Pavel Zhirkov ► Daniel Bamdad

Les premières années de la vie de notre très cher Pavel semblent sombre, à tel point que, personne ne sait vraiment ce qu'il s'est réellement passé. En effet, par une belle soirée où l'on pourrait presque dire qu'il faisait chaud, un couffin fut laissé sur le parvis de l'église des Douze Apôtres, à Bichkek. En son sein, reposait un enfant, âgé de deux ou trois ans. Trois grands coups furent donnés sur la lourde porte en bois, ce qui tira un certain Vladimir Zhirkov, pope de son état, de ses prières du soir. Sans grande hâte, il se releva douloureusement, son vieux corps peinant à se déplacer hâtivement jusqu'à la fameuse porte. En ouvrant, il ne vit d'abord rien, avant d'instinctivement regarder le sol, et y voir le "cadeau" laissé là. Le vieillard ne semblait guère surpris de voir un enfant sur le parvis. Les abandons étaient monnaie courante dans ce pays, seulement, cette fois-ci, le bébé fut remis à Dieu, et, le pope se décida à le prendre sous son aile, et de l'élever. L'enfant prit le nom de Pavel, en référence au grand-père du vieillard, et, son patronyme lui fut donné.

L'enfant grandit dans la religion, apprenant dès son plus jeune âge tout ce qu'il devait savoir sur la chrétienté, et, l'enfant semblait prendre goût à tout ça. Les croyances de son père adoptif furent peu à peu ancrées en lui, si bien que, Pavel vint à aider pendant les messes, récitant devant l’Église des prières, malgré son jeune âge, aidant à toute sortes de choses. Il appréciait surtout les moments passés avec le vieil homme qui lui apprenait toute sorte de chose, sur la religion, l'humanité, ou encore la Kirghizistan.

Quelques années plus tard, alors que l'adopté avait plus ou moins douze ans, le vieux Vladimir décéda, le plus paisiblement possible, dans son sommeil. Ce dernier fut très vite remplacé par un autre pope du nom d'Igor, nettement moins chaleureux, nettement moins bon, et bien plus violent. En effet, cet homme d'église, passait son temps à se saouler, et à frapper l'adolescent, meurtrissant son corps à coup de poings, de coupelles, de crucifix, et tout ce qui lui passait sous la main. Cela endurcissait peu à peu l'orphelin, lui faisant découvrir un nouveau sentiment brûlant : la haine. Lui qui avait jusqu'à lors vécu dans un grand calme et dans la foi. La colère se joignit très vite à la haine, le faisant frapper des portes, ou des murs pour l’apaiser. Il rêvait de rendre la monnaie de sa pièce au nouveau pope, mais ce dernier était bien trop grand, et frappait bien trop fort.

La libération de tous ces maux arriva d'Igor lui-même. Alors qu'il partait pour un séminaire à Djalalabad, ce dernier amena Pavel, et l'abandonna au coin d'une rue. Après tout, les abandons sont monnaies courantes se disait-il, Djalalabad est une grande ville, et les bambins laissés à eux-mêmes sont légions, personne ne se rendra compte de rien. Et c'est ce qu'il se passa. L'enfant dû apprendre à se débrouiller seul. Apprendre à voler aux étals, apprendre à dépouiller les gens dans la rue sans qu'ils ne s'en rendent compte, apprendre à se défendre contre d'autres habitants des rues, prêt à le dépouiller à son tour, ou encore, juste par envie sanglante. Les premières fois durent très douloureuses, et amères. Ensanglanté, laissé pour mort dans une ruelle sombre, mais survivant tout de même. Malgré ce quotidien horrible, le pire fut à venir. L’hiver de l'Est est des plus meurtriers. L'abandonné réussit malgré tout à surmonter cela, dans les sous-sol de l’hôpital, emmitouflé sous plusieurs couvertures, ainsi passait-il ses nuits. La journée, il continuait à se battre dehors, devenant peu à peu, ce que l'on se faisait en image, d'un char d'assaut, du moins pour ses adversaires, peu âgés eu aussi. Après avoir pris des centaines et des centaines de coups, avec diverses armes improvisées, ceux de ses ennemis ne semblaient plus rien lui faire. Et, ses coups à lui, faisaient bien souvent leurs effets. Bien entendu, ses coups n'avaient absolument rien d'académique, mais, un bon coup de genoux dans les cotes, ou encore le nez fera toujours son petit effet, la rage parlait dans chacun de ses coups, et cela se voyait. Ce qui impressionnait le plus ses adversaires, était son absence totale de peur, pour lui seule la victoire importait dans ces situations, nul temps d'avoir peur. 8 contre 1, la plupart des gens essaieraient de s'esquiver, lui non. Il restait stoïque devant ce qu'il avait à protéger, et meurtrissait ses assaillants un à un, leur faisant perdre courage peu à peu.

Les années passèrent. Pavel se fit à travers le temps, une certaine réputation, rares étaient ceux qui allaient encore se frotter à lui. L'enfant devint un jeune homme robuste et grand, sa stature elle-seule impressionnait, et lorsque l'on voyait sa force, bien souvent, l'envie de fuir à toute jambes nous prenait. Un homme d'une trentaine d'année finit par venir le voir un jour, dans ce fameux sous-sol qui devint sa demeure en carton. Cet inconnu se révéla être un entraîneur sportif reconnu, sa pratique : la lutte. Pour tout vous dire, l'homme se dit impressionné par ce qu'il avait vu de ce garçon de tout juste dix-sept ans, de sa force, sa niaque et sa détermination dans chacun de ses coups. Pavel se fit recueillir par cet homme : Sergeï Bogdanovitch, se fit entraîner, et reprit une vie normale, allant à l'école, faisant de vraies rencontres et apprenant des tas de bonnes choses. Bien entendu, au début, l'intégration était des plus difficile, se méfiant de tous tout le temps, prêt à bondir tel un fauve pour frapper sur quiconque regardait dans sa direction. Le jeune homme se découvrit une véritable passion pour l'art. A chaque fois qu'il avait un peu de temps libre, il dessinait ou peignait. Et, d'après les dires des autres, il était talentueux. Tout comme il l'était dans la lutte, remportant de nombreux championnats dans toute le Kirghizistan, se faisant ainsi un joli petit paquet d'argent, chose qui lui sembla irréaliste. Avec cet argent, il se mit à se faire tatouer, avant d'apprendre lui-même cet art, pour finir lui-même ce qu'il avait entrepris, il se fit les bras, les mains, et même l'arcade.

Quelques années plus tard, alors âgé de 20 ans, le jeune homme rata de peu les J.O, tombant sur un adversaire bien trop fort pour les qualifications. Les pays de l'Est furent en tout temps en tout temps une grande nation de la lutte, et, Pavel en fit l'expérience. Une idée fut émise par Sergeï l'envoyer dans une grande université où il y étudierait et se perfectionnerait dans la lutte. De nombreux entraîneurs, tous avec des techniques et tactiques différentes, mais aussi des jeunes gens venus des quatre coins du globe, tous au moins aussi doués que lui, et tous avec un but commun : les jeux olympiques. Dans un tel cadre, l'orphelin ne pouvait que s'améliorer, enfin, son quatrième « père » était certain que grâce à cela, son poulain serait fin prêt pour les prochaines. C'est ainsi que notre jeune kirghize tatoué entra à Harvard, lui permettant ainsi, quelques temps plus tard, de représenter le Kirghizistan
aux JO et d'obtenir l'or. Depuis, il continue d'étudier, espérant obtenir une prote de sortie si sa carrière sportive devait s'arrêter.