MAXWELL E.S WILKERSON ► Adam Gallagher

Etats-Unis, une soirée de gala parmi tant d'autres.


'Pourquoi je ne peux pas aller avec eux? Pourquoi?' Un questionnement. Suivi d'une petite moue triste servant à attendrir la dame face à lui. C'était d'ailleurs gagné. Son regard avait fondu, sa main gauche s'était posée sur la tête du petit garçon et un sourire s'était étiré sur ses lèvres. 'Parce que tu es trop petit Oliver. Tu vas rester avec moi et on va s'amuser tous les deux. Tu pourrais me montrer les progrès que tu as fait au piano non?' Le petit homme de dix ans avait encore fait la moue, une deuxième fois. Il ne supportait pas qu'on lui dise qu'il était trop petit. De toute évidence, il n'était jamais assez grand pour rien. Juste bon à rester avec sa nounou. Fortement agacé, il continuait donc à rouspéter. 'Mais Maxwell lui, il peut. C'est pas juste !' La nounou lui avait lancé un regard plein de compassion. En 14 années de carrière auprès des Wilkerson, elle avait appris la patience. Et elle en avait vu d'autre avec l'aîné, qui était beaucoup moins facile à faire rentrer dans les rangs qu'Oliver. 'Une prochaine fois Oliver...Et Maxwell, dépêche-toi d'aller te changer sinon tu vas être en retard. Et tu sais à quel point cela agace ton père' Affalé dans le canapé, la télécommande de son jeu vidéo en main, l'adolescent avait à peine relevé la tête, se contentant d'hausser les épaules. 'Maxwell, pas de ça avec moi. Tu ranges et tu vas t'apprêter !' La voix était plus sèche, le regard que la nounou posait sur l'adolescent était sévère. Maxwell avait fini par se lever du canapé, levant les yeux au ciel. 'T'as de la chance Oli. Profites avant d'être obligé de te promener dans un costume qui te donnera l'air d'un pingouin, tout en te forçant à sourire bêtement' Le petit garçon répondit, en même temps que la nounou. Mais Maxwell était déjà à l'autre bout de la villa. Aujourd'hui encore, il allait devoir jouer sur les apparences. Et en pleine crise d'adolescence, il n'était pas prêt à se comporter tel qu'on lui demandait. D'accord, il était fier d'appartenir à une famille aussi populaire. Oui, il était fier d'être le futur héritier d'un empire immobilier. Mais si il y avait des points positifs dans son histoire, il voyait aussi toute une liste d'inconvénients. Comme ces longues soirées de gala où tout le monde était beaucoup trop coincé que pour mettre un peu d'ambiance. Pour faire son gentil rebelle, il avait donc troqué sa veste de costume contre un pull mauve. Son nœud papillon lui donnerait peut-être l'air d'un serveur. Cela l'amuserait peut-être dans le fond. Ou pas. On ne mélangeait pas les classes sociales. On lui avait si souvent répété cette phrase aussi. Enfin prêt, il était monté dans la voiture et le chauffeur l'avait conduit à la soirée annoncée. Un gala. Dans quel but? Il ne savait pas. Cela ne l'intéressait pas. Il allait faire ce qu'on lui disait, comme toujours. Il serait là, tout en espérant trouver une occupation afin de faire passer plus vite la soirée. Quelques minutes plus tard, il se retrouvait donc dans un grand hall parfaitement vide. Enfin pas tout à fait. Une demoiselle, qui devait avoir un peu près son âge, venait de faire son apparition. Bien qu'il ne soit pas souvent bavard et certainement pas le premier à entamer une conversation, cette fois-ci, Maxwell s'était dirigé vers la demoiselle; un sourire charmant accroché à ses lèvres. 'Content de voir que je ne suis pas le seul en retard. J'espère qu'il restera encore du caviar' Il ne connaissait pas vraiment la demoiselle. Mais il pensait que, comme lui, elle devait être fier de ses origines. Et qu'elle devait avoir le même rapport à l'argent que lui. Il était loin du compte. Mais pour l'instant, un homme en costume cravate venait de lui demander son nom, d'une voix un peu trop théâtrale. 'Wilkerson. Maxwell Wilkerson' avait-il répondu, fièrement. D'un geste poli, il avait enlevé son chapeau et remonté sa paire de lunettes. L'homme avait parcouru du regard la liste d'invités et l'avait rayé avant de reposer son regard sur la demoiselle. Elle avait fini par donner son nom elle aussi. Kendall Rosenbach. Un sourire était de nouveau passé sur les lèvres du jeune homme alors qu'il s'effaçait galamment afin de laisser passer la demoiselle. Il l'avait alors suivie dans la salle. Un homme parlait. Le discours semblait ennuyeux. Il croisa le regard de son père. Un regard froid, sévère. Une nouvelle fois, il l'avait déçu. Et une nouvelle fois, il en était fier. Les joies de l'adolescence.

