JACEÄ - training time

Depuis mon accident au début de février, je n’avais pas pu faire énormément de sport. Je comprenais le pourquoi du comment et la peur des médecins que quelque chose arrivent, mais je me sentais bien. J’avais pas de nausées, de vertiges, c’était l’habituel. Peut-être même que le nouveau traitement marchait un peu mieux que celui que j’avais avant l’incident. Toute fois, je ne pouvais pas complètement aller contre les médecins, bien que cela me manquait de pouvoir m’entrainer correctement. C’est pour cela qu’aujourd’hui, j’avais décidé de m’entrainer un peu. J’avais demande à Jacey de venir avec moi. On était habitué a aller courir ensemble, et cela faisait tellement de temps qu’on avait plus passé de temps ensemble, que je trouvais que c’était vraiment une occasion en or. Je pouvais me remettre au sport, doucement en étant sure que si jamais quelque chose m’arrivait il serait la. Je connaissais mes limites, même si il m’arrivait de les pousser un peu. Je l’attendais alors a la plage où je lui avais donné rendez-vous. Il était assez tôt, donc il n’y avait pas beaucoup de monde, ce qui était bien.

Il avait enfin eu l’autorisation du kinésithérapeute. Jacey progressait plus vite que prévu dans sa rééducation. Le fait qu’il ait toujours été sportif devait beaucoup jouer, et il était heureux d’enfin pouvoir commencer à trottiner. Alors bien sûr, il l’avait mis en garde : pas de changement d’allure, pas de course à proprement parler, il fallait que ce soit léger. Alors quand Eä lui avait proposé d’aller courir sur la plage pour se remettre en forme tous les deux, il avait sauté sur l’occasion. La Nouvelle-Zélande se réveillait, et bien qu’il fasse déjà chaud, Jacey était excité comme une pile électrique. Ca lui manquait tellement. Il avait laissé dormir Jade, lui susurrant qu’il partait courir avant de lui déposer un baiser sur la tempe et il n’avait pas mis longtemps à rejoindre son amie de longue date. Il l’enlaça, content de pouvoir fouler le sable sans béquilles. « Hey ! Comment tu vas depuis le temps ? T’es en forme ? Je suis trop content de te voir ! » Ca signifiait tellement pour lui de pouvoir courir avec elle, ça veut dire que ses soucis étaient bien finis. « T’es prête ? Bon je te préviens, je peux courir, mais je risque de galérer ! » La peur de se faire mal était bien présente, mais elle disparaitrait grâce à Eä qui lui redonnait courage rien qu’à poser le regard sur elle.

Je ne sais vraiment pas ce que je serais devenue si je n’avais pas eu la course. J’adorais tellement le sport. En tant qu’enfant en Namibie, j’en faisais sans cesse. Je ne pouvais vraiment pas m’en passer. Alors quand j’avais appris que j’étais atteinte de sclérose en plaques, j’avais été dévasté. Je ne savais vraiment pas comme je pourrais vivre sans sport. C’était ma vie, et c’était vraiment grâce a mes enseignants au collège que j’avais retrouvé ma vocation dans le demi-fond. Depuis, je me battais a chaque course contre ma maladie, mais j’avais toujours ce sentiment de satisfaction quand j’arrivais dans les premières dans la ligne d’arrivée. C’est pour cela, que je ne pouvais pas m’arrêter. J’avais des rêves, des ambitions et tant que je pouvais encore marcher, je n’allais pas les abandonner. Moi, une battante? Totalement. J’attendais Jacey qui ne tardait pas d’arriver. J’affichais un grand sourire en le voyant. “Je vais très bien et toi? Bien sure que j’suis en forme. J’suis totalement prête.” On va pas se mentir, que c’était beau de pouvoir aller courir sur la plage alors que le jour se levait doucement. “C’est pas grave. On va commencer doucement. J’suis pas sensée faire trop d’efforts non plus. Tu sais au cas où qu’un autre accident arrive.” Parfois, le blablatin des médecins rentraient par une oreille et ressortaient par l’autre très bien. C’était le cas ici.

