi, je le laissais s’en aller au volant de sa porche grise, haletant, tremblant, choqué.
Je me retrouvais seule, après avoir fait deux mois de prison pour avoir commis l'impensable. Qu’est-ce que j’allais bien pouvoir faire ? Reprenant mes esprits peu à peu, je fouillais machinalement dans les poches de mon pantalon. J’y retrouvais mon trousseau de clés ainsi qu’une photo, celle que j’avais prise le 10 octobre pour me rendre là où était Rob, l’adresse se trouvant à l’arrière. Il s’agissait d’une des photos prises par le détective ; On y voyait Rob, égale à lui-même, vêtu de noir, au style plutôt rock chic, rentrer dans l’immeuble en question. C’était dur. Véritablement dur. Soupirant, j’embrassais alors la photo puis, par la suite, pris la décision de la jeter dans une poubelle juste à quelques mètres. C’était fini, retour à la case départ.
Ce jour même, j’étais donc rentré dans mon fameux loft dont j’étais le propriétaire. J’avais traversé la ville à pieds, me doutant que ma voiture devait être à la fourrière. Il avait des décorations de noël à travers toute la ville, faisant régner une ambiance familiale et festive. Cette année, il n’y aurait pas de fête pour ma part. Je n’avais jamais aimé célébrer toutes ces choses ; Noël, anniversaire, etc.. Mais là, c’était pire que tout. Je me sentais terriblement seul. Je retrouvais, donc, mon appartement dans le même état que je l’avais laissé avant de partir avec ma voiture, ivre mort ; Ravagé. J’avais détruit tout ce qui s’y trouvait, tout ce qui était à ma portée à ce moment là. C’était un désastre et outre le fait que l’état de ce logement ne ressemblait plus à grand chose, il m’était affreusement difficile d’y remettre les pieds, de me rappeler de ces presque trois années passées aux côtés de Rob. Il me manquait terriblement, à en mourir ; Je devais faire le deuil de cette relation et je savais pertinemment que ça me prendrait beaucoup de temps. Je savais aussi que je continuerais à l’aimer toute ma vie, coûte que coûte. Mais pour pouvoir continuer à vivre, tenter de passer à autre chose, il fallait que je parte d’ici, que je vende ce loft afin d’aller ailleurs, dans un autre quartier de New York, par exemple. Je n’avais, cependant, aucunement connaissance du sort que m’avait réservé ce fameux juge "James Devlin".
En effet, le lendemain matin, après m’être reposé et endormie très tôt la veille, je décidais d’aller ouvrir ma boîte aux lettres afin de prendre le courrier que je devais avoir. N’ayant pas donné signes de vie à l’école d’arts dramatiques où j’enseignais, m’étant fait incarcéré directement, je pensais y trouver un avis de licenciement. J’imaginais aussi trouver d’autres lettres non agréables à lire, dont celle de mon procès. Cela dit, je n’étais pas inquiet étant donné que mon père avait réglé la caution et avait, donc, parlé et soudoyé le juge. Je remontais tranquillement chez moi avec quelques nombreuses enveloppes. Je ne tardais pas à les ouvrir, du moins, celles que je jugeais les plus importantes. Il y avait effectivement un avis de licenciement, rien d’étonnant, bien que cela s’accumulait aux choses que j’avais perdu en l’espace d”un peu plus de deux mois. J’ouvrais une autre enveloppe et découvrais ce qui était écrit ; Il s’agissait de l’heure et la date d’un rendez-vous avec le juge Devlyn lui-même, dans son bureau. Une sorte de médiation pénale, en somme. Je m’attendais à me faire réprimander, mais rien de très sérieux. Peut-être allais-je même avoir quelques tig, qui sait..
En attendant et au vu de ma lourde dépression, je restais cloîtré chez moi, au milieu de tous ces débris que je n’allais certainement pas rangé, préférant appeler et engager des professionnels. Autant vous dire tout de suite les choses ; Je ne m’étais jamais senti aussi mort de l’intérieur. J’avais passé ces quelques jours dans mon lit, la plupart du temps, à la place de Rob. Je sentais encore son odeur sur l’oreiller, ce qui avait le dont de m’apaiser mais aussi, paradoxalement, de me faire encore plus souffrir. Les photos qu’il m’avait offert le 19 septembre étaient également à mes côtés, sur l’autre partie du lit, tenant compagnie à quelques bouteilles de rhum, certaines vides, certaines pleines. Je ne bougeais que pour aller aux toilettes, pas même pour aller à la salle de bain. Mon comportement était similaire à celui, anciennement, de ma défunte mère. Pendant toute mon enfance, et ce jusqu’à sa mort, je ne l’avais vu que dans ce mode végétatif. Une chose était certaine : Seul le manque d’amour pouvait vous rendre dans un tel état, croyez-moi. Ma libido était quasi inexistante et les seul moment où je me branlais me faisait chialer, quelle putain d’image… Parfois, je regardais par la fenêtre, comme si j’attendais son retour. En vain, évidemment.
