Cause, I built a home for you, for meC'est à Naples, non loin du célèbre quartier espagnol que j'ai vu le jour. Enfin je n'étais pas exactement seule puisque j'ai la chance d'avoir un jumeau né quelques minutes après moi, ce qui me consacre tout de même le rang d'aînée, ce qui ne m'a jamais déplu. Bien qu'ayant eu la chance de grandir dans cette jolie capitale d'Italie, nous ne faisions pas partis de la classe sociale aisée, pouvant jeter l'argent par les fenêtres ou prendre des bains de champagne. Ma mère était une jeune femme, peut-être un peu trop jeune au goût de certains puisqu'elle n'avait que dix-sept ans lorsqu'elle tomba enceinte, mais cela ne lui porta jamais préjudice, ni même à la qualité de l'éducation dont elle nous fit l'apprentissage. Elle enchainait les petits métiers par ci par là, passant le plus clair de son temps à la maison pour s'occuper de sa nouvelle vie de famille. Mon père était à peine plus âgé, la vingtaine tout juste. Il s'agissait du voyou du coin, enfin ce genre de garçon se rattachant à une bande constituée d'hommes forts pour exister. Ce n'était pas une mauvaise personne, il faisait quelques trafics permettant de subvenir aux besoins de la nouvelle famille, il ne créait pas d'ennuis dans le quartier, il faisait seulement ce qu'on lui demandait sans trop poser de questions pour éviter d'avoir à subir des remontrances. La vie n'a jamais été un calvaire, issues d'une très grande famille il y avait de quoi se divertir à chaque comment entre les visites des oncles, les repas chez les grands-parents, les soirées avec les voisins, c'est ça la vie à l'italienne. Mes parents étaient un couple unis, étant ensemble depuis prêt de trois ans lorsqu'ils décidèrent d'agrandir la famille. Nous étions heureux sans avoir besoin de rouler sur l'or, il y avait assez pour vivre sans problème si bien que je pus dès mes quatre ans commencer la danse, passion communiquée par ma mère. Par chance sa meilleure amie tenait une salle où je pouvais apprendre et pratiquer sans aucun soucis, ce que je fis avec le plus grand des plaisirs dès que j'en avais l'occasion. La famille s'agrandit trois ans après notre naissance, et une seconde poupée vint rejoindre les Uccellotti pour la joie de tous. A quatorze ans j'étais toujours dans le même cadre de vie, entourée par ma famille ainsi que la danse. Je touchais à tout, classique, jazz, allant même jusqu'à développer le côté latino avec de la zumba, de la salsa. Ma préférence allait tout de même vers les danses en duo comme le rock acrobatique ou même le contemporain. Le fait de danser me procurait une véritable énergie, incomparable à tout ce que je pouvais éprouver en dehors. Je participais avec honneur aux spectacles de l'école, comme à des concours et autres divertissements. Mes parents étaient fière de moi, et c'est cela qui m'importait le plus, de savoir que je parvenais à les faire sourire. Au fil du temps le quartier avait évolué, emmenant son flot de problème avec des nouvelles arrivées. Ma mère avait enfin trouvé un travail, elle aidait dans une épicerie du coin en tant que caissière. Mon père était parfois absent, et il revenait à certain moment avec des bleus au visage ou des traces sur les mains, mais il n'était pas recommandable de poser des questions, cela était impoli. J'avais compris avec les années qu'il n'était pas comme les pères de mes amies, il ne partait pas le matin à l'usine ou à son bureau et revenait le soir avec des tonnes de papiers à remplir. Bien qu'étant jeune, il m'était paru évident qu'il fasse parti du groupe mafieux dirigeant cette zone là de Naples, cela allait de soit je dirai. Je connaissais les dangers de ce genre de vie, mais il avait toujours eu ce rythme de vie là et nous aussi, pourquoi faudrait-il s'inquiéter ? Avec le recul que j'ai à présent, je me dis que j'aurai dû me douter qu'un jour tout cela allait voler en éclat, cela ne pouvait pas durer indéfiniment.