C'était tellement jouissif de pouvoir refouler des sols sans béquilles, et surtout sans fauteuil. Sa fracture l'avait traumatisé, mais il s'en remettait petit à petit, et il lui tardait de pouvoir à nouveau courir sur les parquets à une vitesse folle et surtout de pouvoir recommencer à boxer sur les rings. Il avait repris, mais il ne faisait que du statique. Aujourd'hui aller marquer une grande première. Il sourit à sa grande amie, l'admirable Eä qui ne renonçait jamais malgré les obstacles: "Je vais mieux, t'en fais pas. Les choses s'arrangent petit à petit." Il préférait omettre qu'il avait été au bord du gouffre. Il préférait ne pas l'inquiéter. L'un comme l'autre n'avaient qu'une hâte, et il fallait bien se lancer, alors Jacey sautillait doucement sur place, trépignant d'impatience. Il se voulait rassurant, quand la demoiselle lui expliqua qu'elle n'était pas censée être là et courir. "T'en fais pas Tauriel, je vais veiller sur toi, je suis en mesure de le faire à présent." Parce que ça aurait été tout de suite plus compliqué en béquilles ou en fauteuil, mais tout ça, c'était terminé. Pour autant, il voulait quand même s'assurer que le pire était passé pour elle, car il y a peu, elle l'avait inquiété. "Dis... Ca risque plus d'arriver ton coma, et tout ça? Tu m'as vraiment fait peur ce jour-là." Il savait que sa maladie pouvait prendre le dessus, mais il ne voulait pas l'envisager.

Les médecins voudraient surement que j’arrête de faire du sport. Je crois que mes parents espéraient aussi au bout du compte que j’arrête à cause de l’impact que cela a chaque fois sur mon système. Je m’effondrai bien trop souvent a la fin de chaque course, me forçant a redonner de la sensation dans mes jambes dont je perdais le contrôle. J’avais appris a minimaliser les dommages et surtout, je ne m’effondrai plus autant qu’avant par habitude. C’était pas facile de vivre avec ma maladie alors que je pouvais vraiment perdre le contrôle en un instant. Je savais qu’a chaque fois que je me lançais dans la compétition, mes parents et mon coach arrêtent leur respiration, bien trop inquiet que quelque chose pouvait m’arriver. J’avais de la chance que je n’ai jamais eu de blessures graves dû à la course, mais je savais aussi que pour mes parents, je ne pouvais pas continuer indéfiniment. Après les paralympiques, j’allais arrêter. C’était mon but à atteindre. Je rigolais en écoutant Jacey. Il avait toujours veillé sur moi depuis que l’on se connaissait. Je baissais les yeux alors qu’il me demandait a propos de mon coma. « Je sais pas. Ca peut toujours arriver n’importe quand. Ce n’est pas comme si j’avais le contrôle là-dessus. Mais pour le moment, ils m’ont donné des nouvelles doses de médicaments, un peu plus fort donc ça risque pas d’arriver. » Finis-je avec un sourire. « Bon aller on y va. » Dis-je alors que je m’empressais de trottiner sur place. J’étais bien trop excitée à l’idée de courir avec Jacey à nouveau.

Jacey faisait partie des partisans du sport. Il était de ceux qui pensaient qu'on pouvait tout guérir par la pratique sportive tant que celle-ci n'était pas à outrance, car dans ce cas, elle devenait dangereuse pour la santé. Il avait envie de croire que si Eä était toujours en vie et en relative bonne santé, c'est parce qu'elle voulait se donner une chance de réussir, et parce qu'elle était également une athlète formidable. Pour autant, il la savait fragile, et il s'inquiétait perpétuellement. Il ne devrait pas, mais il préférait se préparer au pire, car il viendrait surement un jour où il devrait lui rendre un hommage authentique et plein d'émotions. Il espérait que ce jour ne vienne pas avant des décennies. Qu'elle meure simplement de vieillesse et non de sa maladie. Il valait mieux se sortir ces pensées de la tête, surtout qu'il ne voulait en aucun cas lui faire sentir qu'il s'inquiétait pour elle. Elle était admirable, et il l'a pris dans ses bras pour lui souffler: "Je suis fier de toi. Vraiment." Elle était une leçon de vie à elle seule. Et elle trépignait d'impatience d'aller courir, alors ils finirent par se lancer tous les deux, et le premier contact avec le sol sur le pas de course fut déroutant. C'était comme s'il ne savait plus comment courir, craignant la blessure. Mais Jacey refusait de se laisser dominer par sa peur, et il souffla un bon coup avant de se laisser aller complètement, sentant ses jambes solides s'enfoncer dans le sable pour mieux se propulser. "Tu peux pas savoir comme je suis heureux de recourir!" Même à cette allure. C'était tellement appréciable de retrouver la forme.

