(J12) CASSIE ► Raiponce n'a qu'à bien se tenir !

La soirée avait été longue, très longue jusqu'au moment où j'avais croisé le chemin de Miss Fitzgerald, ou la Eliot la mieux dessinée du campus de Harvard, avec un humour à vous faire pisser partout, des dents ravissantes à croquer, un petit corps de femme encore frêle quelques fois que je ne laissais jamais trop longtemps sans protection même si en soit elle pouvait sortir les crocs. Une fois que nous nous étions retrouvés comme des âmes soeurs, oui parce qu'elle avait beau être une chieuse, elle se trouvait être ma meilleure amie et rien ne pouvait plus nous arrêter par la suite. Les verres étaient descendus à tout allure, voilà qu'elle m'avait déguisé en fille avec du rouge à lèvre partout, talons aiguilles et tout, et elle s'était déguisée en Mario trop la classe en plombière et moustache. Sauf qu'à cet instant même, ma tête me brûlait un peu, ne pouvant même pas bouger les bras trop entourés et emmêlés dans ceux de Cass.

Il n’y avait pas grand-monde qui pouvait me faire faire n’importe quoi. Mais vraiment n’importe quoi. Je mettais un point d’honneur à tenter de rester digne, peu importe les circonstances. Sauf qu’Alexeï faisait partie de ce « pas grand-monde » en question. Boire comme un trou et peindre le sable de la plage à la bombe de peinture avec un gros « marry me justin », no problem. Faire du lap-dance contre un palmier, who cares. Se déguiser en Mario et le travestir en une espèce de drag-queen, obivously. Il avait su me trouver, on avait su se trouver, et c’était parfait. Ne pas croire en l’amour ne signifiait pas ne pas croire aux âmes-sœurs ; c’était même diamétralement différent. Avec lui, je retrouvais la Cassie que j’étais quand Julian était près de moi. Et ça faisait du bien – à part peut-être à mon foie, qui en avait vu plus que de raison depuis qu’il était entré dans ma vie, mais peu importait. J’émergeai de ma semi-hibernation dans ses bras avec l’impression d’avoir à la fois trop et pas assez dormi. J’essayai d’ouvrir les yeux mais la brulure de la lumière me les fit refermer aussi sec. Tant pis pour la bonne volonté. .

Lorsque je me trouvais en sa compagnie autant dire que je retournais en enfance en un claquement de doigt. Elle avait beau avoir trois ans de moins que moi, quelques fois on se demandait qui était le plus jeune, le plus immature, car oui c'est vrai les hommes ont plus de mal à mûrir et devenir une belle cerise bien sucrée. Je n'avais pas le courage d'ouvrir les yeux, sachant que je ne savais même pas comment m'extirper des bras de Cassie. Tu dors blondie ?! Tu as pas fait trop de cauchemar de ta moustache qui t'allait tellement bien qu'on aurait pu croire que tu étais transexuelle ? De bon matin je cherchais déjà la bagarre, c'était une habitude mais pas sûr qu'elle soit en position de force alors qu'elle était encore en train de comater sentant tout son poids sur moi, encore à moitié dans les bras de Morphée. Réussissant à sortir une main de son emprise, je me mettais à faire des bigoudis entre mes doigts et ses cheveux, oui j'étais d'humeur à faire chier ce matin, what else ?

Ca a arrêté de me gêner vers la 104 ou 105ième tequila, je sais plus exactement. T’étais tellement sexy en drag queen, tu devrais te fringuer comme ça plus souvent. Ma voix n’était qu’un gargouillis rauque mais il devait avoir saisi au moins le sens de la phrase, à défaut d’avoir compris tous les mots. C’était le bon côté d’avoir quelqu’un qui savait vous déchiffrer peu importe dans quel état vous pouviez lui parler. Je sentis ses doigts dans mes cheveux et je ne voulus pas penser à quoi je devais ressembler. De toute façon, peu importait, il m’avait déjà vue dans tous les états possibles. Je finis par soupirer, incapable de retrouver le coma dans lequel j’étais deux minutes avant, et par me redresser légèrement – pas de mouvement brusques, jamais. Ne plus sortir de ce lit, c’était pas le meilleur plan du monde pour une vie entière ? J’avais Alexeï, ça me suffirait amplement jusqu’à la fin de mes jours. Mes yeux brûlaient, et je fixai les stores ouverts avec la haine la plus violente du monde. Tu t’amuses bien, Romanova ?

Elle parlait dans un murmure rauque, sans même réellement savoir si elle comprenait le sens de sa phrase, c'était comme si les mots étaient accolés et heureusement elle avait réussi à les mettre dans l'ordre, applause ! Oui j'ai bien remarqué comment tu m'as relooké, si je n'étais pas ton meilleur pote j'aurais pensé que tu m'aurais sauté dessus en lionne sauvage. Oui hier nous étions dans un piteux état et alors finalement nous nous portions bien depuis, quoi que pas réellement en fait mais le lit douillé était parfait pour affronter ce réveil. Toujours à emmêler les cheveux de ma Raiponce à moi, je sifflotais comme si de rien n'était. Romanova t'emmerde et Romanov t'encule ... Pas de tabou que des mots d'amour...

Et surtout, jamais je n’aurais pu me dérider avec un autre mec que lui au point de me balader avec une magnifique moustache – Dieu savait où elle était, par ailleurs. Sa peau était chaude, la journée était entamée mais nous n’avions pas grand-chose à faire de nos dix doigts – au moins aujourd’hui. Pourvu que ça puisse durer. C’est tellement romantique quand tu parles d’amour. Je te jure, tu d’vrais écrire des poèmes. Ou des chansons. Et moi je les chanterais, et on se fera du fric ensemble, une vraie industrie. On irait loin, avec sa belle gueule. Je me redressai un peu plus, serrant les lèvres pour refouler les éventuels restes de la veille qui ne devaient pas sortir sous aucun prétexte. Victoire de l’esprit sur la matière. Je déglutis. Foutu comme tu étais, ça m’étonne que tu m’aies pas laissée en plan pour quelqu’un. Genre un recruteur pour une boîte travestis qui t’aurais trouvé.  

Bien posés au fond du lit, sous les draps, emmêlés l'un dans l'autre, la journée s'annonçait parfaite si seulement nous avions le courage un instant de la débuter et sortir de ses draps parfaitement soyeux. Oui et tu te prends pour Beyoncé ! Ok tu sais danser mais sous la douche comme moi alors on va y aller doucement hein ... dis je avant de faire rapidement un bisous sur sa joue, un énorme bisous pour essayer de faire passer la pilule de ce que je venait de lui dire, il fallait bien jouer de ses charmes quelques fois. Et bam en pleine face, pour le coup elle ne l'avait pas envoyé dire, pour un recruteur en travesti et puis quand encore, jalouse la miss. J'avoue que j'ai longtemps hésité à rester avec une Mario alors que de charmante demoiselle, super bien roulées, avec un charme fou se trouvait à mes côtés, et puis je me suis dit que ça serait pas cool de te laisser toute seule ruminer ... comme quoi je peux avoir un coeur !