2 Fevrier 2011, date de ma médiation pénale. J’avais passé ces 39 jours dans la dépression la plus absolue. A vrai dire, je n’étais pas sorti du loft et l’avais même laissé dans l’état actuel des choses, marchant au milieu de bouts de verres et de divers objets cassés. Tout ce que je faisais était de me soumettre aux effets de l’alcool, et ce le plus possible afin de sombrer pour mieux rêver. Car il n’y avait que dans mes rêves que je pouvais de nouveau tenir entre mes mains le visage angélique de mon Rob. Il n’y avait que dans mes rêves que je pouvais poser mes lèvres sur les siennes. Seulement, j’étais bien forcé de sortir de ces rêves pour retourner, un minimum, dans la réalité. J’avais perdu du poids, je ne saurais vous dire combien. Je le voyais dans le miroir de la salle de bain et étais obligé de serrer la ceinture de deux trous de plus. Le simple fait de me préparer à nouveau, de me laver, de me raser, me prenait une énergie monstre. J’avais des cernes, mon visage n’exprimait aucune émotion, morose comme jamais. N’ayant pas pris la peine de récupérer ma voiture, je m’étais rendu au bureau du juge en taxi. Je me sentais totalement à côté de mes pompes, dans un brouillard constant.
J’étais à l’heure, lui en retard ; La secrétaire m’avait fait attendre dans une salle, à côtés de deux autres personnes. J’avais terriblement de mal à rentrer dans mon personnage à nouveau. Terriblement de mal à reprendre mon habituel comportement charmeur. C’est comme si le poids de ce masque m’était trop lourd à supporter, m'écrasant fatalement. Les minutes défilaient et bientôt une heure était passée ; La secrétaire vint alors me chercher, m’appelant par mon nom complet. Je la suivais jusqu’au bureau du dit James Devlyn, apercevant celui-ci au téléphone. Elle partit, me laissant là, droit debout, à attendre que l’autre gros porc finisse son appel.
"Asseyez-vous je vous prie !"Une poignée de main, pas un mot. Je m’assis.
"Et bien, Gary Lewis… Aussi grand que son père, ha ha !"J’avais une irrépressible envie de lui en coller une. Cela dit, j’étais décidé à faire profil bas ; Ce genre de mecs avaient tendance à adorer le léchage de cul. Plus je le brosserais dans le sens du poil, plus vite je serais dehors. Je me contentais d’afficher un sourire aussi faux que froid en guise de réponse, puis le laissais continuer. Il lisait mon dossier, très certainement, tout en affichant quelques grimaces de temps à autre.
"Bon, c’est pas joli joli tout ça… Qu’est-ce qui vous a pris ? Entre nous, ne me dîtes pas que c’est réellement à cause de cet homme, Robin Millz..."Reprenant peu à peu le contrôle de mon être, mes réflexes d’acteur me revinrent naturellement. J’allais le baratiner, le travailler, lui montrer le Gary qu’il voulait voir puis basta.
"-Ha ha ! On ne peut rien vous cacher monsieur Devlyn.. En effet, rien à voir avec ce garçon, Millz. Non.. Disons que j’avais couché avec cette fille, Gloria. Je voulais simplement la revoir.. Je suis arrivé chez elle et quand je l’ai vu avec un autre homme, j’ai…
-Perdu le contrôle, mh ?
-... C’est ça, perdu le contrôle.
-Je vois. Jalousie, quand tu nous tiens !"Je bouillonnais intérieurement. Ce porc faisait parti de cette catégorie de connards à voter Georges Bush, raciste, homophobe et ultra conservateur ; Tout ce que je haïssais, en somme. Je l’avais analysé en quelques secondes, comme j’analysais n’importe quelle personne lambda. Ça me permettais d’agir en conséquence, de me déguiser afin de leur ressembler le plus possible. J’étais manipulateur, autant que ça me serve.
Je riais faussement en même temps que lui, le laissant déblatérer un tas de conneries à la hauteur de son intelligence. Tout ce que je voulais c’était qu’il me foute la paix, qu’il me dise une fois pour toute ce que j’allais devoir faire ou subir, puis me casser d’ici.
"-Monsieur Devlyn, je regrette sincèrement mon geste. Je comprendrais votre décision et exécuterais le travail forcé que vous allez me donner.
-Du travail forcé ? Oh non, aucun Lewis ne fera de travaux forcé, du moins pas tant que j’exercerais !
-Ah ? Mais… J’imagine que je ne vais pas m’en sortir sans rien, n’est-ce pas ?
-Ça serait trop beau, effectivement mon garçon ! Cela dit, je me suis arrangé pour que vous ayez la peine la moins lourde possible.
-C’est à dire ?