❖❖❖I'll stand by youUn soir d'été, en juillet plus particulièrement, nous devions mon frère, ma sœur et moi venir aider notre mère à faire l'inventaire de l'épicerie où elle travaillait. Je me rappelle encore de cette soirée, il faisait chaud et j'écoutais Medea et Lucio se disputer au sujet de qui choisirait le programme en rentrant à la maison. Arrivés sur place, nous eûmes la surprise de voir que la porte réservée au personnel était grande ouverte, pourtant notre mère prenait soin de toujours la refermer consciencieusement. Des éclats de voix fusaient dans l'arrière-boutique ce qui força notre curiosité.
« Écoute Tina, donne moi ce que le patron veut et t'auras aucun soucis, compris ? » Un homme armé menaçait notre mère recroquevillée sur le sol, le visage ensanglanté et tuméfié. Elle sanglotait et gémissait en fuyant le regard de son agresseur.
« Je te promets que je n'ai pas les codes de la caisse, autrement je t'aurais déjà tout donner, pitié pars et je n’appellerai personne » C'était juste surréaliste, un cauchemar prenant forme face à nous, adolescents impuissants. Nous étions cachés derrière un étalage de la réserve, Medea agrippant mon bras avec ferveur.
« Tina ... Il faut nous rendre ce que ton mari nous a volé, on vient seulement récupérer ce qu'il nous doit » Un second homme sortis de l'ombre avec un cigare entre les dents, il paraissait totalement placide. Voyant le manque de réaction de ma mère, il fit un signe à celui étant armé qui immédiatement lui asséna un coup des plus violent, lui arrachant un cri. Je ne parviens toujours pas à comprendre comment nous avons pu assister à cela. Lucio ne parlait pas, il avait le regard braqué sur cette scène, tremblant d'une manière inhabituelle. Sans que je m'y attende il s'approcha, cependant j'eus le réflexe de lui attraper la main pour le retenir et le ramener vers nous, l'enlaçant à son tour.
« Et bien, notre amie semble en avoir eu assez et ne pas vouloir coopérer ... Quel dommage » J'eus de l'espoir, ils allaient s'en aller, c'était obligé, cela ne pouvait pas se finir autrement. Tout s'enchaina, l'homme fumant tourna les talons vers la sortie tandis que l'autre releva son arme vers la tête de notre mère. Le coup résonna, Lucio se dégagea et accourut, surprenant les deux hommes prenant la fuite sans scrupule. Je serrai avec force Medea dans mes bras, plaçant sa tête dans mes mains comme pour étouffer le bruit de la détonation.
❖❖❖I'm nothing, without youDes fuyards, c'était ce que nous étions devenus, abandonnant tout derrière nous pour aller nous réfugier chez un oncle vivant à Los Angeles. Je ne sais pas comment notre père s'était débrouillé, mais nous n'avions jamais eu à faire à la police ou à une quelconque enquête. Ce traumatisme, nous le partagions tous, c'était devenu le secret de famille, il ne fallait en parler à personne car cela risquerait de causer des problèmes à notre père. Je ne lui en voulais pas, je l'avais entendu raconter sa version des faits. Il avait gardé un peu d'argent de côté car la famille allait de nouveau accueillir un nouveau membre, et il fallait à tout prix de quoi affronter cela. Lucio lui était plus froid à son égard, refusant la plupart du temps de lui parler ou de rester dans la même pièce que lui. De ça est né ma peur des armes, et autant dire que les États-Unis ne sont pas le meilleur pays pour y remédier. Sortant juste de l'enfance, je décidai de prendre en main cette famille commençant à imploser. A mes yeux il était hors de question que l'on ne soit plus aussi souder qu'avant, alors je m'imposai en tant que nouvelle maitresse de maison et gérante des Uccellotti. J'aidai mon père à retrouver un travail, le poussant à passer des