Nous sommes à Rye, au sud de l'Angleterre. C'est dans ce charmant village que la petite famille Piwoods habite depuis des générations. Elle est ici réputée comme une des famille les plus sympathiques et adorables que nous puissions connaître. Aujourd'hui, les derniers Piwoods en lice sont un couple de cinquantenaire et leur fille chérie unique : Primrose. La petite famille avait tout pour être heureux, d'ailleurs ils l'ont toujours été. Primrose était partie pour suivre cette lignée familiale, pleine de sympathie et d'altruisme. Ses parents la chérissaient et jamais il n'y a eu d'ombre sur le tableau de sa jeune existence. Équitation, flûte traversière, toutes les choses que la petite fille rêvait de faire lors de son temps libre et que ses parents lui ont permis de faire, cela dit ce n'est pas pour autant que ça a transformé la jeune Piwoods en une capricieuse pourrie gâtée, bien au contraire. Cependant, Primrose a toujours rêvé d'une chose : voir au-delà de Rye. Alors âgée de 18 ans, elle n'a jamais eu l'occasion d'aller à plus de 30km aux alentours. Ses parents étaient enracinés au village, il n'était pas question pour eux de s'y éloigner, et il était pour eux évident qu'il en était de même pour leur fille. Au début, elle ne se plaignait pas d'habiter à Rye bien au contraire, elle qui y avait développée une grande passion pour les fleurs et plantes, ce village étant un véritable bouquet de fleurs géants. Mais à l'obtention de son diplôme, Primrose ne souhaitait qu'une chose : faire des études. Et loin.
Pour le père de Primrose, il était convenu dans sa tête qu'après le lycée, sa petite fille désormais devenue une jeune femme reprendrait l'affaire familiale, la chocolaterie du village. Si pour lui c'était une évidence, c'était loin d'être le cas pour Primrose, qui refusait catégoriquement de finir sa vie dans le village qui l'a vu naître et en pourrissant dans une chocolaterie. D'autant plus qu'elle détestait le chocolat, ça n'avait pas de sens. La jeune fille décida alors de parler de ses désirs à sa mère, qui a toujours su être une oreille attentive pour sa fille. Si sa mère s'est rapidement mise de son côté, ça n'allait pas être une mince affaire pour son père, tellement attaché à son patrimoine familiale. Mais tellement obnubilée par ses convictions et son souhait de partir d'ici pour ses études, Primrose décida d'en parler à son père. "Papa, je veux faire des études.. Loin d'ici." Se sont ces quelques mots qui ont plongé le père Piwoods dans l'incompréhension complète. Il était persuadé que c'était de sa faute, qu'il n'avait pas réussi l'éducation de sa fille. Il lui aura fallut plusieurs semaines avant qu'il n'intègre la réalité, et qu'il comprenne que ce n'était pas une erreur d'éducation, mais un souhait tout à fait logique. Il était temps pour la petite dernière de la famille Piwoods de voler de ses propres ailes, et d'emprunter une voie que jamais aucun Piwoods n'avait jamais osé prendre.
C'est à Oxford, et ce grâce à ses résultats excellents et sa scolarité parfaite que Primrose débutera sa vie étudiante, avec comme objectif de devenir Professeur de Botanique, le rêve. C'est aussi le début d'une nouvelle réalité pour la jeune femme. Alors habituée à ce que tout le monde soit sympathique et empathique, son arrivée à Oxford lui a fait prendre une claque. Alors de nature ouverte et joviale, Primrose développe une grande timidité et reste très réservée ici. Il lui a fallut plusieurs jours avant que quelqu'un ne la remarque. Elle avait une sorte de peur, elle qui avait l'habitude que tout se fasse naturellement, c'était un changement radical. Elle n'avait pas mesurée à quel point c'était un changement de vie, et pas juste un passage de lycéenne à étudiante. C'est une autre face d'elle-même qu'elle découvre, et c'est généralement ce qui arrive quand nous changeons de réalité. Lors de son passage à Oxford, elle se concentre sur ses études, et étant introvertie, elle ne cherche pas vraiment à s'ouvrir aux autres. Cependant lorsqu'on lui adressait la parole, on s’apercevait que la Primrose d’antan n'était pas du tout partie, répondant toujours avec une extrême gentillesse. C'est ce qui lui a valut de ne pas être entièrement seule lors de son passage à Oxford. Elle était même plutôt bien entourée sur la fin, le peu de fois où les gens lui parlaient, ils la trouvaient si attachante et adorable qu'il n'en fallait pas plus pour elle afin de se faire de nouveaux amis. Heureusement pour elle d'ailleurs. Lorsqu'on voit la difficulté que la jeune femme possède à se faire des amis, on est en droit de se poser la question "Comment ça se passe au niveau amoureux ?" Eh bien tout simplement : ça ne se passe pas. Vide. Rien. Niente. Néant. Primrose était si timide et, on peut le dire, coincée car pas du tout renseignée sur le sujet qu'elle n'a jamais envisagée une relation avec un garçon. Elle était complètement noob niveau mec. Il n'est donc pas surprenant qu'une fois arrivée au terme de ses études, Primrose était encore vierge.
Primrose a 26 ans, et après des années d'études, la voilà maintenant en route vers une nouvelle étape de sa vie : Professeure de botanique à l'Université. Une fois encore, ses résultats obtenu lors de son cursus à Oxford ont été remarquables. Si remarquables que ça n'a pas été difficile pour elle concernant le choix de l'Université où elle souhaitait enseigner, toutes les portes lui étaient ouvertes. Mais Piwoods un jour, Piwoods toujours, elle décida d'enseigner ... à Oxford.