-C’est à dire ; Interdiction de résider sur le territoire New-Yorkais jusqu’à nouvel ordre plus interdiction d’approcher mademoiselle Howel et monsieur Milz à moins de 800 mètres chacun.Tout ça à compter de 6 mois de prison avec sursis. "Cette annonce eu le même effet qu’un coup de massue sur le crâne. Je ne m’y attendais absolument pas. M’affalant dans le fond du siège où j’étais assis, me frottant le front, je n’arrivais pas à y croire. Moi qui étais New-Yorkais, amoureux de ma ville natale, je ne pensais pas une seconde devoir faire ma vie ailleurs. Apeuré face au changement, apeuré de me retrouver définitivement loin de Rob, de ce qui me rattachais à notre histoire. Sans avoir le temps de répondre, le gros lard continuais.
"-Ah, et j’allais oublier ; Vous aurez l’obligation de vous faire soigner et de voir un psychiatre.
-Mais… Où vais-je aller ? Ici, c’est ma vie !
-Mon garçon, ça, ce n’est pas mon problème."Ainsi, je devais quitter ma vie pour en recommencer une autre ailleurs. Je devais dire adieux à tout ce qui faisait de moi Gary Adam Lewis. Devoir tirer un trait sur 33 ans de vie et ce en quelques jours seulement. J’avais un délai d’une semaine à respecter fermement, sans ça je risquais de retourner en prison. C’était fini, tout était terminé, je n’avais rien à dire et seulement mes yeux pour pleurer, encore une fois.
J’avais donc passé une semaine à ranger mon loft, à faire mes valises, ne prenant que mes vêtements et le strict nécessaire. Je ne savais pas si j’allais pouvoir revenir un jour, je ne savais pas non plus ce qui m’attendait ailleurs.
Juin 2011, BostonJe n’avais pas réfléchi longtemps. J’étais interdit sur le territoire New-Yorkais et l’état le plus proche de celui-ci était le Massachusets. Je choisi la capitale, Boston. Une ville plutôt sympa qui m’était complètement inconnue. Je n’ai pas grand chose à vous dire sur cette période ; Je me suis reconstruit petit à petit, tout en sachant qu’ici, personne ne me connaissait. Pas même en tant qu’acteur. J’avais carte blanche et pouvait me construire un nouveau personnage, mais quelle importance ? Mes bon vieux réflexes de grand charmeur et de manipulateur revinrent au galop et je ne mis que très peu de temps à retrouver mon masque, cachant mes émotions au plus profond de mon être, cachant ma vraie personnalité. Tout comme à mes débuts, ma vie reprenait doucement son cours mais, cette fois-ci, je faisais très attention à ce que personne, je dis bien personne, n’essaye de lire en moi comme Rob l’avait fait à mon insu. Je redevenais Gary, professeur de théâtre réputé de la plus grande école d’arts dramatiques de Boston. Mon passé n’apparaissait pas sur mon dossier, je pouvais remercier les milliers de dollars que j’avais donné au juge, en plus du pot de vin qu’il avait reçu, pour pouvoir être invisible et blanc comme neige. Du moins, aux yeux de l’éducation nationale. Je louais un appartement aussi grand que celui de New York, mais n’en n’étais pas le propriétaire. Je ne voulais plus laisser de traces et ce n’importe où où j’allais. Je n’aurais comme seul ami que mon reflet dans le miroir, je n’accorderais plus aucune confiance à qui que ce soit et mon coeur ne serait plus jamais libre. Ça, c’était mon nouvel état d’esprit. J’avais l’obligation de suivre une thérapie et le psychiatre que je voyais dans cette ville m’avait diagnostiqué nymphomane, comme si il s’agissait d’une maladie. Tu parles… J’ai toujours aimé le cul, je ne m’en suis jamais caché et mes partenaires m’ont toujours remercié, alors où était le problème ? En plus de ce diagnostique en carton, j’étais soit disant pervers narcissique. Ravis de l’apprendre. Ces séances étaient vraiment casse pieds, elles le sont toujours d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, je reprenais doucement goût à la vie, goût au pouvoir, goût à la maîtrise de sois et surtout des autres. Les autres étaient redevenu mes pions, j’étais à nouveau le maître du jeu. Comme si la vie n’était qu’une gigantesque compétition. Le connard que Rob détestait tant était de nouveau d’attaque, de nouveau sur pieds, encore plus qu’avant, plus que jamais… Mais au fond, tout ce manège mis en place était le seul moyen que j’avais trouvé pour continuer à vivre, continuer à respirer et à baiser chaque individu qui croisait ma route. J’étais fatalement né pour détruire, né pour consommer et me consumer.
35 ans, année 2012, Cambridge.Après deux années passées à me retrouver, il était temps pour moi de déménager à nouveau. Ma candidature à l'université d'Harvard ayant été retenue, j'avais même plutôt hâte de découvrir ce qui m'attendais dans cette fameuse école ; Harvard.