annonces, aller à des entretiens, faire des temps partiels, et tout cela dans la légalité. Je m'occupais de Medea comme d'une mère, la soutenant dans ses devoirs, l'amenant faire ses activités en dehors de l'école. Lucio avec qui j'étais déjà très proche et fusionnel, devint mon piler, me secondant à chaque instant. Il faut croire qu'il s'agit de la force des jumeaux. Au fur et à mesure du temps, nous sommes parvenu à reconstruire un équilibre fragile, mais qui allait se consolider avec de la patience et du soutien. Je n'étais qu'une enfant et pourtant j'endossais déjà de lourdes responsabilités, autant que je le pouvais pour permettre à notre famille de se hisser de nouveau au sommet, mais cela n'était pas chose facile. Aux yeux du monde nous étions les nouveaux voisins italiens ayant quitter le pays suite à la fausse couche de la femme lui ayant couté la vie, une famille dirigée par une jeune fille ayant la tête sur les épaules, un père écumant les annonces, le frère pas très bavard et l'adorable dernière au regard triste. J'étais persuadée que nous parviendrons à vivre d'une meilleure manière, je n'aurai jamais laissé cette famille sombrer, il était de mon devoir de tous nous maintenir en vie et de faire table rase du passé pour recommencer une nouvelle existence. Progressivement notre père reprit son rôle de patriarche dans la famille, me laissant récupérer de cette adolescence mise de côté pendant plusieurs mois. Cela me permit de partager à nouveau des moments avec Lucio, nos moments rien qu'à nous, qu'aux jumeaux. Il m'accompagnait souvent aux cours de danse, il restait assis dans un coin à assister au déroulement des séances, c'était important pour moi qu'il soit là et m'encourage. J'étais parvenue avec le nombre d'heures que je faisais et mon investissement à obtenir un excellent niveau d'après ma professeure, ce qui me promettait un nombre non négligeable de bourses pour les années à venir. Malgré le fait que notre père ai reprit sa place de chef de famille, je ne pouvais m'empêcher de m'occuper de Medea ou même de continuer à l'aider quand il rentrait du travail, j'avais ce sentiment que c'était ce que notre mère aurait voulu, et je devais le faire pour le bien de notre famille.
❖❖❖Crazy, in loveAvec ce début de vie tumultueux, j'avais mis de côté les garçons, passant tout mon temps chez moi avec les miens. Arrivée au lycée j'ai eu deux relations avec des garçons. La première dura un an et demi, ce fut mon premier amour, une expérience que je ne suis pas prête d'oublier. C'était un gentil garçon, un peu timide et maladroit sur les bords, mais il me plaisait et j'en étais amoureuse. Seulement au fils des mois je me rendais compte que je me lassais, que passer du temps avec lui réduisait celui où je pouvais être avec Medea et Lucio, bien qu'il fut totalement intégré à la famille. Je pris la décision de rompre, ne souhaitant plus me consacrer à cette relation. A ma plus grande surprise, je découvris un garçon violent et agressif, refusant ma décision et me menaçant. Je ne savais quoi faire, durant plusieurs mois il me harcelait via les réseaux sociaux, les appels téléphoniques et au sein même du lycée. Je n'en avais pas peur, seulement je ne savais pas comment gérer cela, et le fait que cela dure ne faisait qu'aggraver mon état de stresse causé par la mort de notre mère. Du jour au lendemain, plus de nouvelles, il semblait être enfin passé à autre chose, après plus de six mois. C'est quand je vis un soir Lucio rentrer avec un sourire triomphant que je compris.
« Ne me dis pas que tu es derrière tout ça ... » « De quoi tu parles ? » Son air victorieux le trahissait, c'était comme un panneau clignotant en pleine nuit.
