Vivre dans le remord, la peine et la tristesse ? C’est ce qu’elle vivait depuis un mois. Trois longues semaines. Elle connaissait par cœur les couloirs de l’hôpital, tellement qu’elle aurait pu y aller les yeux fermés. Elle s’en voulait, elle se haïssait, elle aurait dû vérifier sa voiture avant de partir. Elle ne dormait plus la nuit, elle vivait à l’hôpital. Elle vivait dans l’espoir qu’il reviendrait, qu’un jour en arrivant après avoir pris une douche, elle le verrait assis, son éternel sourire en coin dressé sur les lèvres. Mais non. Cela ne s’était jamais produit. Entrant dans la chambre où se tenait Reed, elle s’asseyait sur le siège à côté du lit et lui saisissait doucement la main. « Tu me manques. Je suis désolée. Tellement désolée. » Cela ne le ferait pas revenir, elle le savait, elle n’arrêtait pas de s’excuser mais rien n’y faisait. Elle venait de sortir de cours, la vie était beaucoup plus difficile sans lui. Elle n’arrivait pas à se dire que tout était de sa faute, essuyant les larmes qui coulaient abondamment sur ses joues, elle entrelaçait ses doigts avec ceux sans vie de Reed. Sa vie se rythmait au bip des machines qui pourrait encore une fois de plus faire basculer sa vie dans une spirale infernale, une spirale sans nom qui lui boufferait la vie. Qui la consumerait petit à petit. Devant le corps inanimé de l’homme qu’elle aimait, elle attrapait une feuille de papier qui traînait dans sa pauvre besace et entreprenait l’écriture d’une lettre. Une lettre ou elle lui expliquerait tout.
« Reed,
Voilà un mois que tu es sur ce lit d’hôpital, cet hôpital dont je connais les moindres recoins. Je sais que tu vas me trouver lâche, vulgaire et méchante, mais je ne peux pas. Je ne peux plus te voir comme cela, inanimé sur ce lit blanc, branché à des machines, ces machines qui te maintiennent en vie pour le moment. Non je ne peux plus, je suis à bout de forces. Il ne reste plus beaucoup de temps avant les diplômes, alors je vais obtenir –ou non- mon diplôme et je vais partir. Je vais partir, parce que je suis responsable de tout cela, je suis responsable de ce qui t’arrive, je suis responsable de ce putain d’accident qui t’a plongé dans un état végétatif d’un mois. Chaque jour, je suis venue, chaque jour je repartais en cours faire acte de présence, et chaque jour je revenais ici, en espérant que tu sois la, avec ton sourire en coin à me regarder avec ton regard qui m’a toujours fait craqué. Ton regard dans lequel je pourrais plonger mes yeux pendant toute une journée. Je veux que tu sois heureux. Je sais que tu ne pourras pas décemment me pardonner, mais pourtant j’implore ton pardon, je me sens stupide. Stupide de devoir écrire ses mots. Les larmes mouillent le papier et pourtant, cela ne fait pas évacuer toute la tristesse qui a rempli mon âme. Elles ne font qu’empirer mon état d’esprit. Je veux que tu saches, que tu saches que je t’aime, que je t’aimerais toujours. Et que la vie sans toi me semblera fade, parce que je ne vois pas ma vie sans toi.
Avec tout mon amour.
Hurricane. »
Déposant le papier aux côtés de Reed, elle demandait aux infirmières de la prévenir si jamais il se réveillait. Même si elle ne viendrait pas le voir, elle serait heureuse de le savoir en vie.