L'argent ne fait pas le bonheur. Toi tu faisais le mien. Harvard, septembre 2014

Une voix de femme annonçait mon vol dans le haut parleur. Je serrais une dame d'une cinquantaine d'années dans mes bras. Mon ancienne nounou avait tenu à m'accompagner à l'aéroport. A défaut de ma propre famille. De toute façon, mes parents n'avaient jamais vraiment eu le temps. J'avais fini par m'habituer à ces trop nombreuses absences. D'ailleurs, c'était un peu pour elle si j'étais revenu en Floride pour les vacances. Oliver la prit dans ses bras à son tour et je remarquais qu'elle était émue. Après tout, elle nous avait élevé comme ses fils. Et j'avais un lien beaucoup plus fort avec elle qu'avec ma propre mère. C'était triste à dire mais c'était comme ça. Après lui avoir envoyé un signe de la main, j'avais embarqué, mon frère sur mes pas. Dans l'avion, j'éteignais mon portable. Un sourire niais s'affichait sur mes lèvres alors que je voyais la photo de mon fond d'écran. Elle et moi, enlacés et souriants. Elle et son regard de braise. Elle et son sourire contagieux. Elle et sa bonne humeur. Elle. Elle me complétait parfaitement. Cela faisait trois années à présent que l'on se connaissait. Trois années que l'on s'aimait. Je l'avais demandée en mariage et elle avait accepté. Mes parents n'étaient pas encore au courant. Jamais ils n'accepteraient notre union. Un homme de mon espèce ne pouvait se marier qu'avec une demoiselle d'une famille du même rang. On n'épousait pas n'importe qui quand on était le futur héritier d'un empire immobilier. Pourtant, j'avais décidé de laisser parler mon cœur. Je n'avais encore rien annoncé à ma famille mais cela ne saurait tarder. En attendant, je savourais les moments de tranquillité. Je devrais batailler dur pour arriver à l'imposer auprès de nous. Mais je n'étais pas prêt à l'abandonner. Je repensais à elle et à nos moments alors que l'avion décollait. Je lui faisais la surprise de revenir un peu plus tôt. De quelques jours seulement. Et j'avais hâte de la serrer dans mes bras.
'Tu devrais essayer de lui dire'La voix masculine se faisait plus forte. L'homme ne semblait pas vouloir s'en laisser compter. 'J'en ai marre de te partager. L'idée qu'il te touche, que tu passes tes nuits avec lui... Je ne peux plus le supporter. Alors, si tu m'aimes vraiment, tu lui dis' L'ultimatum était posé. Il savait déjà qu'il le gagnerait. Il savait qu'elle n'aimait pas l'autre type, qu'elle sortait avec lui pour son fric. Avant il trouvait ça marrant. Mais maintenant, il était jaloux. Cette femme, il l'avait dans la peau. 'Lui dire quoi? Maxwell je ne t'aime pas? Je ne t'ai jamais aimé mais ton argent suffit à ce que je sois avec toi? C'est ça que tu veux que je lui dise?' L'homme avait haussé les épaules. 'Tu lui dis comme tu veux mais tu arrêtes cette histoire qui n'en est pas une' La jeune femme avait secoué la tête, résignée. C'est à cet instant que Maxwell avait décidé de se montrer. Lui qui comptait arriver et dire surprise, il tombait bien bas. Le visage fermé, il posa enfin son regard sur celle qu'il venait de rayer de sa vie. Un regard froid, dénué d'émotion. 'Max...C'est pas ce que j'ai voulu dire' tenta de se justifier la jeune femme. 'J'en ai assez entendu comme ça. Dire que j'aurais été prêt à tout renier pour toi!' Sa voix était sèche, sans appel. Et sans donner le temps à la jeune femme de se justifier, il tourna les talons. Il venait de mettre fin à trois années de bonheur. Trois années où il avait cru être aimé. Triste expérience. Kendall avait peut-être raison après tout. L'argent, cela ne faisait pas le bonheur. L'argent faussait toutes les relations.

Harvard, année 2015.

Je fermais mon livre. Les pages retombèrent lourdement. Je le jetais dans mon sac à dos avant de quitter l'amphithéâtre d'un pas pressé. Pas un seul regard pour mes camarades. Pas un seul regard pour le professeur. Aujourd'hui était un grand jour. Le jour de l'anniversaire de mon frère. Et j'étais donc bien décidé à le fêter comme il se devait. On avait prévu une soirée digne de ce nom. Un soirée où je ne me mettrais aucune limite: alcool, danse, drague. Depuis septembre, c'était mon quotidien. Dire qu'avant j'étais un jeune homme fidèle, le prince charmant des temps modernes. Maintenant, je passais mon temps à mentir. Aux autres sur mon identité. A moi-même pour me cacher de mes blessures. Car il fallait bien l'avouer, elle me manquait. Sa révélation inattendue m'avait bouleversé. Elle avait créé un vide dans mon cœur. On pouvait être riche mais se retrouver seul avec son argent, cela en valait-il la peine? Je savais trop bien la réponse. Tout comme je savais pertinemment bien que je ne saurais plus faire confiance aux demoiselles. Plus tout de suite en tout cas. Alors, même si je continuais à me montrer gentleman, j'accumulais les conquêtes. Ne plus s'accrocher, ne plus souffrir. Jamais.