NATAEL ▪ “ That’s how its supposed to be; living young and wild and free „

Avant j’avais plutôt la belle vie, j’ai toujours eu de la chance. Mes parents ont toujours bien gagné leur vie, on peut dire que j’ai jamais eu de problème d’argent. Certes, ils étaient un peu snobs sur les bords et j’ai eu une éducation assez stricte. Un peu barbant, mais accoutumant. C’est comme ça que je suis devenu un enfant model, discret aussi. La plupart de mes réflexions je les gardais pour moi ou pour mon frère jumeau Damen. Je partageais tout avec lui, il était l’opposé de moi mais je le comprenais, on a toujours été très proche, il me connaissait mieux que n’importe qui. Si je pouvais paraitre mystérieux aux yeux des autres, pour lui j’étais un livre ouvert. On n’avait pas besoin de mots pour être connecté, je pouvais prédire ses agissements comme s’ils faisaient partie de moi et inversement. Je surveillais ses arrières et lui les miennes. On pouvait s’embrouiller des milliers de fois, je m’en foutais je savais qu’on aurait toujours un lien, c’était le seul à qui j’osais dire tout ce qui me passait par la tête. Du coup, j’ai jamais été seul dans ma vie. J’avais beaucoup d’amis, j’étais bien intégré, j’aimais faire la fête et je la faisais bien. J’avais une copine aussi, plutôt canon même. Je l’avais rencontré en vacances à La Barbade un été et après ça on ne s’est plus quitté. Enfin façon de parler, une relation à distance qui a durée 2 ans et que j’assumais parfaitement. J’étais vraiment amoureux, je la trouvais parfaite et elle me voyait comme l’homme de sa vie. Encore une fois, je n’étais pas seul, de toute façon j’aimais pas ça, « dépendant affectif » ça m’allait bien comme terme. Et puis un jour…


Damen et moi on rentrait d’une soirée, il avait bu donc je conduisais. Comme d’habitude il insistait pour prendre le volant, comme d’habitude on mettait la musique à fond et on chantait dessus. Et puis y’a eu ce mec sur la route, il titubait alors j’ai donné un grand coup de volant pour l’éviter et notre voiture a fait le grand plongeon, s’engouffrant dans l’eau. La panique ! On était bloqué et l’eau montait, je me croyais dans un film catastrophe et j’arrivais pas à me souvenir ce que font les héros dans ces moments là. Ca m’énervait alors j’essayais tout, mais impossible de bouger. J’ai pris ma respiration, gonflant mes poumons d’air un maximum avant d’être entièrement submergé. Et puis plus rien, je suis mort !


Je me suis réveillé en sursaut dans une salle de l’hôpital, il n’y avait personne, je ne savais ni où j’étais, ni comment j’étais arrivé là, et encore moins pourquoi. Le vide dans ma tête ! J’étais à poil, étendu sur une sorte de civière et en me redressant légèrement je vis des pointillés tracés au feutre sur diverses parties de mon corps. « Oh putain », c’est ce que j’ai dis en comprenant que j’étais prêt à me faire découper. Sans réfléchir je me leva et sorti immédiatement de la pièce le plus discrètement possible. J’aurais sans doute pu appeler de l’aide, mais j’étais complètement paniqué par ce qu’il m’arrivait, je ne comprenais rien, je voulais juste m’enfuir au plus vite. J’ai donc volé un pantalon chirurgical et je suis partie par l’échelle de secours. J’ai erré dans les rues de Barcelone pendant 3-4 jours, j’ai volé des fringues, de la nourriture, j’avais l’impression de faire un cauchemar à rallonge. Et puis tout m’est soudainement revenu quand je suis passé devant mon ancien lycée. La soirée, l’accident, mon frère dans la voiture, l’eau, tout. Bien entendu je suis directement rentré chez moi pour voir comment allait mon frère et rassurer mes parents, mais une fois devant notre maison : plus personne. Un panneau disait qu’elle avait été vendue, à l’intérieur c’était vide, plus aucune trace des miens. A nouveau, la panique me gagna mais je me laissai pas abattre pour autant, alors je me rendis chez des amis à moi. Je vous épargne la surprise qu’ils ont eue en me voyant, tous m’ont prit pour Damen ce qui m’a rassuré dans un sens, il était vivant au moins. Ils m’expliquèrent tout en détail, ainsi que le déménagement soudain de mes parents en Angleterre après l’annonce de ma « mort », la fuite de mon frère vers une destination inconnue etc. A partir de ce moment là je compris une chose : ma route vers ma vie d’avant allait être longue.



Autant vous le dire tout de suite, je n’ai jamais retrouvé mon ancienne vie. J’ai tout perdu il y a un an, et j’ai changé. Je crois qu’au fil du temps j’ai commencé à accepter ce qui était arrivé, je me suis rendu compte qu’être seul c’est être plus fort. Quand on n’a rien à perdre on peut se permettre de tout tenter. J’ai enfoui mon ancienne vie dans un tiroir bien caché de ma tête, là où je n’aurais pas besoin d’y retourner, j’ai tourné la page de façon impressionnante. En tout cas c’est ce que je me dis et c’est ce que je veux croire. Avant je comptais que sur les autres, aujourd’hui je ne compte que sur moi. Et cette famille qui m’a aidé à m’en sortir, les Cameron, ils m’ont offert un toit, et une oreille attentive. Ils m’ont trouvé un boulot pour que je puisse commencer des études d’architecture, et ça me plait. Ils étaient là quand on m’a diagnostiqué une déficience cardiaque, et c’est eux qui ont su m’expliquer pourquoi mon cœur s’est arrêté lors de cette fameuse nuit. Ils m’ont apprit à parler anglais, et même si j’ai encore un accent je me débrouille bien. Je pensais avoir tout oublié de mon ancienne vie, jusqu’à ce que j’apprenne que mon frère était aux Etats Unis. Je me suis dis « tant pis », je me suis dis « j’y vais », je me suis dis « ça sert à rien », je me suis dis « j’ai pas d’argent », je me suis dis « j’ai des économies », je me suis dis « ça fait trop longtemps », et puis je suis parti.