► A la croisée des chemins [Libre]

Brisé. Je déambulais dans les rues désertes de Cambridge. Il devait être cinq heures du matin et pourtant, le jour avait déjà pointé le bout de son nez. Chaussure en main, mes pieds nus frôlaient le dur béton. Le cœur en alerte, j’aspirais chaque gorgée d’air avec difficulté. Dans une léthargie déconcertante, j’approchais de mon ancien appartement, mais une fois arrivé devant, je m’arrêtais. Mes illusions s’envolèrent. Revenant à la réalité, je me rappelais que ce lieu n’était plus mon chez moi. Mon milieu m’avait tourné le dos. Fort heureusement, mes études étaient préservées. Délicate ironie. Les mains tremblantes, je finissais par m’assoir sur le bord du trottoir. Peu importe du regard des autres. Désormais, je n’étais presque plus personne, n’est-ce pas ?

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Je venais de faire un cauchemar horrible. Je tremblais. Je pleurais. J'étais dans un état inimaginable. J'avais encore rêvé d'elle. Linda. Ma soeur qui est décédée dans l'explosion de la bombe. Il était tôt. Le soleil n'était même pas encore levé et les rues étaient désertes. J'avais besoin d'air, besoin de marcher. J'étais totalement désorientée je ne savais même pas où j'allais. Soudain je fus prise d'un lourd vertige et je ressenti le besoin de m'asseoir un instant. C'est à ce moment que je remarquais une jeune femme assise sur le trottoir. Elle avait l'air aussi perdue que moi. Sans réfléchir je m'assis près d'elle. Sans un mot. Sans un bruit. N'osant pas percer le règne du silence.

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Silence morbide, seul le bruit du vent venait percer ses barrières. Comment en étais-je arrivé là ? Est-ce que nos actions pouvaient avoir des conséquences tardives ? Parlait-on réellement du triple choc ? Je n’avais jamais été ce genre de personne qui se lamentait sur son sort. Pourtant ce matin, j’avais changé de camps. Comme un froissement, je sentie la présence d’une personne. A mes côtés, elle semblait aussi silencieuse que moi. Dans ce genre de situation, je devrais être effrayé. Néanmoins, ce ne fut pas le cas. Relevant le visage, je vis de longs cheveux bruns sur le côté. Savoir que c’était une jeune femme, était plus rassurant. « Nuit difficile.. » murmurais-je.

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Soudain je la senti frissonner sans doute avait-elle ressenti ma présence. Mais je continuais à regarder tristement le sol. Elle releva le visage pour me regarder puis me murmura « Nuit difficile.. » Nuit difficile ? Elle ne pouvait pas s'imaginer à quel point la mienne avait été éprouvante. Elle venait de briser le silence qui pesait sur nous, ce qui m'aurait énervé d'habitude mais qui m'avait tout compte fait soulagé. Je décidais alors de relever la tête et lui répondit "Question d'habitude..." J'attendais une réponse de sa part. Sa présence me faisait étrangement du bien. J'avais envie de me confier à elle, de lui parler de ma soeur. Mais en même temps, je la connaissais à peine. Pourtant elle m'inspirait confiance. Elle semblait toujours perdue dans ses pensées alors je me suis jetée à l'eau: "Qu'est ce qu'il t'arrive, à toi ?"

Une question d’habitude ? Restant silencieuse, je ne lui posais pas de question miroir. Tout comme moi, elle n’avait pas l’air de vouloir parler. Assise sur ce trottoir, je me sentais complètement vide. Après la terrible annonce de mon père, je connaissais le sentiment de rejet. Etant trop fière, je n’avais pas appelé mon jeune oncle d’Angleterre. Lui aurait pu me prêter de l’argent, mais je ne voulais pas. L’argent des Rothschild, non merci. Ironique de la part de l’héritière de leur empire. La jeune femme à mes côtés me surprenait avec sa question. Retenant un léger sursaut, je continuais de fixer droit devant moi en lui répondant. « Histoire de famille. On dit qu’une erreur est pardonnée, mais apparemment, c’était un mensonge. » Ce n’était pas dans mon habitude de parler ainsi. Surtout à une inconnue, mais aujourd’hui, j’avais dépassé le stade de la préoccupation.

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Je ne pensais pas qu'elle serait du genre à se confier à moi, une fille qu'elle ne connaissait même pas. J'avais osé la question comme ça, par hasard et surtout parce qu'elle me brûlait les lèvres. Mais contrairement à ce que j'avais pu penser, elle répondit à ma question: "Histoire de famille. On dit qu’une erreur est pardonnée, mais apparemment, c’était un mensonge." J'étais devenue curieuse. J'avais envie de connaître son histoire et bizarrement j'avais envie de l'aider. Après tout, on avait rien de mieux à faire que de se raconter nos soucis à cette heure ci. Mais j'avais peur de devoir parler de ma terreur nocturne une fois qu'elle se serait confier...Cependant, je lui dis quand même: "Les problèmes de famille, ça me connait... Tu veux en parler?"

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Je n’étais surement pas la seule à avoir des problèmes de familles. Les miens pourraient paraitre minime comparé à certain. Seulement, c’était déjà trop pour moi. Je venais d’un clan soudé. Même si les secrets étaient présents, nous ne restions pas moins une famille liée. La jeune femme me proposait d’en parler. Cependant, elle n’avait rien dit sur elle. Alors, devrais-je me livrer plus ? Cela tenait à la logique. C’était une question de confiance. « Et toi ? Qu’est-ce qui t’amène ici ? » C’était une façon polie de lui faire comprendre le deal.

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"Et toi ? Qu’est-ce qui t’amène ici ?" C’était donc ça le deal ? Je devais me confier pour en savoir plus. A vrai dire, c'était tout à fait sensé. Mais comment confier mes peurs sans me noyer dans mes pleurs. Je n'en avais jamais parlé. Ma soeur était mon secret. Mais un final, je n'avais rien à perdre. J'étais dans un état second. Peut-être que le fait d'en parler me ferait du bien? Je me lançais donc: "J'ai fait un cauchemar..." La jeune femme leva la tête vers moi et me regarda, intriguée. Je plongeais mes yeux droit dans les siens comme pour dire "A ton tour."

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Un cauchemar ? A en juger par son regard, elle n’était pas prête à en dire plus. Ce que je respectais tout à fait. Néanmoins, pour que j’en dise plus, elle allait devoir faire des concessions. Etrangement, parler à une parfaite inconnue m’étais plus rassurant que de parler à un ami. « J’ai couché avec une connaissance de mon père et il la découvert » disais-je presque naturellement avec une certaine lassitude. On parlait d’un homme d’une quarantaine d’année. Secret que j’avais longtemps gardé. Cet acte m’avait forcé à rompre mes fiançailles avec mon ancien petit ami prometteur de Yale. J’avais réussis à passer sous silence ce secret, mais apparemment, mon père avait réussis à le déterrer.

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"J’ai couché avec une connaissance de mon père et il la découvert." J'étais de plus en plus intriguée. J'avais envie d'en savoir plus et de l'aider. J'avais tellement de questions en tête. Mais je savais bien que si je voulais qu'elle continue, je devais me confier à mon tour. Et bizarrement, j'en ressentais l'envie, le besoin. J'avais envie d'en parler avec elle. A vrai dire, sa présence m'apaisait. "Ma soeur est morte dans l'explosion de la bombe... C'est d'elle que j'ai rêvé..."

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