« Bon d'accord, j'ai croisé ton fameux admirateur, et on a un peu parlé ... Enfin ces deux-là lui on fait comprendre qu'il fallait arrêter » Il désignait ses poings en me faisant un clin d’œil. Je n'approuvais pas cette méthode d'intimidation, mais au moins cela avait été efficace et à nouveau nous étions encore plus proche, comme quoi s'attaquer à l'un, c'est recevoir l'autre. Mon second copain ne fut qu'un flirt de deux mois, sans grande importance et j'omets souvent d'en parler car je n'en garde pas un bon souvenir. C'était un garçon très entreprenant, trop tactile et parfois irrespectueux. J'avais fait part de mes craintes à Lucio et Medea à son sujet, et c'est eux qui me conseillèrent de rompre avant que cela ne dégénère, bien que je savais que quoi qu'il arrive, j'aurai leur soutien. Plusieurs mois s'écoulèrent sans que je n'eus de relation, passant mon été avec ma famille et à la danse. Avec Lucio nous rentrions en dernière année de lycée, tandis que Medea en était à sa première. Nous n'étions pas dans la même classe, ce depuis trois ans, mais cela ne nous empêchait pas de passer le plus clair de notre temps ensemble entre les cours et les repas. Puis il y eu cette nouvelle fille dans ma classe. Je me liais très rapidement d'amitié avec elle, si bien qu'elle fut la première à parvenir à m'éloigner un peu de ma famille. Je passais tout mon temps avec elle, je l'invitais à la danse, j'allais assister à ses matchs de basketball, notre relation était très fusionnelle et totalement inédite. Elle m'était devenue indispensable, et si bien que je commençais à éprouver des sentiments jusque là refouler. Elle me plaisait, physiquement, mentalement, sa manière d'être, tout m'attirait. Je confiais cela à Lucio et Medea, leur racontant chaque jour la naissance de mes sentiments dépassant l'amitié pour elle. Les mois passèrent et j'étais certaine de l'aimer et de vouloir une relation. Lors d'une soirée je lui avouais, encouragée par ma famille. A mon plus grand étonnement elle se révéla lesbienne, et répondu par l'affirmative à mon annonce. Le lendemain tout bascula sous le coup de l'alcool elle avait craqué, seulement ses sentiments n'étaient pas à mon égard, mais envers ma meilleure amie. Ce fut un choc, le premier chagrin d'amour de ma vie que j'eus énormément de mal à supporter. Six mois, c'est le temps qu'il fallu pour que je passe à autre chose avec toujours le soutien infaillible des miens. Je n'ai raconté cette histoire qu'à Medea et Lucio, même notre père n'en sait rien, je n'assume pas.
❖❖❖Even if the skies get roughAvec l'obtention de nos bourses et d'un commun accord, avec Lucio nous avions pris la décision de poursuivre nos études à Harvard, ensemble bien qu'étant dans des cursus différent. Depuis la disparition de notre mère, soit 4 ans, notre père n'avait eu aucune relation mais depuis quelques mois il fréquentait une adorable femme que nous apprécions tous. A fin de le laisser vivre une seconde histoire pour continuer à se reconstruire, nous avons pris un appartement non loin de l'université pour avoir notre indépendance. Medea nous suivit et je devins sa tutrice jusqu'à sa majorité, ainsi elle pourrait continuer d'étudier au lycée tandis que nous serions à l'université. Notre vie continua de la même manière que les années précédentes, je ne pouvais m'empêcher de toujours garder un œil sur eux et de jouer aux mères poules surveillant le comportement de Lucio et le travail de Medea. Tout allait pour le mieux, Harvard étant comme un rêve pour nous, une seconde chance de tout recommencer à zéro avec des possibilités immenses. Il y eu tout de même deux gros chocs, les attentats à la bombe qui plongèrent mon frère dans un coma durant près d'une semaine, et cette prise d'otage où je reçus une balle, me laissant une cicatrice à vie. Malgré toutes ces aventures, nous sommes restés soudés, et ce pour longtemps je l'espère.