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The savior.
« Elle appelait ça, une mort créative. Un suicide, sans mort. Mourir sans disparaître. Disparaître sans mourir. J’ai dû tout apprendre, et j’avais oublié le plus important. C’est d’apprendre à mentir. À tricher. »
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Encore une journée de cours qui ressemblait étrangement aux autres, mais au moins, pendant ce court laps de temps qui lui était accordé, elle pouvait prétendre s’échapper de chez elle, s’enfuir de cette maison où elle était détenue, malgré elle, telle une prisonnière. Après avoir fini son dernier cours de la journée, elle jeta un rapide coup d’œil à sa montre ; elle avait encore le temps. Elle n’était pas obligée de rentrer immédiatement. Une pile de livres sous le bras, elle arpentait les couloirs de cet imposant bâtiment à la recherche d’une salle vide, où elle pourrait travailler tranquillement. Seule. Elle n’était pas du genre à rechercher de la compagnie, elle n’était pas du genre à vouloir attirer l’attention, se faire remarquer, non, elle aimait bien se fondre dans la masse, longer les murs dans l’espoir qu’on ne prête pas attention à elle. Invisible. Transparente. Le comble pour celle dont le corps était recouvert de tatouages. Une véritable œuvre d’art, dont chaque parcelle de peau était teintée de cette encre indélébile. Elle se hissa sur la pointe des pieds, essayant tant bien que mal d’atteindre la vitre de la porte, afin de voir si oui ou non, cette salle était belle et bien vide. Ce qu’elle vit à travers ce carreau la fit tressaillir. Elle n’en croyait pas ses yeux. Incroyable. Peut-être était-elle en train de rêver, une fois encore, peut-être était-ce le fruit de son imagination, une nouvelle fois. Elle n’en était pas sure, elle n’était sure de rien, à vrai dire. Alors, comme pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas là d’un mirage, elle posa sa main contre la vitre et fronça les sourcils, essayant d’obtenir une image nette de cet individu. Cet inconnu qui venait maintenant la hanter la nuit, dans ses rêves. Cet inconnu qui lui avait sauvé la vie, ou du moins, c’était sa version de l’histoire, elle n’en était pas certaine. Elle ne s’en souvenait plus clairement. Peu importe. Elle mettait de plus en plus de poids contre cette porte, collant maintenant son nez contre la vitre. Il avait l’air si réel. Absorbée dans ses pensées, elle ne remarqua pas tout de suite que la porte était légèrement entrouverte et que de ce fait, sous son poids, celle-ci commençait à s’ouvrir … Seulement quelques centimètres … Jusqu’à ce qu’elle s’ouvre en grand. Prise de surprise, elle se retrouva par terre en moins de temps qu’il faut pour le dire ; son corps frêle et délicat s’abattant contre le sol dans un bruit sourd. Paf. Dans sa chute, elle avait lâché ses livres de cours, qui gisaient maintenant un peu partout autour d’elle, afin de pouvoir se rattraper avec ses mains. Putain, c’est pas vrai ! Elle resta ainsi quelques secondes seulement, juste le temps de réaliser ce qu’il était en train de lui arriver. Elle se redressa ensuite, sur les genoux, et commença à ramasser les livres de part et d’autre de son corps, tel un champ de bataille. Elle avait terriblement honte, elle n’osait même pas relever son regard dans celui de cet inconnu. Ses joues s’empourprèrent sous la gêne. « Je … Je … Désolée. J’suis vraiment maladroite. J’voulais pas … Non, j’voulais pas vous déranger » qu’elle balbutie de sa voix douce, tant bien que mal. Elle avait bien du mal à aligner deux mots, la malheureuse. Elle avait toujours la tête baissée, les yeux rivés vers la pile de livres qu’elle avait maintenant rassemblés devant elle. Si ça se trouve elle parlait toute seule, si ça se trouve il n’était même pas là, son sauveur, son ange gardien, son mystérieux inconnu. Peu importe, elle était bien trop dans l’embarras pour s’en assurer. Prenant appui sur la table à côté d’elle, elle parvint à se relever tant bien que mal, lâchant la pile de livres sur celle-ci. Lourds, ils étaient bien trop lourds pour ces bras frêles et fragiles. Inconsciente. Malgré elle, prise d’une curiosité malsaine, elle finit par relever son doux visage et le voir, lui. Ses joues devinrent encore plus rouges, les battements de son cœur s’accélérèrent, et sa respiration devint plus saccadée. Il devait certainement la prendre pour une folle. Peu importe, elle avait l’habitude. Elle avait appris à vivre avec le regard des autres. Elle posa sa main du bout des doigts sur la surface lisse de la table, et pencha légèrement sa tête sur le côté, guettant cet homme de ses grands yeux d’enfants. Telle une petite fille émerveillée par le spectacle qui se dressait devant elle. Alors comme ça, elle n’avait pas rêvé, il était bel et bien réel. Vivant. Pas comme pouvait l’être son ami imaginaire. Elle ne put s’empêcher de sourire, tendrement. « Je n’ai pas eu l’occasion de vous remercier, il me semble, qu’elle commença, hésitante, avant de conclure, alors merci. Merci, parce que sans vous, je ne serais probablement plus de ce monde. » Ses yeux pétillaient sous l’émotion, elle était sincère. Vraie. Entière. Peut-être qu’elle aurait préféré ne plus en faire parti, de ce monde, mais peu importe, là n’était pas le sujet, elle n’allait pas lui faire part de ses tendances suicidaires, non, pas maintenant. Jamais. Elle ne voulait pas qu’il le regarde différemment, elle ne voulait pas que son regard sur elle change. Elle ne voulait pas qu’il la regarde comme le faisaient les autres. Parce qu’il était différent, ou du moins, à ses yeux.
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