(PDV Primrose)
J'avais peut-être choisi l'option de facilité, mais je me sentais si bien à Oxford, et puis c'est exceptionnel d'avoir la chance de faire cours à Oxford ! Pour moi c'était une évidence que mon avenir allait se passer ici. Mais j'avais beau être en terre connue, j'avais le plus grand mal à me faire à l'idée que je vais devoir me confronter à une grosse poignée d'élèves afin de leur apporter mon savoir. C'est un point sur lequel je n'ai pas réfléchis. J'avais déjà du mal lorsque j'étais étudiante d'aller vers les autres et leur adresser la parole, alors me faire entendre et respecter par une centaine d'élèves par jour c'était pas gagné, surtout les premiers jours. C'est évidemment avec la plus grosse anxiété que je n'avais jamais connue que je me suis rendu à mon premier cours le premier jour de septembre. Je ne me souviens pas vraiment de cette journée, juste de comment je l'avais abordé. "Bonjour à tous ... euh ... Je suis Primrose ... enfin je veux dire Mrs. Piwoods, je suis là pour vous apprendre la botanique et tout ce qui ... enfin l'étude végétale et .. voilà." Plutôt pitoyable comme entrée en scène hein ? En tout cas ça avait le mérite d'amuser les premiers étudiants que j'avais eu à affronter les premiers. L'un d'entre eux avait cependant eu le talent de me mettre à l'aise, c'était pourtant peine perdue, je me sentais si mal à l'aise et timide. Une chose est sûre, j'allais avoir du mal à imposer mon autorité. Mais cet étudiant là, il avait réussit à rendre mes premiers pas de professeure beaucoup moins chaotique, du moins lorsque je l'avais parmi mes élèves. Il s’appelait Peter, même si conventionnellement c'était Monsieur Masters. Pendant 4 ans il a suivit mes cours de botanique, 4 années durant lesquelles il en profitait pour me donner des conseils en fin de cours afin de perfectionner mon attitude et ma façon d'enseigner, la plupart des professeurs se sentirait offenser qu'on puisse remettre en question leur façon d'enseigner surtout à Oxford, mais moi en ce début de carrière j'étais ouvert à tout conseils. Bien évidemment entre M. Masters et moi il y avait une frontière stable prof/étudiant ... Du moins il y en avait une les trois premières années.
4e rentrée de ma carrière. Même si j'ai toujours du mal à imposer mon autorité, il paraîtrait qu'on me trouve bien trop gentille et attachante pour qu'on puisse profiter de ce manque d'autorité. Et selon moi j'ai bien progressé par rapport à ma timidité. Mais ce qui m'inquiétait surtout, c'était Peter. Une alchimie s'est réellement créée entre nous, mais je m'interdis formellement d'avoir ne serait-ce qu'un regard ou une attitude qui pourrait semer le doute. Je suis professeure, c'est un élève, je n'ai pas le droit de franchir cette barrière. Je gardais mon ressentit pour moi, même s'il était évident qu'il le partageait. Il m'a avoué qu'il avait prévu de prendre ce cours de botanique que pendant un semestre, il commence aujourd'hui son cinquième semestre. Il m'a aussi avoué il y a quelques mois qu'il avait continué pour moi. C'est à partir de là que j'ai refusé tout contact avec lui en dehors du cadre scolaire. Ma 4e année s'est déroulée comme les précédentes, comme une jeune prof qui fait de son mieux. ça fait plus d'un an que je n'ai pas parlé à Peter autrement qu'à titre d'enseignante. Mais l'été qui a suivit cette année avait absolument tout changé. Pour la simple et bonne raison que j'ai finis dans le lit de Monsieur Masters. Plus si vierge la Miss Piwoods. Nous nous aimions si fort que lorsque nous nous sommes vu cet été il était impossible de résister. Même après l'avoir fait, je ne ressentais aucune honte. J'étais une femme après tout, mais la chose que j'ai réalisé c'est que ce n'était professionnellement pas acceptable du tout. C'est pourquoi le matin qui a suivit notre rapport, j'ai mis carte sur table. "Je suis professeure, tu es élève. Il faudra se maintenir à cette limite Peter ... Je veux dire Monsieur Masters. Tu sais à quel point il est dur pour moi d'enseigner avec ma timidité, mon manque d'autorité et cette gentillesse qui ne m'aide pas à m'imposer. Je n'ai pas besoin d'une telle ambiguïté avec un élève en plus de ça." Ce seront les derniers mots que je lui adresse à titre privé.
Rentrée 2015. Je suis consciente que cette année sera compliquée. J'ai eu un rapport avec un étudiant à qui je fais cours, c'est interdit et je m'en rends bien compte. Le fait est que cette histoire me fait culpabilisé lourdement, jusqu'à me perturbé dans mon travail, surtout quand je l'ai en face de moi en cours. Les premiers mois furent compliqués, mais plus le temps passait et plus je n'arrivait pas à m'appliquer dans mon travail et ma passion. Je n'avais pas le choix, pour retrouver une certaine sérénité je devais m'en aller. Et pas dans l'Université d'à côté, je devais partir loin. C'est pourquoi j'ai pris la lourde décision d'aller étudier à Harvard au prochain semestre en janvier, à des milliers de kilomètres de chez moi. Plutôt ironique quand on est issue d'une famille qui a du mal à s'éloigner de plus de 30km de son village. Mais j'ai besoin de cette nouvelle vie, de ce changement qui me fera certainement découvrir le monde d'une manière complètement différente. Aujourd'hui je pars, pleine d'espoir et de motivation de l'autre côté de l'océan, où la nouvelle moi m'attend.