Je savais pertinemment qu’avec mon ardeur et mon esprit de compétition, j’inquiétais énormément de gens. J’avais vraiment juste a voir leur expression alors que je les voyais dans les tribunes lors d’une course. Ils avaient toujours peur que quelque chose m’arrive, que je chute pour ne plus jamais me relever. Il n’y avait pas qu’eux. Jacey, Aurel, Aby, mon coach, s’inquiétaient aussi pour moi. J’avais vraiment une mauvaise habitude de toujours pousser mes limites encore plus loin. Un jour, cela allait me rattraper, un jour, j’aurai poussé mon cerveau et mes neurones tellement loin que j’allais m’en prendre plein la gueule. Toute fois, ce jour n’était pas encore arrivé. Je refusais de me laisser abattre avant Rio. C’était peut-être une grande ambition mais je voulais y arriver. C’est pour cela que j’étais contente d’aller courir avec Jacey. A cause des ses blessures, cela faisait longtemps que nous n’avions pas eu l’occasion de le faire et ça me manquait pas mal. J’avais un grand sourire sur le visage alors que nous nous mettions enfin en route. Je pouvais sentir le sable sous mes baskets et la douce brise matinale sur mon visage. Ca changeait vraiment de Cambridge ou même de New York avec les routes froides et dures. Et si on pouvait rester ici? C’est la Terre du Milieu, je suis sure que mes parents allaient pas dire non? J’avais vraiment trop d’espoirs. « Je te comprends. Je me sentais tellement revivre après le coma quand ils ont dit que je pouvais reprendre. Y a rien de mieux que cette sensation. » Dis-je en rigolant un peu alors que je continuais ma petite trotte.

Eä était une force de la nature, mais elle possédait également une santé fragile. Jacey avait pu ressentir ce que c’était quand il avait dû affronter sa blessure. C’était toujours moins difficile que d’appréhender une maladie au quotidien, mais il avait été frustré de ne pas pouvoir faire ce qu’il aime, et il avait craint de ne pas pouvoir remarcher et courir après sa fracture. Heureusement, il pouvait enfin refouler les terrains du moins commencer à le faire, et aujourd’hui était une grande première pour lui. C’était tellement bizarre de se mettre à courir dans le sable chaud et craindre que votre jambe se dérobe sous vos appuis. Mais pour l’instant, il n’avait rien à craindre, et il avait à cœur de faire disparaitre cette peur paralysante. C’est ce que disait Eä. La sensation qu’ils éprouvaient en courant n’avait pas d’égale. Il avait hâte de pouvoir jouer sur les changements de rythme au basket. « J’ai pu un peu voir ce que tu ressentais quand tu ne pouvais plus courir, c’est insupportable. » Le souffle n’était pas mauvais à cette allure, et il pouvait se permettre de discuter sans problème. « J’ai fait en sorte de pas trop perdre de muscles pendant ma convalescence, mais avec la douleur, ce n’était pas évident. Et sinon à côté de ça, tout va bien ? » Que se passait-il dans la vie de sa petite protégée ? Où en était-elle sur tous les tableaux ? Harvard lui convenait-elle ? S’il s’inquiétait pour elle sur le plan de la santé, ça ne voulait pas dire qu’il ne s’intéressait pas au reste. Le temps était radieux, et Jacey se sentait revivre. Les paysages en valaient en plus la chandelle. Il faudrait qu’il vienne ici avec Jade au coucher du soleil.

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