8 ans plus tard ; LOS ANGELES. Hurricane était assise sur la terrasse de sa maison, son fils sur ses genoux, elle tentait tant bien que mal de corriger ses copies. Berçant le petit, elle raturait, pestant contre elle-même. Elle ne supportait pas ce lycée de taré et pourtant elle continuait à y enseigner. Un homme brun se tenait derrière elle, lui embrassant la nuque « bonjour mon amour. » Elle le gratifiait d’un sourire et l’embrassais avec douceur. Tendant l’enfant à son fiancé, elle lui demandait si il pouvait s’en occuper. Rangeant ses copies, elle regardait la copie double qu’elle avait gratifié de mots plus douloureux les uns que les autres. Montant dans sa chambre, elle sortait une boîte de son armoire. Cette boîte qu’elle avait depuis huit ans. Une boîte décorée de photos en tout genre d’elle et Reed, cette boîte qu’elle emporterait jusque dans sa tombe. Elle ne l’avait jamais oublié. Insérant la missive dans une enveloppe elle la gratifiait du numéro 1000. Elle avait écrit mille lettres depuis son départ de New york.
« HURRICANE ! Viens voir ! » Ne prenant pas la peine de refermer la boîte, elle descendait les escaliers et regardait son fils qui faisait ses premiers pas. Tapant dans les mains, elle souriait et l’attrapait pour le câliner.
« Cox Tom Wheeler, je suis si fière de toi. Mon petit amour. » Déposant son fils parterre, elle n’avait pas vu que Matthew venait de monter. Et elle ne l’avait surtout pas vu redescendre.
« C’EST QUOI CETTE MERDE ? » Il tenait dans ses mains la boîte qu’elle avait ouverte quelques temps plus tôt.
« C’est … rien. » « RIEN ? TU TE FOUS DE MOI ? RIEN ? » Il prenait l’un des lettres qu’elle avait écrite.
« REED, LES JOURS ME SEMBLENT UNE ETERNITE SANS TOI, JE VEUX BIEN SUIVRE MES RÊVES, MAIS TOUT MES RÊVES SE RAPPORTENT A TOI ? ET TU APPELLES SA RIEN TU TE FOUS DE MOI ? » Les larmes déferlaient une fois de plus le long de son visage. Elle ne savait pas quoi dire.
« ET SA ? C’EST QUOI SA BORDEL ? REED, JE T’AIME PARDONNE-MOI. ET CES PHOTOS ? C’EST QUOI ? C’EST QUI CE MEC PUTAIN. » Hurricane arrachait la boîte des mains de Matthew et le fixait.
« C’EST PERSONNE. » « DEGAGE. DEGAGE SALE TRAINÉE. PREND TON MIOCHE ET DEGAGE. JE ME FERAIS UN PLAISIR DE SAUTER TA MEILLEURE AMIE. ELLE EST TELLEMENT MOINS CONNE QUE TOI. » La main d’Hurricane venait de s’écraser contre la joue de Matthew. Furieuse, elle montait les escaliers et préparer ses valises. Elle venait de recevoir une lettre de mutation pour Harvard. Elle se demandait si elle allait accepter, elle allait le faire. Elle allait encore une fois changé de vie. Et peut-être que cette vie sera enfin la meilleure. Une vie sans homme, seulement avec son fils qu’elle aimait. Elle allait prendre un nouveau départ. Elle allait tout oublier et recommencer, comme elle l’avait fait huit ans plus tôt en partant après son diplôme. Elle ouvrait désormais un nouveau livre dont les pages blanches lui rappelaient les missives qu’elle avait écrites à Reed. Désormais, elle avait choisi de vivre au jour le jour.
VINGT TROIS OCTOBRE 2011 ; « Reed,
J’ai pris un nouveau départ, c’est la mille deux centième lettre que je t’écris, et je te l’enverrais toujours pas, mais j’ai pris un nouveau départ. J’enseigne le design à Harvard. Toi seul sait que j’aimais la mode plus que quiconque. Cox a bien grandi, il marche maintenant. Il devient grand. Tu me manques, j’espère que tu es heureux. Moi je le suis, enfin pas totalement. Je vis dans un appartement, c’est loin d’être le luxe, mais j’attends d’être bien intégrée ici pour pouvoir acheter une maison. Avec un jardin. Comme on aurait toujours voulu. Tu me manques. Je m’en veux tellement, je te l’ai dit beaucoup je le sais, mais je me répète.
Avec tout mon amour.
Hurricane. »